"Mother !" : le coup de folie de Darren Aronofsky

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Le nouveau film du réalisateur de "Black Swan", avec Jennifer Lawrence et Javier Bardem, sort mercredi en salles. Un long-métrage aussi déroutant que fascinant.

Dix-huit ans après ses débuts, Darren Aronofsky continue de nous surprendre. Le cinéaste revient en salles, trois ans après Noé, avec un thriller psychologique teinté de fantastique. Une oeuvre ambitieuse, qui peut fasciner autant que rebuter, tant le geste du réalisateur apparaît comme radical.

Adam et Eve. Mother ! commence par la situation la plus simple qui soit. Un homme (Javier Bardem) et une femme (Jennifer Lawrence), réunis dans un même lieu (une maison), sortes d'Adam et Eve contemporains. Si l'analogie s'exprime aussi pleinement d'entrée, c'est parce que le film n'aura de cesse de travailler cette métaphore. Le titre du film renvoyant également, comme le concède lui-même Aronofksy, à "notre mère, la Terre".

Au milieu de cette équation à trois s'invite pourtant un étranger (Ed Harris), médecin égaré qui prend la maison du couple pour un charmant Bed and breakfast. Si Javier Bardem se fait accueillant, Jennifer Lawrence affiche immédiatement son scepticisme. "Un inconnu va dormir chez nous ?", interroge-t-elle. Ed Harris va-t-il se révéler être le serpent de l'histoire ?

Darren Aronofsky n'utilise pas cette intrigue initiale aux contours bibliques comme le moteur clé de l'intrigue, mais plutôt comme un matériau. La référence est donc là, en filigrane, au bord de l'écran, mais sans jamais l'envahir totalement. Car Mother ! a beaucoup plus à proposer que sa simple analogie du Sacré.

Aller simple pour la démesure. D'abord intime, le long-métrage fonctionne sur un régime minimaliste dans une première partie où c'est la précision du cinéaste qui parle. Sens du rythme et du montage, silence, relance, Mother ! repose sur l'adage qui veut que le diable se cache dans les détails : un parquet qui craque, une porte ouverte, une réflexion déplacée. Rien de nouveau, juste efficace, Mother ! déroule sa partition dérangeante avec brio.

On taira évidemment la bascule, cet instant où le film prend une autre direction, sans mesure aucune. La folie avec laquelle se déroule la dernière partie de Mother ! semble jaillir à l'écran, sans retenue. Une errance à toute allure, entre Paradis et Enfer, qui heurte et bouscule. Un long flot d'images qui semblent indépendantes, tant chaque séquence recèle un univers toujours plus dérangeant, d'abord en équilibre, avant de s'écrouler pour offrir quelque chose de plus hors normes l'instant d'après.

Au milieu de cette frénésie, le personnage de Jennifer Lawrence apparaît comme le seul fil conducteur, traînant avec elle un spectateur sidéré par ce qui s'offre à lui. Paradoxe de ce dernier acte, c'est sans doute là que le principe de la métaphore "notre mère, la Terre" est le plus présent, et en même temps, complètement rétrogradé au second plan par la force hypnotique de l'enchaînement des scènes. "Sidération", c'est en tout cas le mot-clé de cette dernière partie, tant l'équilibre de la fin du long-métrage repose à la fois sur l'horreur et l’envoûtement. Au milieu de ces deux états se trouve sans doute la clé du mystère Mother !.