Albert Dupontel est en ce moment au cinéma avec son film "Adieu les cons". 13:31
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Léa Leostic
À l'occasion de la réouverture des cinémas et de la deuxième sortie de son film "Adieu les cons", Albert Dupontel était l’invité de "CLAP !", l'émission cinéma d'Europe 1. Le réalisateur s’est prêté au jeu du questionnaire sur les films qui lui ont fait découvrir le cinéma et qui ont marqué sa vie. Parmi eux, "Le Casse", "Les Lumières de la ville", "Requiem pour un massacre" ou encore les Monty Pythons.
INTERVIEW

Tous les samedis dans CLAP !, un invité se soumet à un questionnaire personnel sur les films de sa vie. Samedi, c'est le réalisateur Albert Dupontel qui s'est confié au micro d'Europe 1. Son dernier film Adieu les cons a été récompensé lors de la dernière cérémonie des Césars, avec sept récompenses dont celles du meilleur film et meilleure réalisation. Déjà montré en salles à l’automne dernier, Adieu les cons est de nouveau visible au cinéma depuis le 19 mai. Pour l’occasion, Albert Dupontel est revenu sur les films qui ont marqué sa vie.

Quel est votre premier souvenir de cinéma?

Le premier film dont je me rappelle c'est Le Casse (1971), avec Jean-Paul Belmondo. Mais je me rappelle aussi de morceaux d'autres films que ma grand-mère m'emmenait voir dans les cinémas de quartier des années 1970 : des films de mousquetaires, de cape et d'épée. Mais celui dont je me rappelle précisément c'est Le Casse. Je l'ai vu en 1973. J'avais 9 ans et c'était interdit aux moins de 13 ans. C'était déjà une cascade pour moi, très Belmondoienne, d'aller voir ce film. Je l'avais vu à Royan. Je m'étais glissé discrètement pour pouvoir le voir. 

J'avais trouvé ce film à la fois fascinant et en même temps, il m'avait fait peur. Parce que dans le cinéma des années 1970, les femmes prennent beaucoup de claques. C'était une vision très machiste. Dieu sait combien j'aimais Belmondo et Ventura, mais qu'est-ce qu'ils ont pu donner comme claques ! Dans ce film, quand on donnait une claque, la lumière s'allumait ou s'éteignait. C'était un truc sonore. J'étais à la fois fasciné par le prodige technologique et en même temps intimidé par ces claques. Parce qu'à l'époque, les claques, c'est plutôt les femmes qui me les donnaient, avec l'éducation rigide de ces années-là. Je l'ai revu il n'y a pas longtemps. Il a pris un petit coup de vieux, forcément. Mais il y a quand même malgré tout une joie de faire du cinoche qui transparaît.

Votre meilleur souvenir en salle ?

Je ne peux pas en choisir un ! Il y en a eu des dizaines et des dizaines. Peut-être Brazil (1985) que j'ai vu trois fois dans la semaine. Je me rappelle de Requiem pour un massacre de Klimov (1985) que j'ai vu deux fois la même journée. J'avais même appelé un copain pour qu'il vienne le voir avec moi en lui disant 'il faut que tu vois ce truc-là, c'est ahurissant !'. Blade Runner (1982) a également été un choc, Alien (1986) aussi.

C'est bien que les salles de cinéma rouvrent parce que ça permet un voyage. On se soustrait pour quelques euros. À l'époque, on pouvait encore entrer par la sortie de secours. On regardait si l'ouvreuse ne venait pas nous virer. C'était une sorte de sous-sol, comme une drogue. J'ai voyagé grâce à ça. Ça m'a soustrait à la réalité. J'ai passé des années à voir des films. J'ai des souvenirs merveilleux par rapport à ça. J'avais 20 ans et à cet âge-là, la conscience commence vraiment à se former et on commence à retrouver des choses qu'on ressent en soi et qui sont exprimées clairement dans les films.

Votre séance de cinéma la plus dingue ?

La séance la plus dingue était fréquente : c'était d'arriver à 9 heures le matin dans les cinémas qui ouvraient très tôt et en ressortir à minuit quand on avait tout vu. Et comme parfois je ne payais pas le ticket, je ne voyais pas la fin de tous les films parce qu'il fallait que je me dépêche d'aller voir le début d'un autre film avant d'être viré par l'ouvreuse. Il y a des films que j'ai recomposés sur plusieurs années !

Un film dans lequel vous aimeriez vivre ?

J'aurais aimé vivre un film de Capra. J'aime aussi beaucoup le cinéma des années 1930. J'aurais pu vivre dans Les Enfants du paradis (1945). J'aurais aussi adoré filer un coup de main à Michel Simon dans La Chienne (1931).

Un chef d'œuvre que vous détestez ?

Il y a un chef d'œuvre que je n'aimais compris, c'est 2001, l'Odyssée de l'espace (1968). Ce n'est pas que je n'aime pas ! Je trouve fascinantes les prouesses de Kubrick. A l'époque, il n'y avait pas de numérique. C'était un génie. Mais par contre le film, je ne le comprends pas. Mais j'y retourne régulièrement. Mais je ne comprends pas ce que ce film veut raconter.

La plus belle scène de cinéma ?

Une scène qui me touche à chaque fois, c'est la fin des Lumières de la ville de Chaplin (1931). Quand elle le reconnaît et qu'elle dit 'mais c'était vous ?' et qu'il y a un fondu au noir. C'était une trouvaille de génie ! Il paraît qu'il avait construit son film après avoir eu cette idée. C'est magnifique. 

Le film qui vous fait le plus rire ?

Il y en a plein. Il y a un âge où on a envie de se marrer et j'ai eu de la chance car j'ai été adolescent à l'époque des Monty Python. Je me rappelle être tombé de mon siège tellement je me bidonnais. En plus de rire, c'était un peu la perception sarcastique et absurde que j'avais de la religion. Non seulement ils traduisent ce que je ressens, mais en plus qu'est-ce qu'ils sont drôles ! Ils étaient vraiment géniaux ces mecs-là.

Le film qui vous fait le plus pleurer ?

Il y en a pas mal, mais encore une fois je vais citer Chaplin. Il y aussi la fin de Pickpocket de Robert Bresson (1959). Pourtant je ne suis pas du tout fan de Bresson, donc j'avais regardé Pickpocket un peu par éducation auto-imposée. Et finalement j'ai trouvé la fin très émouvante. Je pourrais aussi citer la fin de Ladybird de Ken Loach (1994). Les fins émouvantes c'est quand, tout d'un coup, la vérité apparaît toute nue. Les phares scénaristiques tombent, les phares de mise en scène aussi. Il y a une vérité toute nue qui arrive et on est prêt à l'accueillir.

Un dialogue de cinéma que vous connaissez par cœur ?

Il y en a beaucoup, notamment chez Bertrand Blier. Dans Un, deux, trois, soleil (1993), il y a une phrase de Claude Brasseur qui arrive et qui dit 'on parle d'enculé ? Ca tombe bien, je vais me mettre mon survêtement'. Ca, dans le sens métaphorique et lapidaire, c'est typique de Blier.

Votre place idéale dans la salle de cinéma ?

Au fond, discretos, vu par personne, le matin tôt, quand il y a personne. J'adore voir les films tout seul car j'ai l'impression qu'ils m'appartiennent et qu'ils ont été faits pour moi. C'est valable aussi quand je découvre un lieu public tôt le matin, en vélo dans Paris, un matin de printemps. Quand je passe en vélo sur les quais, j'ai l'impression que Paris m'appartient. Un film, ce n'est pas un truc qui se déguste en groupe, je déteste ça. 

La bande originale qui a le plus marqué votre vie ?

Il était une fois dans l'Ouest (1968, Ennio Morricone). C'est magnifique. Je la réécoute régulièrement. En plus, à ce moment-là, il y a un mouvement de caméra magnifique. La caméra monte sur le toit et on découvre le village qui est derrière. C'est un mouvement de caméra somptueux ! Il paraît que Sergio Leone a réglé ce moment avec la musique sur le plateau, qu'ils ont fait que ça pendant toute une journée. Les acteurs ont avoué à Leone qu'avoir la musique sur le plateau les aidait beaucoup.

Je ne pense pas qu'un musicien puisse faire une musique à distance du metteur en scène. Il faut vraiment qu'il soit là. Sur Adieu les cons, Christophe Julien venait dans la salle de montage pour composer. Quand on changeait le montage, on le prévenait et il rechangeait sa musique. C'est fondamental. Quand la musique est réussie, ça vous cueille complètement.