Yann moix 5:09
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Alexis Patri , modifié à
Au micro d'Isabelle Morizet dans l'émission "Il n'y a pas qu'une vie dans la vie" dimanche, l'écrivain Yann Moix revient sur son parcours personnel et professionnel. Et notamment sur la manière dont, à l'âge de dix ans seulement, il a découvert l'œuvre d'André Gide et s'est passionné pour le sulfureux écrivain.
INTERVIEW

Yann Moix a grandi dans un milieu qui n'était pas intellectuel. Pourtant, à l'âge de dix ans, découvre Les nourritures terrestres il se prend d'une passion dévorante pour André Gide. Il lui consacre d'ailleurs en ce moment le premier numéro d'Année zéro, sa nouvelle revue littéraire. Invité dimanche de l'émission d'Isabelle Morizet Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, l'écrivain et ancien chroniqueur de On n'est pas couché explique comment est né son amour pour l'œuvre littéraire de l'écrivain aux écrits pédocriminels.

"Mes parents ne sont pas des intellectuels, ce sont des fachistes, des gens d'extrême droite, racistes, xénophobes, ce sont des ordures", tranche Yann Moix sur Europe 1. "Et lorsque j'étais pris avec un livre dans la main, j'étais immédiatement puni et frappé. Les livres étaient déchirés, brûlés. Ce sont des barbares. Tout autre lecture était strictement interdite. L'art était interdit chez moi. Je n'avais droit que de faire des maths. Bon, donc, tout ce qui était littérature, écriture, dessin, peinture, cinéma, était interdit."

"On pouvait donc avoir une allure de vieux monsieur chauve et avoir vu d'aussi belles choses dans sa vie"

C'est jour qu'il faisait les courses avec celle qu'il appelle "ma génitrice" que Yann Moix découvre André Gide. "J'attendais, et il y avait une pile de livres sur laquelle il y avait un livre cartonné avec que des photos consacrées strictement à quelqu'un dont je n'avais jamais entendu parler, qui était André Gide", se souvient-il. "En feuilletant, j'ai vu des photos de Biskra en Algérie, j'ai vu des photos de Rome, j'ai vu des photos d'oasis, j'ai vu des photos de palmiers, j'ai vu des photos de Normandie. Je me suis demandé qui était ce type."

Surtout, son attention de jeune garçon est captée par un cliché de l'écrivain. "J'ai vu une photo de lui où il était dans une pose extrêmement intellectualiste, dont il raffolait, où de manière très concentrée, se tenant les tempes, il faisait semblant de lire un livre avec une espèce de lumière diaphane. Cette photo m'a fasciné et j'ai focalisé dessus", explique-t-il. "Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai décidé que cet homme là allait recouvrir pour moi une importance inespérée."

En feuilletant ce livre, c'est avant tout la dimension de grand voyageur d'André Gide qui fascine l'enfant de 10 ans. "Je n'arrivais pas à imaginer qu'un type aussi sérieux, prenant la pose, chauve avec des lunettes, ait pu avoir autant d'accès au soleil, à ce qu'il appelle la félicité, la volupté", semble-t-il encore s'étonner aujourd'hui. "Je me suis dit qu'on pouvait avoir une allure de vieux monsieur chauve et avoir vu d'aussi belles choses dans sa vie. Ça fait une sorte de choc : je me suis aperçu que les voyageurs n'étaient pas forcément des aventuriers, et que l'on pouvait voyager en réfléchissant."

Après cette découverte, Yann Moix lira, entre l'âge de dix et de 14 ans, toute l'œuvre d'André Gide, en cachette de ses parents.