François Bayrou est accusé d'avoir imaginé un système ayant consisté, à utiliser des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires, travaillant pour des organisations centristes de France. 1:30
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Arthur de Laborde avec AFP / Crédit photo : QUENTIN TOP / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP , modifié à
François Bayrou, 72 ans, est soupçonné d'avoir été le "décideur" du "système frauduleux" ayant consisté, entre 2005 et 2017, à utiliser des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour les organisations centristes en France. Au dernier jour du procès, la défense a plaidé la relaxe.

"La somme de ces riens ne fait pas un tout". La défense de François Bayrou, de l'UDF et du MoDem a plaidé mardi à Paris la relaxe, au dernier jour du procès de l'affaire des assistants parlementaires européens. Après cinq semaines d'audience, le tribunal a mis son jugement en délibéré au 5 février à 10h. Le haut-commissaire au Plan, 72 ans, est soupçonné d'avoir été le "décideur" du "système frauduleux" ayant consisté, entre 2005 et 2017, à utiliser des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour les organisations centristes en France.

Fermant la marche des plaidoiries, les avocats ont dénoncé les "arguments d'autorité", les "tautologies" et "l'absence totale de démonstration" du parquet. Une semaine plus tôt, le ministère public a requis 30 mois de prison avec sursis, 70.000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité avec sursis contre le triple candidat à la présidentielle pour complicité de détournement de fonds publics. À l'encontre de dix autres cadres et élus centristes, l'accusation a réclamé des peines allant de 8 à 20 mois de prison avec sursis et de 10.000 à 30.000 euros d'amende, avec des peines d'inéligibilité là aussi avec sursis.

"Il n'y a pas un seul témoignage en ce sens" 

Des amendes de 300.000 euros, dont 100.000 ferme, et 500.000 euros dont 200.000 ferme, ont été demandées respectivement pour l'UDF et le MoDem. "Y a-t-il dans le dossier un témoignage d'un parlementaire européen qui mette en cause François Bayrou au motif (...) qu'il aurait exercé une pression afin qu'il détourne des deniers publics européens ? Il n'y a pas un seul témoignage en ce sens", a plaidé Me Pierre Cornut-Gentille. "Y a-t-il un document, une pièce, dont il serait l'auteur ou le destinataire en copie, qui permette de considérer qu'il a prêté la main à une opération illicite de détournement de fonds publics ? Pas un !", a-t-il poursuivi.

"Sans preuve", les juges ne peuvent pas non plus se forger "une intime conviction" à partir d'un "faisceau de présomptions graves et concordantes", car elles n'existent pas, selon l'avocat. "Jamais aucune épreuve n'a été aussi douloureuse que celle-ci" pour François Bayrou, a-t-il affirmé, "parce que c'est sa probité qui est en cause" et parce qu'"elle a été doublée d'une tragédie", la mort de Marielle de Sarnez, avec qui il dirigeait le parti. "Cela n'effacera pas tout ça, mais en le relaxant, vous lui rendrez justice", a-t-il conclu.

Me Mario Stasi, l'un des conseils de l'UDF et du MoDem, a relevé qu'à l'issue de l'instruction, les contrats de seulement six assistants parlementaires sur 131 étaient litigieux et que le préjudice du Parlement européen, estimé au départ à 1,4 million d'euros, n'était plus que d'environ 300.000 euros - 262.000 selon le calcul de la défense. "C'est ça, un système ?", s'est-il insurgé. Dépeignant une "affaire mal-née et fondamentalement sans substance", l'autre avocat des partis, Me Francis Teitgen, a affirmé que les "documents" au dossier n'étaient pas des "preuves" et qu'ils étaient "tous sujet à interprétation".

"J'ai fort imprudemment accepté d'être nommé ministre de la Justice"

L'avocat a fait valoir que les partis ne souffraient pas de difficultés financières et n'avaient donc aucun "mobile" pour détourner de l'argent, affirmant aussi que le parquet invoquait un "système" pour pallier les "carences" de sa démonstration : "la somme de ces riens ne fait pas un tout". Comme il est d'usage, les prévenus ont eu la parole en dernier. "Il y a six ans et demi, j'ai fort imprudemment accepté d'être nommé ministre de la Justice", a déclaré François Bayrou, qui a démissionné au bout d'un mois en 2017 du fait de l'explosion de cette affaire.

"J'en ai gardé un souvenir troublant sur un point : dans les murs de la place Vendôme, chaque fois que quelqu'un disait 'j'ai confiance en la justice de mon pays', tout le monde éclatait de rire", a-t-il poursuivi. "Pendant ces six années et demie (...), j'ai souvent eu le sentiment que ces éclats de rire intempestifs étaient justifiés et depuis cinq semaines, grâce à vous, monsieur le président et mesdames du tribunal, j'ai eu le sentiment que la justice qui écoute, on pouvait la rencontrer", a-t-il ajouté.