Olivier Marchal : "La scène me débarrasse du reste du monde, de mes angoisses"

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Aurélie Dupuy , modifié à
Ancien flic devenu metteur en scène d'acteurs jouant les flics, Olivier Marchal s'est confié sur son parcours hors normes. Et ses nuits hantées par la violence.
INTERVIEW

Sur scène ou à l'écran, Olivier Marchal campe les flics. C'est le cas dans sa dernière pièce Nénesse, qui se jouera théâtre de Jazet jusqu’au 3 mars. Ses films parlent aussi des flics. Et surtout, avant de devenir acteur, Marchal était flic, pendant douze ans à la crim, puis à la section antiterroriste avant de devenir policier la nuit. Puis, un jour, il a poussé les portes du conservatoire du 10e arrondissement de Paris. C'est cet étonnant parcours qu'il a raconté dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie.

L'aide de Michèle Laroque. Enfant, Olivier Marchal se rêvait aventurier de film, à la John Wayne. En grandissant, il a fait flic pour ressembler à ses héros, avant de les incarner pour de vrai. Comme si, toute sa vie, il y avait eu un pont entre la réalité et la fiction. Côté scène, tout a commencé par une histoire amoureuse. Dans une soirée, Olivier Marchal rencontre Michèle Laroque. "C’est un secret pour personne, on a partagé une année de vie. J’allais la voir jouer, j’étais fasciné et c’est elle qui m’a poussé." Elle l'incite à franchir la porte du conservatoire. Là-bas, personne ne le croit quand il dit qu'il est flic la nuit. Mais le prof le prend sous son aile, transforme ses 27 ans en 25, la limite d’âge pour s'inscrire. "C’est grâce à lui que j’en suis là."

"Une vie d'aventurier". Et s'il en est là, aussi, c'est parce qu'il se sent bien sur une scène, sur un plateau ou derrière la caméra. "Ça me débarrasse du reste du monde, de mes angoisses. Je suis un garçon qui pleure beaucoup, en secret. Je suis obligé de prendre des médicaments assez forts pour dormir, sinon je me réveille et je pleure. Dès que je suis sorti de la naïveté de l’enfance, j’ai pris conscience de la mort, de la violence, de la méchanceté." En optant pour policier, il est pourtant allé vers ça. "Je voulais être utile, rendre service, protéger. Je voulais être bûcheron, pompier, flic. Je voulais une vie d’aventurier."

Entendu sur europe1 :
Je n’ai pas pris conscience de la réalité de ce métier. J’ai fait ça comme dans un film, j’avais un calibre, une carte de police, ça marchait avec les filles.

Ce sera alors la police. Il sort 24e sur 600 de l'école. "J’étais un gamin, je suis resté gamin quand j’étais poulet. C’est pour ça que je n’ai pas supporté. Je n’ai pas pris conscience de la réalité de ce métier. J’ai fait ça comme dans un film, j’avais un calibre, une carte de police, ça marchait avec les filles. La violence, je l’ai gardée en moi, pas assumée. Le flic fait tampon entre les victimes et les familles des victimes. Annoncer la mort d’un enfant, on jouait ça au dé. C’est très difficile d’annoncer la mort d’un proche." Il résume d'une phrase : "Je n'étais pas fait pour cette violence."

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Je pense que si je n’avais pas réussi dans le cinéma, je serais devenu un Nénesse, alcoolo, un con.

"Je ne supporte pas la nuit". La conséquence, c'est qu'il pense que c’est plus facile d’être flic devant la caméra qu’en vrai, même s'il débusque tous les défauts. "Quand je vois les acteurs qui jouent les flics, ils jouent, ils ne sont pas flics. Ils surjouent, même les voyous", juge-t-il, avec la crédibilité de celui qui a au moins vu les deux côtés. Mais passer à la fiction a aussi été salutaire : "Je pense que si je n’avais pas réussi dans le cinéma, je serais devenu un Nénesse, alcoolo, un con. Mais un con sympathique, comme il y en a plein. Un mec raciste qui va boire des coups avec Momo et Rachid, qui sont ses potes, et dès qu’il a un coup dans le nez, est islamophobe, homophobe, misogyne, qui n’aime rien par dégoût de lui-même. Nénesse dans la pièce est un rockeur raté. Je pense que l’alcool nous transforme. On a l’alcool gai ou mauvais, triste. Je ne bois pas la journée, mais le soir, je bois beaucoup. C’est un problème. Je ne supporte pas la nuit." Cette nuit qui l'oppresse depuis l'adolescence. Alors reste la sortie de secours : le théâtre. "Ça me donne l’adrénaline dont j’ai besoin. Je commence à être vieux, j’ai 60 ans. Je suis hanté par ça, la maladie, la mort, ça me réveille. Le théâtre donne une continuité à ma journée,me  permet de vivre jusqu’à 23h, minuit."

 

Le besoin de se sentir utile a resurgi avec le Bataclan

Le désormais réalisateur a eu beau passer la barrière, de flic à réalisateur de films sur les flics, le milieu de la police fait toujours partie de sa vie. Et son passé et le besoin de se sentir utile a resurgi avec les attentats de 2015. "Quand il y a eu les attentats au Bataclan, j’étais en train de faire un film en Martinique. Je me suis senti isolé de tout ça, très loin. J’ai regretté de ne pas être resté dans la police. J’ai eu envie d’agir, de me sentir utile, d’être proche de mes potes de la BRI, du Raid. J’avais vraiment envie de reprendre l’uniforme pour agir même si je sais qu’avec le cinéma, on intervient dans la vie des gens, qui vivent leur rêve à travers nous."