Protection des dauphins : les dérogations à la fermeture hivernale de la pêche jugées «trop importantes»

Les dérogations à la fermeture hivernale de la pêche sont jugées "trop importantes" et suspendues par le Conseil d'État.
Les dérogations à la fermeture hivernale de la pêche sont jugées "trop importantes" et suspendues par le Conseil d'État. © Sameer Al-DOUMY / AFP
  • Copié
avec AFP // Crédit photo : Sameer Al-DOUMY / AFP
Le Conseil d'État a suspendu, ce vendredi, des dérogations prévues par un arrêté qui interdit à certains bateaux de pêcher dans le golfe de Gascogne, les jugeant "trop importantes" pour espérer réduire les morts de dauphins. Un nouveau revers par le gouvernement qui s'efforce de ménager les intérêts économiques des pêcheurs. 

Le Conseil d'État a suspendu vendredi des dérogations prévues par un arrêté qui interdit à certains bateaux de pêcher dans le golfe de Gascogne pendant quatre semaines l'hiver, les jugeant "trop importantes" pour espérer réduire les morts de dauphins pris accidentellement dans les filets. "Ces dérogations sont trop importantes pour que la fermeture de la pêche ait un effet suffisant sur les captures accidentelles pour avoir une chance de réduire dès 2024 la mortalité des petits cétacés à un niveau soutenable", explique la plus haute juridiction administrative dans un communiqué.

Un mois sans pêche "purement théorique"

C'est un nouveau revers pour le gouvernement qui s'efforce de ménager les intérêts économiques des pêcheurs au grand dam des associations France Nature Environnement (FNE), Sea Shepherd, Défense des milieux aquatiques (DMA) et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) qui ont saisi à plusieurs reprises le Conseil d'État. Ce dernier rappelle avoir déjà ordonné au gouvernement, en mars, "de fermer, sous six mois, des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour des périodes appropriées, afin de limiter les décès accidentels de dauphins et marsouins".

En réponse, le secrétariat d'État chargé de la Mer a pris en octobre un arrêté instaurant une période d'interdiction de pêche d'un mois en 2024, 2025 et 2026, "du 22 janvier au 20 février inclus", pour tous les bateaux de huit mètres ou plus équipés de certains types de filets. Selon les ONG, le texte comportait "tellement de régimes dérogatoires" pour l'année 2024 que le mois sans pêche était en fait "purement théorique".

 

Le Conseil d'État doit encore se prononcer sur le fond de l'affaire. Le juge des référés estime notamment que les navires recourant aux sennes pélagiques - des filets utilisés en surface pour encercler les bancs de poissons - doivent être inclus dans l'interdiction. Sa décision cite un rapport du CIEM (Centre international pour l'exploration de la mer), l'organisme scientifique international de référence, selon lequel les sennes pélagiques "ont été à l'origine d'environ 20% des captures accidentelles de dauphins communs dans le golfe de Gascogne entre 2019 et 2021".

Le gouvernement a évalué à 600 le nombre de navires de pêche évoluant dans le golfe de Gascogne, un vaste espace maritime qui s'étend, à l'ouest de la France, de la côté nord de l'Espagne jusqu'à la Bretagne.

Le CIEM recommande des fermetures de trois mois en hiver

Le juge souligne que les pêcheurs ne bénéficiant plus des dérogations pourront - au même titre que les autres - être indemnisés pour le manque à gagner. La plateforme d'indemnisation, qui annonce jusqu'à 100% d'aide publique, a déjà été ouverte. Même si elles n'ont pas abordé cette question lors du référé, les associations considèrent également que "les conditions minimales fixées par les scientifiques pour garantir la survie des dauphins" ne sont pas respectées avec une fermeture d'un mois.

 

Le CIEM a recommandé des fermetures de trois mois en hiver (de décembre à mars) et d'au moins un mois en été, périodes de pic de mortalité des dauphins. Selon FNE, la décision de limiter la fermeture à un seul mois ne pourrait au mieux réduire l'hécatombe que de 17%, contre 44% de pertes en moins pour trois mois. Cette question devrait être abordée lors de l'audience sur le fond. "On est sur un risque clair de disparition. Chaque jour ajoute au déclin de ces espèces protégées, ce n'est pas acceptable", avait fustigé le président de la LPO, Allain Bougrain Dubourg, lors de l'audience de référé le 12 décembre.

Il avait aussi insisté sur le fait que les associations n'avaient "rien contre les pêcheurs". Le CIEM a estimé qu'environ 9.000 dauphins communs mouraient chaque année par capture accidentelle sur la façade atlantique française. Une fraction d'entre eux échoue sur les côtes. L'observatoire Pelagis a recensé 1.380 échouages de petits cétacés entre décembre et avril 2022 sur le littoral atlantique.