"Emmett Till" : le combat d’une mère dans l’Amérique des années 50

"Emmett Till" est actuellement en salles, en partenariat avec Europe 1
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Dans "Emmett Till", en salles mercredi en partenariat avec Europe 1, Danielle Deadwyler incarne Mamie Elizabeth Till-Mobley dont le fils Emmett est assassiné parce qu’il aurait sifflé une femme blanche dans le Mississippi de 1955.

Jeune veuve élevant seule son fils de 14 ans, Mamie Till-Mobley est l’unique femme noire travaillant pour l’US Air Force à Chicago. Quand son fils Emmett est assassiné parce qu’il aurait sifflé une femme blanche dans le Mississippi de 1955, Mamie bouscule les consciences en insistant, lors des obsèques, pour que le cercueil de son fils reste ouvert et que l’opinion publique comprenne l’horreur qu’il a subie. Un geste fort pour refuser l’oppression et la haine. Elle cède également au magazine Jet les droits exclusifs de publication des photos de son fils mutilé, si bien que le monde entier s’émeut de ce lynchage particulièrement atroce.

Avec courage, Mamie Till s’engage dans le mouvement des droits civiques et devient une militante active pour la NAACP, principale organisation de défense des Afro-Américains, réclamant davantage de justice sociale et d’accès à l’éducation pour la communauté noire.

 

>>> Un parcours de résilience et de courage

La réalisatrice du film est Chinonye Chukwu à qui l’on doit "Clemency" qui a remporté en 2019 le Grand prix du jury au festival de Sundance et a été plébiscité par la critique. "Quand on m’a contactée pour écrire et réaliser un film sur Emmett Till, j’ai été attirée par une figure singulière au coeur de son univers", explique la réalisatrice. "J’y ai vu la possibilité de déjouer les attentes et d’aborder l’histoire par un autre biais : en adoptant le point de vue maternel de Mamie Till-Mobley. Sans Mamie, le parcours de son fils se serait volatilisé. Elle a joué un rôle décisif dans l’élaboration d’un mouvement pour les droits civiques moderne qui a mis en place un cadre extraordinaire pour les futurs militants et combattants pour la liberté. J’ai eu envie de défendre l’héritage de Mamie et de la mettre en valeur comme elle le mérite".

L’histoire méconnue de Mamie retrace un parcours de résilience et de courage face à l’adversité et à une tragédie dévastatrice et indicible. "Pour moi, la possibilité de m’attacher à Mamie, femme noire aux multiples facettes, et d’explorer ce chapitre particulier de sa vie était une gageure que j’ai accepté de relever avec un profond respect et un grand sens des responsabilités", précise Chinonye Chukwu. "Dans son quotidien, Mamie combattait le racisme, le sexisme, la misogynie, qui n’ont fait que croître au lendemain du meurtre d’Emmett. Mamie ne s’est pas repliée sur elle-même. Bien au contraire, elle est devenue une combattante acharnée pour la justice, ce qui m’a permis de comprendre et d’enrichir mon propre cheminement de militante. En tant que réalisatrice, montrer Mamie dans toute son humanité, dans toute sa complexité, était d’une importance capitale".

 

>>> Le lien indestructible entre une mère et son fils

Au début de son combat pour la justice sociale, Mamie Elizabeth Till-Mobley a déclaré : "Dieu m’a dit "j’ai pris l’un des tiens mais je t’en rendrai des milliers". J’ai insufflé une part de moi dans chacun des enfants que j’ai touchés". Le film adopte le point de vue d’une mère qui ne baisse pas les bras face au racisme et aux tactiques d’intimidation et qui s’est battue pour davantage de justice pour son fils. Mamie a autorisé le magazine Jet et d’autres journaux à publier les photos atroces de l’enterrement à cercueil ouvert qui est ainsi devenu un moment galvanisant pour le mouvement des droits civiques.

Les auteurs du film ont cherché à évoquer la relation entre un fils et sa mère et le parcours extraordinaire de celle-ci non seulement pour réclamer justice pour le lynchage de son enfant par des suprémacistes blancs dans le Mississippi des années 50, mais aussi pour faire en sorte qu’il ne soit pas oublié. Horrifiée par la mutilation du corps de son fils, Mamie a pris la décision stupéfiante de laisser plus de 50 000 personnes apercevoir le cadavre d’Emmett à Chicago : plusieurs d’entre elles ont perdu connaissance face à ce spectacle et à l’odeur, tandis que d’autres sont parties en larmes. Au cours d’un discours vibrant à Montgomery, dans l’Alabama, quelques mois après les obsèques d’Emmett, Martin Luther King Jr. a déclaré : « [Ce qui s’est passé] est l’un des crimes les plus atroces et les plus inhumains du XXème siècle ».

 

>>> Un casting d’exception

La réalisatrice du film tenait à avoir des comédiens expressifs sans qu’ils aient besoin de dire un mot. "Pour Mamie, je voulais une actrice qui ait suffisamment de charisme et de magnétisme pour que le spectateur soit rivé à son siège et souhaite la regarder pendant deux heures", déclare Chinonye Chukwu. "Danielle Deadwyler est une star et elle était taillée pour ce rôle. C’est l’une des actrices les plus douées avec qui j’aie travaillé et que j’aie jamais vue. Je ne connaissais pas son travail au moment du casting. On a envisagé beaucoup de comédiennes et au bout de deux mois on a visionné une vidéo de l’audition de Danielle Deadwyler. Et j’ai tout de suite été captivé car son audition m’a fait ressentir énormément de sentiments différents".

Chinonye Chukwu a été époustouflée par l’investissement de la comédienne dans son rôle. "Sur le plateau, on était sans voix… Dès la première prise, j’étais subjuguée. Il y a eu pas mal de moments comme celui du témoignage de Mamie où on était médusés" ajoute la réalisatrice. "Je crois que tous les partenaires de Danielle, comme les techniciens, étaient fascinés par ses prises. Elle a été ovationnée après la scène du témoignage. J’étais époustouflée par l’enchaînement de ses scènes, plus extraordinaires les unes que les autres".

Alma, la mère de Mamie, est interprétée par l’actrice oscarisée Whoopi Goldberg qui est également productrice du film. Whoopi Goldberg développait le projet depuis plus de vingt ans et envisageait même de jouer Mamie. Puis, les années ont passé et au moment où le projet a pris forme, elle s’est vue confier le rôle d’Alma.

"Whoopi Goldberg est une actrice exceptionnelle. Elle n’était pas censée jouer Alma au départ", poursuit la réalisatrice. "On lui a proposé le rôle et elle nous a répondu "C’est un privilège qu’on songe à moi pour le rôle" Et je lui ai dit "absolument, Whoopi, c’est bien toi que j’ai en tête !" C’était magnifique de filmer ces deux femmes d’une énergie folle".

 

"Emmett Till" est actuellement en salles, en partenariat avec Europe 1.