INTERVIEW - Joséphine Japy dans le rôle de Dominique Tapie sur Netflix : «Je ne veux pas violenter les gens avec mon travail»

Joséphine Japy
Joséphine Japy joue le rôle de Dominique Tapie dans la série "Tapie", disponible sur Netflix © Copyright Netflix
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Solène Delinger , modifié à
C'est la mini-série dont tout le monde parle depuis des mois. Ce mercredi, Netflix met en ligne "Tapie", un biopic sur Bernard Tapie incarné par Laurent Lafitte, bluffant dans le rôle du sulfureux homme d'affaires. Face à lui, Joséphine Japy joue le rôle de son épouse, Dominique Tapie, qui a vécu une vie totalement extraordinaire aux côtés de Bernard Tapie, et qui a réussi à lui tenir tête malgré son caractère impétueux. A l'occasion de la sortie de la série, Europe 1 a rencontré la jeune comédienne. Interview. 

Joséphine Japy ne connaissait presque rien de Bernard Tapie avant de jouer dans la série Tapie, en ligne dès mercredi 13 septembre sur Netflix. A 29 ans, la jeune femme avait seulement quelques souvenirs de l'homme d'affaires... Pourtant, à la lecture du scénario, elle a tout de suite été happée par son histoire hors du commun, également vécue par Dominique Tapie, son épouse. Un rôle qu'elle incarne avec une certaine poigne... Car il était essentiel que Joséphine Japy s'impose face à Laurent Lafitte, impressionnant dans le rôle du flamboyant Bernard Tapie, comme Dominique elle-même avait dû montrer sa force de caractère face à son époux. Le résultat est en tout cas bluffant : la prestation de Joséphine Japy est certainement le plus bel hommage que l'on pouvait faire à Dominique Tapie, femme de l'ombre qui a joué un rôle essentiel dans le destin exceptionnel de Bernard Tapie. Interview. 

En France, tout le monde connaît Bernard Tapie. Quel était votre souvenir de lui avant d'entendre parler de la série ?

J'avais une image assez floue de Tapie car je suis relativement jeune par rapport à sa carrière. Je suis arrivée après le mythe Tapie. Mon souvenir de lui était surtout lié à ce que les adultes autour de moi pouvaient raconter quand j'étais petit fille. Il y avait soit un amour absolu pour lui soit une détestation totale. C'était un personnage qui déclenchait les passions de manière très forte. Il y a peu de gens aussi clivants en France. 

Est-ce que vous vous étiez déjà intéressée à son histoire ? 

Très honnêtement, je ne me posais aucune question en particulier sur Tapie. C'est très intéressant qu'un projet arrive et vienne imposer un sujet auquel on ne pensait pas. J'ai lu la série d'une traite, comme un bon bouquin. J'ai été complètement captivée par le rythme et par ce qu'il s'y passait. Là, évidemment j'ai eu le réflexe de me dire : "Mais qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ?". Et j'ai commencé à fouiller dans la vie de cette homme, qui est passionnante. 

Dans la série, vous incarnez Dominique Tapie, l'épouse de Bernard Tapie qui est toujours vivante. La pression devait être immense…  

Oui mais j'avais déjà vécu ça quand j'avais interprété le personnage de France Gall dans le film Cloclo. A l'époque, France Gall était encore vivante aussi. Alors évidemment, on a envie de faire les choses dans le respect. Je ne veux pas violenter les gens avec mon travail, c'est même tout l'inverse de ce que j'espère faire. Mais on est obligé de s'affranchir de cette pression, de mettre de côté cet aspect-là pour pouvoir faire notre vrai travail d'interprétation. Il faut sortir de la dimension documentaire et aller chercher l'essence du personnage et de ce qu'il nous raconte dans la série. 

Laurent Lafitte est très imposant dans le rôle de Bernard Tapie. Est-ce que ça a été compliqué de vous affirmer face à lui ? 

Et bien j'ai envie de vous dire : même pas peur ! Il fallait que j'incarne cette femme, qui s'est mise en face de cet homme et de toute son ambition, de ses contradictions et de sa manière d'imposer sa volonté. Dominique Tapie était totalement capable de lui tenir tête et de ne pas se laisser déstabilisée. La série raconte ça aussi. Ce n'est pas juste l'histoire d'une femme derrière un homme, qui est un peu le classique qu'on voit régulièrement, mais l'histoire d'une femme ancrée. Ses convictions au début de la série sont les mêmes qu'à la fin. J'ai ressenti ça aussi face à Laurent. J'avais besoin de ne pas avoir peur, sinon j'avais déjà perdu.  

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© Netflix

Dominique Tapie a vécu toute sa vie dans l'ombre de son mari. Dans la série, elle est mise en pleine lumière et on se rend compte que Tapie n'aurait pu être qui il a été sans elle… Est-ce une forme de réhabilitation ?

Je ne sais pas si on peut parler de réhabilitation mais il y avait clairement une volonté de Tristan Séguéla (ndlr : le réalisateur) de mettre en valeur le personnage de Dominique Tapie et de l'amener là où ils l'ont amenée dans la série. Cette femme a des épaules ultra solides et je me suis même demandé : "Mais pourquoi elle est restée ?". 

Alors, pourquoi est-elle restée selon vous ? 

Je n'ai pas la réponse et je ne sais pas si elle-même avait la réponse. Je ne sais pas si elle se serait engagée avec lui si elle avait su dès le départ que ça allait se passer comme ça et qu'il s'engagerait en politique. Et c'est ça qui est beau aussi dans les histoires d'amour, le fait d'accepter et de s'adapter. 

Malgré les épreuves, leur amour ne s'est jamais éteint et leur couple semble indestructible… Pour vous, c'est quoi la recette d'un couple qui marche ? 

Leur histoire d'amour est une véritable réussite, c'est vrai. Et on avait envie de lui faire honneur avec Laurent. Personnellement, je suis trop jeune pour avoir la réponse à ça. Je suis encore en train de démêler les fils mais je pense que c'est important de laisser à l'autre sa part d'individualité, et en même temps d'être capable de ne jamais se lâcher. C'est un truc qui me parle et que j'ai envie de trouver. 

Sophie Tapie, la fille de Bernard Tapie, a critiqué avec véhémence la série. Est-ce que ça vous a blessé ? 

Non, je ne me permettrais pas d'être blessée. Je la comprends car ce n'est pas évident que quelqu'un arrive pour s'emparer d'un sujet aussi personnel, surtout en tant qu'enfant. Je serais également réticente si on faisait une série sur mon père. Mais je crois que la force de la série est d'avoir traité ce sujet avec une forme de distance, qui n'est ni dans la condamnation ni dans la louange. La part de fiction est très importante aussi. Car quelle que soit la véracité de ce qu'on raconte, nous ne sommes pas des documentalistes. Le cinéma est rempli de ces histoires fantastiques inspirées de fait réels et qui ont pourtant été remaniés par des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs. C'est exactement le fondement de notre travail.