Faut-il aller voir "L'île aux chiens", le nouveau film de Wes Anderson ?

© Twentieth Century Fox
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Guillaume Perrodeau
Le cinéaste américain est de retour avec un film d'animation d'une grande beauté, au style toujours aussi particulier.

On avait quitté Wes Anderson dans son Grand Budapest Hotel. Quatre ans après ce dernier long-métrage, le cinéaste américain est de retour en salles avec un film d'animation : L'île aux chiens. Comme pour Fantastic Mr. Fox, il y a maintenant huit ans, le réalisateur a fait appel au stop motion, pour un rendu esthétique bluffant.

Les chiens, rebuts de la société. Au Japon en 2028, une épidémie de grippe canine envahit la ville de Megasaki. Tous les chiens sont alors envoyés sur une île remplie de déchets, pour éviter qu'ils ne contaminent les hommes. "L'île poubelle" devient "l'île aux chiens". Atari, un jeune garçon de 12 ans, s'y rend pour retrouver son animal de compagnie, Spots. Aidé de cinq autres compagnons à quatre pattes, il va finalement découvrir que cette mise en quarantaine cache quelque chose de bien plus inquiétant.

L'île aux chiens frappe immédiatement par sa puissance esthétique. Le souci du détail du réalisateur, au style à la fois très cadré et fourmillant de détails, rencontre ici la technique stop motion pour un rendu visuel poétique et singulier. Pour autant, il ne faut pas se laisser berner par cette esthétique très léchée, presque cadenassée par instant. Tout comme la grippe canine cache une réalité plus sombre, la propreté du style de Wes Anderson témoigne rapidement d'une autre réalité. Il offre sa lumière aux immondices et à ceux que les hommes politiques de Megasaki ont considéré comme tel. Poubelles, détritus, vers, mouches, chiens malades et blessés viennent rapidement envahir l'écran. On est parfois loin du confort propret auquel Wes Anderson a pu nous habituer.

 

Anderson politique. L'île aux chiens apparaît comme l'un des films les plus politiques du cinéaste. À travers cette histoire d'une population mise au ban d'une société, on est tenté de voir une parabole sur la différence ou sur le sort des migrants dans le monde occidental. Megasaki est une ville japonaise mais pourrait être n'importe quelle mégalopole. Dans L'île aux chiens, elle est tout simplement l'écho d'un nettoyage de l'altérité, qui commence ici par l'animal.

Et comme souvent chez Wes Anderson, la solution aux problèmes se trouve du côté de la jeunesse, seule à même capable de porter le flambeau de la révolte. C'est du côté de l’innocence que les valeurs de fraternité et de solidarité vibrent encore.

La grande force du cinéaste est de réussir à brasser des thèmes d'une gravité évidente, voire même à se faire le témoin d'une certaine cruauté, tout en distribuant l'ensemble avec une légèreté poignante. L'île aux chiens fonctionne sur un équilibre, qui balance entre simplicité et profondeur. Si l'on se tourne autant vers le cinéma de Wes Anderson, c'est sans doute pour cette raison. Un langage cinématographique à la simplicité universelle, où chacun est capable d'y trouver ce qui lui convient, même ses démons les plus obscurs.