Michel Legrand avait commencé comme musicien de jazz avant de faire carrière dans le cinéma. 2:43
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avec AFP , modifié à
Michel Legrand, compositeur entre autres de la musique de "L'Affaire Thomas Crown" et des "Parapluies de Cherbourg", s'est éteint samedi à l'âge de 86 ans.

Le compositeur de musique Michel Legrand, créateur des thèmes des films "Les Parapluies de Cherbourg" et "Les Demoiselles de Rochefort", est décédé dans la nuit à Paris à l'âge de 86 ans. "Il s'est éteint chez lui à 03h du matin aux côtés de son épouse la comédienne Macha Méril", a indiqué son attaché de presse. Également musicien de jazz et de variété, chanteur et orchestrateur, Michel Legrand a marqué l'histoire de la musique du 20ème siècle. 

Au cours d'une carrière de plus de 50 ans qui lui a valu une renommée mondiale et trois Oscars pour ses musiques de films, ce musicien touche-à-tout a travaillé avec les plus grands, de Ray Charles à Orson Welles, en passant par Jean Cocteau, Frank Sinatra, Charles Trenet et Édith Piaf. "Depuis que je suis enfant, mon ambition a été de vivre complètement entouré par la musique. Mon rêve était de ne rien rater. C'est pourquoi je ne me suis jamais fixé sur une seule discipline musicale", expliquait-il.

La musique, une révélation. Né à Paris le 24 février 1932, Michel Legrand appartient à une famille de musiciens. Son père, qui quitte le foyer alors qu'il n'a que trois ans, est compositeur et chef d'orchestre, tout comme son oncle. "Le monde de l'enfance, la mienne, était un monde solitaire. Je n'aimais pas aller à l'école", se souvenait-il. Michel Legrand trompe son ennui en reproduisant au piano les chansons qu'il entend à la radio. À 10 ans, il entre au Conservatoire de Paris. C'est une révélation. "Moi qui détestais la vie, quand je suis rentré pour la première fois au Conservatoire, j'ai franchi le seuil d'un monde magique où il n'était plus question que de musique: le bonheur", confiait-il. 

À sa sortie, guidé par son père, il se lance dans le milieu de la chanson. Il travaille pour Henri Salvador, puis pour Maurice Chevalier, dont il devient directeur musical. Arrangeur pour la maison de disques Philips, il réunit sous sa baguette Miles Davis, John Coltrane et Bill Evans pour Legrand Jazz (1958). Mais lassé de cet exercice, il "entre dans le cinéma comme on entre en religion" au moment où naît la Nouvelle Vague. Il devient un collaborateur privilégié de Claude Chabrol, Jean-Luc Godard (pour lequel il signe la musique d'Une femme est une femme en 1961 et Bande à part en 1964), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7).

Demy puis les États-Unis. Une rencontre est décisive : celle avec Jacques Demy. Désargentés mais plein d'idées, les deux hommes créent une nouvelle forme de film musical, ancré dans la vie contemporaine et où les dialogues sont entièrement chantés. Les parapluies de Cherbourg, puis Les Demoiselles de Rochefort et Peau d'âne les propulsent au firmament du septième art. 

En pleine gloire, Michel Legrand décide à nouveau de tout quitter et s'installe aux États-Unis en 1966. Henry Mancini, grand compositeur pour le cinéma, lui ouvre les portes d'Hollywood et lui donne une formidable opportunité : celle d'écrire la musique de L'affaire Thomas Crown" (avec Faye Dunaway à Steve McQueen). Pour son travail, il reçoit l'Oscar de la meilleure chanson originale en 1969 pour The windmills of your mind (deux autres statuettes suivront pour Un été 42 (1972) et Yentl (1984)). Interprétée en anglais par Noel Harrison, la chanson avait été ensuite traduite en français (Les moulins de mon cœur) par Eddy Marnay et chantée par Michel Legrand lui-même.

Touche-à-tout. Son style reconnaissable entre tous - arrangements foisonnants et romantisme échevelé - est souvent imité, parfois décrié. Michel Legrand assume et s'élève contre ceux qui voient la musique comme un élément secondaire d'un long métrage. Au contraire, dit-il, "une bonne musique de film doit être un véritable personnage, elle doit parler, vibrer !".

Malgré le succès, Michel Legrand a toujours refusé de se cantonner au cinéma. Tour à tour chanteur (sur les conseils de Jacques Brel), pianiste, compositeur de chansons de variétés, de pièces classiques, de ballets, de comédies musicales (dont Le passe-muraille écrit avec Didier van Cauwelaert), il s'est même essayé à la réalisation (Cinq jours en juin en 1988). Père de trois enfants, le compositeur à la voix légèrement voilée et au sourcils broussailleux, avait épousé en troisièmes noces l'actrice Macha Méril en 2014.