"Corvéable à merci", une expression issue des impôts en nature du Moyen-Âge

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Stéphane Bern , modifié à
Dans l'émission d'Europe 1 "Historiquement vôtre", Stéphane Bern se penche chaque jour sur les racines d'une expression du quotidien. Vendredi, il s'intéresse aux origines de "corvéable à merci", une locution qui remonte à l'époque médiévale et aux journées d'impôts que devaient les serfs à leur seigneur.

Stéphane Bern propose chaque jour, dans Historiquement vôtre avec Matthieu Noël, de partir à la découverte de ces expressions que l'on utilise au quotidien sans forcément connaître leur origine. Vendredi, l'animateur nous explique les racines d'une expression qui rappelle l'esclavage, "corvéable à merci".

Parfois, quand une personne est prête à se sacrifier pour son patron ou son fiancé, on dit qu'elle est "corvéable à merci". On entend, bien sûr, la corvée contenue dans le terme "corvéable". Mais, au Moyen-Âge, on ne disait pas forcément "corvéable", mais on utilisait plutôt l'expression "taillable à merci". N'imaginez pas là un supplice barbare avec un taille-crayon géant dans lequel on mettrait un paysan rebelle.

Taillable et corvéable

La taille était un impôt. Il y avait la dime, l'impôt ecclésiastique, la gabelle, l'impôt sur le sel, et la taille, celui que le serf devait à son seigneur. C'était un impôt très impopulaire car les bourgeois, les gens d’églises et les nobles ne devaient pas l'acquitter. En plus de la taille, le paysan devait des journées de travail supplémentaires et gratuites à son maître. C'était les corvées. Le serf était donc taillable et corvéable à merci. Le nombre d'heure dues étaient fixées de façon arbitraire par le seigneur. Ce qui était bien pratique pour lui, mais qui a suscité par la suite quelques velléités d’égalité.

Être corvéable aujourd’hui est différemment employé dans le monde. En Argentine, on dit "bajo el yugo", ce qui revient à dire "être sous le joug de quelqu'un". En Hongrie, pour parler de quelqu'un prêt à tout, on dit qu'on "peut même lui enlever sa peau". Les Néerlandais disent "être celui sur lequel on peut s'essuyer les pieds". Aujourd'hui, la notion de corvée a bien évolué. Daniel Pennac expliquait que dire à un enfant "Ce soir, pas de télé", c'était élever le petit écran au rang de récompense, et la lecture au rang de corvée. Une sacrée erreur, non ?