Sécheresse : la réutilisation des eaux usées est-elle une solution efficace face aux pénuries d'eau ?

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Romain Rouillard / Crédit photo : JC MILHET / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP , modifié à
Pour préserver la ressource en eau face aux épisodes de sécheresse amenés à se multiplier sur le territoire, l'hypothèse de la réutilisation des eaux usées refait régulièrement surface. À l'occasion de la journée internationale de l'eau, focus sur ce procédé, pertinent pour certains usages, sans être la solution miracle espérée.

C'est un département où il ne pleut quasiment plus. Dans les Pyrénées-Orientales, il est tombé sur les deux dernières années moins de 500 millimètres d'eau alors que la moyenne annuelle attendue tourne, selon Météo France, autour de 570 millimètres. Placé en situation de "crise" par le site vigieau.gouv.fr, le département connaît un climat de plus en plus désertique et la gestion de la ressource en eau y est devenu un enjeu majeur. En visite dans le département ce jeudi, à la veille de la journée internationale de l'eau, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé la mise en place de projets pour faire face à cette sécheresse

Un manque d'eau qui s'étend d'ailleurs bien au-delà des Pyrénées-Orientales, en période estivale. En témoigne l'épisode spectaculaire de l'été 2022 lors duquel le déficit pluviométrique avait atteint 85% au mois de juillet, toujours selon Météo France. 

Plus pertinent en zone littorale

Parmi les solutions régulièrement évoquées pour pallier ce manque d'eau, figure la réutilisation des eaux usées. Dans le cadre du "Plan eau", présenté par Emmanuel Macron fin mars 2023, un décret, publié fin janvier, autorise les industriels de l'alimentation à réutiliser ces eaux, à condition de respecter un cadre strict. "Ces eaux ne doivent avoir aucune influence, directe ou indirecte, sur la salubrité de la denrée alimentaire finale et sur la santé du consommateur", précise ainsi le texte, qui prévoit des exclusions pour certaines eaux ayant été en contact, par exemple, avec certains produits animaliers.

Faut-il alors accélérer dans cette voie de la réutilisation ? Tout dépend du contexte local. "C'est plus pertinent en zone littorale, car là-bas, certaines stations d'épuration rejettent dans la mer, ce qui entraîne une perte d'eau douce", indique Julie Mendret, maîtresse de conférences à l'Université de Montpellier et spécialiste des nouveaux procédés de traitement des eaux usées urbaines.

Ailleurs, ces eaux sont, la plupart du temps, réinjectées dans les rivières, après leur passage par la case épuration. Leur réutilisation pourrait donc revenir à déshabiller Pierre pour habiller Paul. "C'est de l'eau qui n'ira donc plus dans la rivière pour soutenir les débits", note Vazken Andréassian, hydrologue et directeur de recherche à l'Inrae. Et d'ajouter : "Pendant la grande sécheresse de 2022, il y a des tas d'endroits où les rivières, à sec, commençaient à couler de nouveau après la station d'épuration". Sans compter le préjudice causé au maintien des écosystèmes. 

Pas de gains significatifs à espérer

De plus, fait remarquer le chercheur, "cette réutilisation ne va pas créer d'eau supplémentaire. C'est juste de l'eau que l'on réoriente". Difficile, donc, d'y voir une solution magique contre les pénuries d'eau. "Je ne dirais pas que ça n'a aucun intérêt parce que ce n'est pas vrai, mais en termes de quantité, ce ne seront pas d'immenses gains à espérer".

En revanche, la réutilisation de ces eaux s'avère très utile pour des fins agricoles, grâce aux nutriments apportés aux cultures, mais aussi pour divers usages urbains, tel que le nettoyage de la voirie. Elle peut également améliorer la qualité de l'eau pour certaines activités comme la conchyliculture (l'élevage de coquillages comestibles).

A contrario, les processus pour transformer cette eau en eau potable sont beaucoup plus fastidieux. "C'est très marginal. Il n'y a qu'un seul projet en France qui le fait, c'est le projet Jourdain. Et encore, ils ne vont pas faire de l'eau potable, ils vont en réinjecter dans la retenue d'eau qui sert de réserve pour aller vers l'usine de potabilisation. C'est ce que l'on appelle de la potabilisation indirecte. Mais techniquement, on a la capacité de le faire, mais c'est quelque chose qui va coûter très cher", développe Julie Mendret. Pour les experts interrogés, seule la sobriété prévaut pour préserver durablement la ressource en eau.