Le célèbre roman policier d'Agatha Christie a été vendu à plus de 100 millions d'exemplaires. 1:48
  • Copié
Nicolas Carreau, édité par Jonathan Grelier , modifié à
Vendu à plus de 100 millions d'exemplaires dans le monde, le roman policier de l'écrivaine britannique Agatha Christie "Dix petits nègres" a été renommé. Le choix de son nouveau titre, "Ils étaient dix", intervient à la suite d'une demande de ses descendants, alors que la France restait l'un des seuls pays à garder une traduction identique au titre originel.

L'un des livres les plus vendus au monde, le célèbre roman policier d'Agatha ChristieDix petits nègres, commercialisé à plus de 100 millions d'exemplaires, vient d'être rebaptisé. Désormais, il faudra demander à son libraire de trouver "Ils étaient dix", son nouveau titre. Ce changement achève un long processus de dénomination de cet ouvrage, depuis la sortie du livre au Royaume-Uni au XXème siècle, en 1939 plus précisément.

La traduction a changé dans beaucoup de pays

A cette époque, le titre est alors Ten little niggers, d'où le titre Dix petits nègres en français. Mais très vite, celui-ci a été modifié, y compris en langue anglaise, aux Etats-Unis notamment, où le terme raciste "nègre" (nigger) est plus que rejeté. Là-bas, le roman ne s'est jamais appelé comme au Royaume-Uni, son titre étant Ten little Indians.

Depuis cette période, la traduction a changé dans beaucoup de pays pour éviter l'utilisation du mot injurieux. A cet égard, la France faisait figure d'exception. Les descendants d'Agatha Christie ont donc demandé à ce que la France s'aligne sur les autres traductions. "Agatha Christie elle-même avait reconnu l’utilité de changer le titre au début des années 1940 aux Etats-Unis, parce qu’elle sentait le poids négatif que ça pouvait jouer sur des populations", a rappelé l'historien Jean Garrigues mercredi soir sur Europe 1. "A partir du moment ou Agatha Christie elle-même a jugé utile de changer ce titre et son arrière-petit fils aussi, on est dans quelque chose qui ne me semble pas totalement choquant."

"Il y a un contre-argument qui pourrait être de dire que ça fait partie de notre patrimoine littéraire, que c’est ennuyeux de changer le titre parce qu'aujourd’hui, cette expression-là, on a eu le temps d’en parler, d’y réfléchir et peut-être même de lui enlever sa dimension polémique", a-t-il toutefois nuancé.

"Faire comme si cette histoire n’avait pas existé ne me semble pas nécessairement la meilleure solution"

Invité également d'Europe 1, l'avocat au barreau de Paris Emmanuel Pierrat s'est montré plus sceptique sur la nécessité d'un tel changement. "Effacer d’un seul coup ce titre et faire comme si cette histoire n’avait pas existé ne me semble pas nécessairement la meilleure solution", a-t-il déclaré, reprochant à la descendance de l'autrice de suivre "le vent dominant" pour des raisons "commerciales".

Concernant le livre d'Agatha Christie, ce basculement n'implique pas uniquement un changement de titre. L'histoire du roman, par exemple, se déroule sur l'île du Nègre. Elle devient l'île du Soldat, comme dans la version américaine.

L'intrigue du roman elle-même est basée sur un comptine du XIXème, appelée Dix petits nègres, qui est même son canevas, les meurtres suivant les couplets. Mais cette comptine anglaise était elle-même une adaptation d'une comptine américaine intitulée... Dix petits Indiens.

Alors que l'épisode du livre d'Agatha Christie survient dans la foulée de la controverse autour du film Autant en emporte le vent, Binetou Sylla, membre du collectif Piment qui a publié Le dérangeur, petit lexique en voie de décolonisation a réfuté sur Europe 1 l'utilité de parler de suppression éventuelle de ces œuvres. "Elles sont le témoignage d'un contexte particulier, historique et elles peuvent même être pédagogiques en réalité, mais il faut pouvoir les contextualiser, les expliquer."