«71% des 18-24 ans en souffrent»: la rédactrice en chef au magazine Futur, Elisa Thévenet, aborde les dangers de la solitude
Alors que l’Organisation mondiale de la santé qualifie désormais la solitude d’enjeu de santé publique mondial, le magazine "Futur" y a consacré un dossier. Invitée sur Europe 1, sa rédactrice en chef Elisa Thévenet alerte sur le fait que 71% des 18-24 ans souffrent aujourd’hui de solitude.
Invitée dans l’émission Culture Médias sur Europe 1, Elisa Thévenet, rédactrice en chef du magazine Futur, tire la sonnette d’alarme. À l’occasion de la publication d’un dossier intitulé "Vaincre l’épidémie de solitude", la journaliste met en lumière ce phénomène comme enjeu majeur de santé publique, reconnu désormais par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La solitude, un fléau mondial
"Le terme d’épidémie est fort, mais c’est vraiment ce qui se passe en ce moment partout dans le monde", a expliqué Elisa Thévenet. En effet, l’OMS a récemment qualifié la solitude d’enjeu de santé publique mondial, rappelant les risques accrus de suicide, de maladies cardiaques, d’accident vasculaire cérébral, de diabète de type 2, de dépression, d’anxiété et même de déclin cognitif.
Un constat déjà soulevé en 2023 par le docteur Vivek Murthy, alors administrateur de la santé publique aux États-Unis, qui fut le premier à parler d’"épidémie de solitude". Il alertait déjà sur la gravité du phénomène. "La solitude a les mêmes effets sur la santé que fumer 15 cigarettes par jour", avait-il averti. Une comparaison choc qui souligne à quel point l’isolement social tue à petit feu.
Aucune classe d’âge n’est épargnée
Selon les données présentées dans le dossier du magazine Futur, 12% des Français souffrent d’un isolement social objectif, un chiffre relativement stable depuis 15 ans. Mais le sentiment de solitude, lui, touche près d’un Français sur deux (46%) selon la Fondation Jean-Jaurès. Et parmi les plus affectés, les jeunes sont en première ligne avec 71% des 18-24 ans qui déclarent souffrir de solitude, selon la Fondation de France. “Ce qui est frappant, c’est que la solitude n’épargne aucune classe d’âge”, souligne Elisa Thévenet.
Pour expliquer cette explosion du sentiment de solitude, Elisa Thévenet évoque le rôle du numérique et de la connexion permanente. Elle cite notamment les travaux de la sociologue américaine Sherry Turkle, autrice de Seuls ensemble (2011), qui analysait déjà ce paradoxe. Plus nous sommes connectés, plus nous nous sentons seuls. "Le métro est emblématique de cette solitude contemporaine, c’est l’endroit où nous sommes le plus ensemble, et pourtant le plus seuls, chacun enfermé dans son cocon technologique", a constaté la rédactrice en chef.
Mais au-delà du numérique, Elisa Thévenet voit dans la solitude le symptôme d’un malaise collectif. "Ce n’est pas seulement un problème individuel, c’est un signal social. Beaucoup de gens ne se sentent plus vus, entendus ou compris. La solitude, ce n’est pas juste pouvoir compter sur les autres, c’est aussi compter pour eux", a-t-elle poursuivi.
La sociologue américaine Allison Pugh parle d’ailleurs moins d’une "épidémie de solitude" que d’une crise de la dépersonnalisation. Autrement dit, une perte du sentiment d’appartenance, de reconnaissance et de valeur au sein du collectif. "Nous ne trouvons plus notre place dans la société", a conclu Elisa Thévenet.