Cinéma : "Snowden", "La mort de Louis XIV" et "Mademoiselle", trois films à l'épreuve des critiques

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Chaque dimanche, Mathieu Charrier et Bruno Cras critiquent trois films récents ou qui vont sortir sur les écrans, accompagnés de confrères journalistes. Verdict ! 

Les deux spécialistes cinéma d'Europe 1, Mathieu Charrier et Bruno Cras, accompagnés cette semaine de Danielle Attali du Journal du dimanche et de Thierry Chèze de Studio Cine Live, livrent leurs impressions sur trois sorties cinéma dans l'émission Un dimanche de cinéma. Sur le grill : Snowden d'Oliver Stone, La mort de Louis XIV d'Albert Serra et Mademoiselle de Park Chan-wook.

  • Snowden d'Oliver Stone (en salles depuis le 2 novembre)

Le pitch : "En 2009, l’Américain Edward Snowden révèle la manière dont l'Amérique écoute le monde entier. Oliver Stone a repris cette histoire parce qu'il admire Snowden, il trouve que c'est un héros d'aujourd'hui et il raconte son histoire sur le plan humain."

>> L'avis de Danielle Attali : "C'est un Oliver Stone assez moyen. Néanmoins, il a le mérite de raconter l'intimité d'un homme, sa face cachée. C'est un héros banal mais qui fait quelque chose d'insensé. Les lanceurs d'alerte sont des gens qui sont attaqués, traînés dans la boue, salis. Ils dénoncent quelque chose qui nous concerne tous. Sur la forme, Oliver Stone a l'air un peu empêché avec sa caméra. Il n'est pas à l'aise comme d'habitude. Il ne se lance pas parce que je pense qu'il a voulu traiter ce versant intime, et ce n'est pas lui. "

>> L'avis de Thierry Chèze : "C'est même un Oliver Stone très décevant. Le film que j'ai aimé, c'est le documentaire de Laura Poitras qui avait été consacré à Snowden qui a eu un Oscar l'année dernière. Il racontait tout ce que ce film-là raconte. Ce que j'aime chez Oliver Stone habituellement, c'est qu'il va toujours chercher la petit bête, nous déranger." Ce que le réalisateur ne fait pas ici, selon le critique. "Il est fasciné par le personnage. C'est une hagiographie et Oliver Stone ne m'avait pas habitué pas à ça. J'aime bien que les gens qui ont la dent dure l'aient avec tout le monde."

>> L'avis de Mathieu Charrier : "Ce Snowden, j'avais un peu l'impression de voir une fiche Wikipedia. Il y avait comment il est rentré à la CIA, comment il en est sorti, comment il nous a tous informés, sa vie privée... Le problème, c'est que je n'ai jamais été en tension devant ce film. Le film n'est pas raté, on ne passe pas un mauvais moment mais je ne trouve pas qu'on en ressort en se disant qu'on a compris toutes les subtilités d'Edward Snowden."

>> L'avis de Bruno Cras : "Et si Snowden était le mec qu'on voit ? Ce type modeste, timide, hyper doué en informatique qui monte dans les échelons de la CIA et de la NSA et qui se dit 'mais merde ! Que'est-ce que je suis en train de faire ?' Je m'en fous qu'il soit ennuyeux ! Ce mec quitte sa vie de famille, brise tout ce qu'il avait, part, trahi le gouvernement américain pour le bien du monde entier."

VERDICT :  mitigé, voire très mitigé.

 

  • La mort de louis XIV d'Albert Serra (en salles depuis le 2 novembre)

le pitch : "Ce sont les heures d'agonie du Roi Soleil dans une pièce avec ses chambellans, ses médecins, ses valets autour de lui. Cela s'est vraiment passé à l'été 1715. Cette agonie a duré quinze jours."

>> L'avis de Bruno Cras : "C'est un chef-d'oeuvre. Jean-Pierre Léaud, le jeune homme des Quatre cents coups, (qui joue ici le roi) n'a peut-être jamais été aussi bon de sa carrière."

>> L'avis de Danielle Attali : "C'est fascinant. C'est un film qui est assez hypnotique, qui reste quasiment dans une pièce. Jean-Pierre Léaud est poudré, avec sa perruque. Il a 72 ans, sa jambe est en train de moisir, de pourrir, il a la gangrène. Les médecins s'agitent autour de lui et sont d'une incompétence crasse. C'est un film curieux, à voir, mais qui n'est pas non plus trépidant."

>> L'avis de Thierry Chèze : "Albert Serra est un réalisateur qui a aussi travaillé pour des musées. Il est très fasciné par les mythes. C'est un film long et lent dans lequel il faut se laisser glisser. Il y a deux choses qui me plaisent : la beauté (les drapures, le rouge) et un certain aspect comique. Grâce aux médecins, on est chez Molière, quasiment. Enfin, on a l’impression d'assister peut-être au dernier film de Jean-Pierre Léaud."

>> L'avis de Mathieu Charrier : "C'est un film plutôt pour cinéphiles, pas très facile d'accès. Ce sont de très beaux tableaux, on se croirait au Louvre."

VERDICT : un ovni, à voir au moins par curiosité. 

 

  • Mademoiselle de Park Chan-wook (en salles depuis le 2 novembre)

Le pitch : "En Corée, dans les années 1930, sous l'occupation japonaise, une jeune fille japonaise vit dans un manoir sous la férule d'un oncle bizarre. Un couple d'arnaqueurs va venir au service de mademoiselle. C'est à la fois une histoire d'amour entre les deux jeunes femmes et un thriller."

>> L'avis de Bruno Cras : "C'est un autre chef-d'oeuvre, d'une réelle beauté plastique dans les images. Certains pensaient qu'il pouvait avoir la Palme d'or. L'histoire d'amour est extrêmement érotique, jamais pornographique, et le thriller est très tordu, très manipulateur. Le tout fait un superbe spectacle."

>> L'avis de Danielle Attali : "J'adore le machiavélisme de l'histoire et l'esthétisme également. C'est d'une très grande beauté. Cela va vite même si, parfois, des scènes laissent le temps au spectateur de rentrer dans l'histoire quand même assez complexe. Je ne lui aurais quand même pas donné la Palme d'or."

>> L'avis de Thierry Chèze : "J'ai vraiment aimé. On se souvient du machiavélisme d'Old Boy. Là, c'est le retour en Asie du réalisateur et moi, j'ai marché au machiavélisme et à l'érotisme. Il a une manière de filmer ces jeunes femmes qui est totalement envoûtante. Le film fait 2h25, donc il y a en effet quelques moments, je ne vais pas dire bégaiements, mais où on a du mal à tenir... Mais avec la question 'qui manipule qui ?', le manipulateur qui devient manipulé, etc., j'ai vraiment accroché."

>> L'avis de Mathieu Charrier : "C'est un film coréen qui peut rebuter au premier abord si on est n'est pas spécialiste ou si on n'aime pas le cinéma asiatique, mais c'est très beau."

VERDICT : A voir.