Cinéma : "La colère d'un homme patient", "Après la tempête" et "A mon âge, je me cache encore pour fumer", trois films à l’épreuve des critiques

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A.D , modifié à
Chaque dimanche, Mathieu Charrier et Bruno Cras critiquent des films récents, accompagnés de confrères journalistes. Verdict ! 

Quel(s) film(s) aller voir cette semaine ? Les deux spécialistes cinéma d'Europe 1, Mathieu Charrier et Bruno Cras, accompagnés cette semaine de Stéphanie Belpeche du Journal du dimanche et de Baptiste Liger de Lire, L'Express et Technikart, livrent leurs impressions sur trois sorties cinéma, dans l'émission Un dimanche de cinéma. Sur le gril : Après la tempête d'Hirokazu Kore-eda, A mon âge, je me cache encore pour fumer de Rayhana et La colère d’un homme patient de Raúl Arévalo.

 

  • La colère d'un homme patient de Raúl Arévalo (prix de la critique et prix du jury au festival de Beaune)

Le pitch : "Un homme attend huit ans pour se venger d'un crime que tout le monde a oublié."

>> L'avis de Baptiste Liger : "Si on aime les films de vengeance, c'est une petite merveille du genre. Vous vous souvenez sans doute du film Les chiens de paille de Sam Packinpah qui est le modèle absolu de ce film. C'en est vraiment la version espagnole, portée par un acteur remarquable (Antonio de la Torre). Il a prévu ce plan absolument machiavélique. Au début, on pense juste à un petit film, voire un téléfilm, et d'un coup, la tension prend, la mécanique monte en puissance. Le film est absolument estomaquant. Ça dure seulement une heures et demie. C'est une épure. C'est brillant, tenu."

>> L'avis de Stéphanie Belpeche : "J'ai aimé passionnément ce film. Il est plein d'humanité. On voit sans arrêt le héros hésitant. Il a prémédité sa vengeance mais au moment de passer à l'acte, il redevient un être humain, il est prêt à flancher. Il y a même une scène où il a besoin de se repasser la cassette vidéo du drame pour se remotiver. La vengeance ne soulage pas. Elle n'est pas facile. On est entre préméditation et improvisation, avec une violence viscérale, organique, elle jaillit sans prévenir. De l'autre côté, les ravisseurs sont aussi humains, restent des personnes avec des doutes. J'ai même pensé au Vieux fusil."

>> L'avis de Bruno Cras : "Et il y a une atmosphère, les bars, la poussière, le côté un peu désuet. Ca aurait aussi pu s'appeler La patience d'un homme en colère."

>> L'avis de Mathieu Charrier : "Un bel hommage au western, au thriller."

VERDICT : dans la catégorie vengeance, à ne pas manquer.

 

  • Après la tempête d'Hirokazu Kore-eda

Le pitch : "Ryota (Hiroshi Abe), le personnage principal du film, n'a pas réussi à être ce qu'il voulait être. Il a raté son mariage, l'éducation de son fils, a des rapports compliqués avec sa mère. Il voulait être romancier mais est détective privé, n'arrive pas à payer la pension alimentaire. L'horizon semble obscur quand, un jour, un typhon oblige toute la famille à se rassembler."

>> L'avis de Bruno Cras : "C'est un film tout en finesse, tout en mélancolie. Le réalisateur, Kore-eda, a été frappé par la mort de son père. C'est un film sur le temps qui passe, c'est très bien joué mais c'est un Kore-eda mineur."

>> L'avis de Stéphanie Belpeche : "J'adore le réalisateur mais je trouve qu'il est un peu en perte de vitesse ces dernières années, déjà dans Notre petite sœur. On est loin de l'intensité émotionnelle qu'il a pu développer, notamment dans Nobody knows ou Still walking, même s'il garde toujours son sujet de prédilection, la famille dysfonctionnelle.

>> L'avis de Baptiste Liger : "Ce film ne compte pas parmi les sommets absolus de sa filmographie mais j'aime bien les films mineurs de grands cinéastes. En voyant Après la tempête, je pensais tout le temps à François Truffaut. L'histoire prend des ramifications très étranges. On ne sait jamais ce qui peut se passer. J'aime sa modestie de mise en scène, sa subtilité. Il laisse de la vie à ses acteurs, il laisse passer l'émotion. C'est poignant, sans être démonstratif."

>> L'avis de Mathieu Charrier : "Il y a un peu plus d'amertume que dans ses précédents films."

VERDICT : Un film mineur d'un grand cinéaste. Cela reste bon.

 

  • A mon âge, je me cache encore pour fumer de Rayhana

 

Le pitch : "Dans un hammam algérien, les femmes ont chacune leur histoire. Au milieu, toute la société se libère. On parle de religion, de sexe, de mariage. Un homme va venir troubler ce monde parce qu'il poursuit sa sœur qui est enceinte alors qu'elle n'est pas mariée. Il veut la tuer. Elle trouve refuge dans ce hammam où certaines femmes vont essayer de l'aider, d'autres un peu moins."

>> L'avis de Bruno Cras : "Je me suis un peu ennuyé, j'ai un peu dormi. C'est un peu répétitif. Il y a de très belles intentions mais c'est trop fragile. La fin contraste complètement avec la tiédeur du film."

>> L'avis de Stéphanie Belpeche : "J'ai beaucoup aimé, et par la force de l'interprétation surtout. Hiam Abbass est extraordinaire. J'adore le petit rôle de Biyouna, célèbre chanteuse algérienne. C'est un portrait des femmes à ce moment précis. Et ça dit beaucoup de choses. Ça parle du mariage arrangé, du mariage précoce, de la répudiation, d'une jeune fille qui s'est pris un jet d'acide, de l’extrémisme religieux. C'est une mise à nu émotionnelle et physique. Tout le casting, quasiment, est féminin et ce n'est pas anodin aujourd'hui."

>> L'avis de Baptiste Liger : "Il y a deux films en un. Les portraits de femmes sont formidables, elles représentent toutes quelque chose, elles sont toutes bien interprétées. Ce que dit le film est passionnant, je suis d'accord. Mais le film souffre de sa nature initiale, qui était une pièce de théâtre. Dans la mise en scène, quelque chose ne fonctionne pas en tant qu'objet de cinéma."

>> L'avis de Mathieu Charrier : "Il y a des portraits de toute la société algérienne. Il y a l’extrémiste religieuse, celle qui s'est pris le jet d’acide dont on voit la marque sur le corps. C'est un très beau film."

VERDICT : A voir