André Dussollier : "On ne voulait pas de moi dans Trois hommes et un couffin"

André Dussolier au Conservatoire, sur les terres de sa vie étudiante.
André Dussolier au Conservatoire, sur les terres de sa vie étudiante. © Claire Dutronc/Europe 1.
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Aurélie Dupuy , modifié à
Nikos Aliagas a rencontré l'acteur le temps d'une balade parisienne. Au théâtre du Rond-Point, il reprend Novecento le rôle qui lui a valu un Molière en 2015.
INTERVIEW

Tout commence avec André Dussolier dans le 9e arrondissement, devant le Conservatoire d’art dramatique. C'est ici, au numéro 2 bis de la rue, que son parcours d'artiste a réellement pris forme. Il y entre en 1970, provincial débarqué des environs d’Annecy, avec une maîtrise de lettres et une licence de linguistique. Il avait un peu menti en disant qu’il allait préparer l’agrégation. Son parcours, l'acteur à la voix inimitable l'a raconté à Nicolas Aliagas au fil d'une balade parisienne.

Génération conservatoire. Quand André Dussollier frappe à la porte du Conservatoire et qu'il demande comment y étudier, on lui explique qu'il faut qu'il présente des scènes et on lui glisse une liste de cours. Son professeur sera "Monsieur Périmony. J’avais confiance en lui, en ce qu’il me disait." Mais André Dussolier a 23 ans et demi et la limite d’âge d'entrée au conservatoire est de 24 ans. Comme il doit encore travailler, il fait une demande de dérogation qui est acceptée. Un an plus tard, il tente les concours et entre dans son panthéon. "Il y avait toute une génération : Villeret, Chesnais, Webert, Huster…"

Revenu sur les lieux, il observe la statue de Molière, foule de nouveau la scène de la salle principale, celle où les élèves passaient les concours de sortie dans une ambiance chauffée à blanc. "Je jouais Dubois dans Les Fausses confidences de Marivaux", se souvient-il avant d'en déclamer la première réplique. C'était l'époque effervescente, sa vie étudiante, quand il vivait dans une cité U près du jardin du Luxembourg.

"On peut prendre un coup de soleil". Aujurd'hui, c'est lui qui croise des élèves. Il papote avant de prendre la direction du 8e arrondissement pour se rendre au Théâtre du Rond-Point, près des Champs-Élysées. C'est ici qu'il reprend Novecento, qu'il a lui même mis en scène avec un quartet de musiciens. Ce rôle - l’histoire d’un enfant abandonné dans un carton sur un piano, qui va être élevé par un équipage et va devenir un très grand pianiste - lui a valu un Molière en 2015. La grosse tête, il ne pense pas l'avoir eu. Mais concède qu''"on peut prendre un coup de soleil".

Ce petit coup de chauffe, il l'a connu avec le succès du film Trois hommes et un couffin. "C’est la première fois qu’un film fonctionnait si largement. Je n’avais jamais connu ça. J’ai eu le rôle quinze jours avant, parce qu’on ne me voulait pas là-dedans." Les distributeurs rechignaient à lui confier ce film alors qu'il sortait du rôle tragique de L’Amour à mort. "Je n’ai pas lu le scénario jusqu’au bout, j’ai appelé tout de suite pour dire 'je le fais'."

Un nom éphémère, écrit à la craie. Arrivé au Théâtre du Rond-point, il présente ses musiciens. Après 40 années de métier, il dit jouer toujours comme un enfant. La petite flamme ne s'est pas éteinte. "C’est ce plaisir-là qui nous guide". Le même qui avait émergé auprès d'Arlette Roman, sa première professeure de théâtre. "Je l’ai connu, j’avais 15 ans. Elle m’ait fait découvrir le théâtre." A bientôt 98 ans, la dame pétille au souvenir de son ancien élève. Europe 1 est allée à sa rencontre. Elle regrette de ne pas voir son protégé assez souvent mais ne tarit pas d'éloges : "J’ai le souvenir d’un garçon attachant, sérieux dans son travail avec une intelligence du texte aussi, subtil, très doué. Il a fait l’unanimité. Il n’était pas essentiellement un jeune premier. Ça a l’air bête de dire ça, mais je crois qu’il pouvait tout jouer. Le succès remporté était amplement mérité", dit-elle joyeuse. André Dussolier se montre reconnaissant : "C’est dans ce cours qu’est née l’envie de venir à Paris. C'est une personne à qui je dois énormément, dont l’envie et surtout la conscience que c’était possible."

C'est un peu grâce à elle qu'il se trouve encore aujourd'hui dans les coulisses du théâtre, à montrer le sas de préparation, l’endroit "où il broie l’épaule gauche de son régisseur avant de rentrer en scène" parce que le trac ne disparaît jamais vraiment. Puis il fait visiter sa loge. Spartiate : un lit gonflable (dont il ne se sert presque pas), un peignoir, deux vestes, son nom écrit à la craie sur la porte. "Je veille à ce que ce soit lisible le mois où je suis là. C'est la fragilité de notre métier."