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Robin Dussenne avec AFP / Crédit photo : Loic Venance/AFP , modifié à
Youssef Tihlah, auteur d'une attaque à la voiture-bélier à Colombes dans les Hauts-de-Seine en avril 2020, a été condamné à 24 ans de réclusion, assortis de la sûreté aux deux tiers. L'avocate générale Marine Valentin avait requis plus tôt dans la journée 30 ans de réclusion, dont une période de sûreté de 20 ans.

La cour d'assises spéciale de Paris a condamné vendredi Youssef Tihlah à 24 ans de réclusion, assortis de la sûreté aux deux tiers, pour l'attaque à la voiture-bélier à Colombes dans les Hauts-de-Seine en avril 2020, dans laquelle deux policiers avaient été grièvement blessés.

Jugé depuis lundi pour tentatives d'assassinat sur personnes dépositaires de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste, l'assaillant encourait la perpétuité, a rappelé le président de la cour, Jean-Christophe Hullin. Mais "nous estimons que la situation (de l'accusé) n'est pas complètement désespérée", a fait valoir le magistrat.

Une "rhétorique jihadiste" jusqu'au "dernier jour de l'audience"

L'avocate générale Marine Valentin avait requis plus tôt dans la journée 30 ans de réclusion, dont une période de sûreté de 20 ans, "au regard de la gravité des faits commis" et de la personnalité de Youssef Tihlah, 33 ans. Le 27 avril 2020, en plein confinement dû au Covid-19 et en période de ramadan, cet homme avait repéré depuis sa voiture des policiers sur le chemin d'une boulangerie à Colombes, ville située au nord-ouest de Paris. Il avait alors décidé de passer une nouvelle fois dans la rue et foncé sur eux à pleine vitesse, percutant deux motards de la police nationale en train de contrôler un véhicule.

 

Dans sa voiture, une lettre de revendication et d'allégeance au groupe jihadiste État islamique, écrite au dos d'une attestation de déplacement dérogatoire, et deux couteaux avaient été retrouvés. L'un d'eux avait été acheté quelques jours avant les faits, ce qui corrobore selon les enquêteurs la thèse d'un projet mûrement préparé. Dans son réquisitoire, la représentante du parquet a insisté sur "l'intention" de l'assaillant "d'inscrire son attaque dans une dimension terroriste", soulignant qu'il avait adopté une "rhétorique jihadiste" jusqu'au "dernier jour de l'audience".

"Des symboles de la République"

"Plus d'un an après, il (Youssef Tihlah, NDLR) était toujours incapable de condamner des faits terroristes (...). Il se considère comme un combattant qui a combattu des soldats", a-t-elle estimé. L'avocate générale a relevé que Youssef Tihlah avait agi "pendant le ramadan pour renforcer la dimension symbolique de son acte (...) et contre des policiers parce qu'ils sont des symboles de la République". 

Elle a par ailleurs rappelé la lettre écrite par l'accusé en prison à Inès Madani, condamnée à 30 ans de réclusion pour avoir tenté de commettre un attentat aux bonbonnes de gaz en 2016 à Paris. "Il lui disait qu'il l'admirait, et qu'il voulait échanger avec elle", a souligné Marine Valentin.

"Une tombe pour M. Tihlah"

"Trente ans requis, c'est trop", a plaidé pour sa part un des avocats de la défense, Me Fares Aidel. "Je ne crois pas qu'il y ait de peines justes, je pense qu'il y a des peines qui ont plus de sens que d'autres. Celle demandée par Madame l'avocate générale n'en fait pas partie", a-t-il insisté, comparant la peine requise à "une tombe pour M. Tihlah". "Je suis désolé d'avoir infligé ces souffrances (...) J'y pense tous les soirs avant de dormir", avait réagi dans le box des accusés Youssef Tihlah.

"C'est vrai que j'ai encore du chemin à faire, mais j'aimerais que vous me laissiez la possibilité de montrer que j'ai changé", avait-il lancé à la cour avant qu'elle ne se retire pour délibérer. Les deux motards avaient été hospitalisés avec plusieurs fractures et traumatismes, notamment aux jambes, et souffrent encore aujourd'hui de "séquelles physiques et psychiques", selon leur avocat, Me Daniel Bernfeld. Quatre policiers municipaux présents sur place s'étaient vu prescrire une incapacité totale de travail supérieure pour certains à 90 jours, en raison du traumatisme psychologique subi.