Zinédine Zidane, appelez-le monsieur l’entraîneur

Zinédine Zidane (1280x640) CURTO DE LA TORRE / AFP
Zinédine Zidane a été reçu avec les honneurs à la mairie de Madrid, lundi après-midi. © CURTO DE LA TORRE / AFP
  • Copié
avec AFP
L’ancien meneur de jeu des Bleus a décroché dimanche soir son premier titre de champion d’Espagne en tant qu’entraîneur.

 

Il va falloir s’y faire. Zinédine Zidane n’est plus seulement ce joueur légendaire de l’histoire de l’équipe de France et du football mondial. Il est aussi devenu maintenant un entraîneur qui compte. Pour sa première saison pleine en tant que coach de l’équipe première du Real Madrid, le technicien français (et on parle désormais autant du banc que du terrain, donc) a en effet décroché dimanche soir le titre de champion d’Espagne, après la victoire des Merengue sur le terrain de Malaga lors de la dernière journée (2-0).

Mais n’allez pas croire que le titre national pour le Real de Cristiano Ronaldo est une simple formalité. Pas du tout même ! Depuis l’arrivée de la star portugaise à Madrid, en 2009, le Real n’avait en effet remporté qu’un seul titre de champion, en 2012, avec José Mourinho, laissant à l’Atlético (1 fois) et surtout au Barça (5 fois) les honneurs sur les sept dernières saisons écoulées. Les supporters du Real avaient donc toutes les raisons de fêter ce titre de champion jusqu’au bout de la nuit…

Les joueurs du Real portent Zidane en triomphe :

La chance est passée… C'est peu dire que la nomination en janvier 2016 de Zinédine Zidane au poste d’entraîneur du Real, en remplacement de Rafael Benitez, démis de ses fonctions, avait été accueillie avec une pointe de scepticisme, par la profession comme par les journalistes. Aucune expérience d’entraîneur d’une équipe première, un passage à la Castilla (l'équipe réserve du Real) couci-couça, c'est tout juste si "Zizou", pourtant adjoint de Carlo Ancelotti lors de la conquête de "la Décima"*, ne semblait pas promis à l'échec. Plus tard, ni sa victoire au Camp Nou, face au Barça (2-1), en avril 2016, ni même son succès en Ligue des champions, cinq mois après sa nomination, n'ont semblé changer son image de coach… chanceux (au choix, au tirage au sort en Ligue des champions ou d'avoir Cristiano Ronaldo dans son effectif).

"Avec deux équipes". Forcément, sa victoire cette saison en Liga change la perspective. Et la presse espagnole de saluer lundi "le Madrid de Zidane" (El Pais) ou carrément "la Liga  de Zidane" (El Mundo). La notion de "chance" dans la réussite de "Zizou" semble avoir faut long feu. "Personne ne gagne un Championnat par hasard, et encore moins la Liga espagnole", a résumé lundi le journaliste José Felix Diaz dans le quotidien sportif Marca. "Zidane a démontré qu'il savait gérer son groupe et qu'il était aussi capable de changer la dynamique des matches, en modifiant ses schémas ou en s'adaptant aux absences."

Gestion et adaptabilité, voilà les deux maîtres mots quand il s'agit de décrire Zidane entraîneur. La gestion, "ZZ'' en a assurément fait preuve cette saison, lui qui n'a pas hésité à faire tourner son effectif de manière spectaculaire. Trois jours après la défaite à domicile face au Barça, qui avait totalement relancé la course au titre, le 23 avril dernier, Zidane avait ainsi aligné son équipe B sur la pelouse de La Corogne. Résultat final : 6-2.

"La clé du succès, c'est notre groupe qui a été très uni toute la saison, entre les joueurs qui jouaient moins et ceux qui jouaient plus", a d'ailleurs souligné Zidane lui-même. Ce turnover permanent a même fait dire à l'éditorialiste du quotidien As que cette Liga, Zidane l'avait gagné "avec deux équipes". Une façon de souligner aussi, en creux, que le Real a gagné avec un sacré effectif.

Maîtrise des événements. Mais cet effectif sacré, encore fallait-il savoir en gérer les susceptibilités. Juste avant le Championnat du monde des clubs (que le Real a évidemment remporté), Zidane n'avait ainsi pas hésité à mettre Cristiano Ronaldo sur le banc face à La Corogne (3-2). Visiblement, "CR7" ne lui tient pas rigueur de ce management préventif. Le quadruple Ballon d'Or, pourtant pas l'homme le plus altruiste qui soit, a d'ailleurs salué le travail de son entraîneur. "Il a montré une gestion très intelligente avec ses adjoints", a-t-il souligné. "La preuve est là, nous avons gagné un Championnat très difficile, contre l'une des meilleures équipes du monde, à savoir le Barça (…) Pour moi, Zidane a fait un travail phénoménal."

Le Real de Zidane a semblé aussi gagner en maturité sur le plan mental. Battu par le Barça fin avril et mis sous pression, il n'a jamais cédé et a remporté ses six matches d'affilée. Cette maîtrise des événements, Zidane l'a également démontrée face à son autre rival, l'Atlético, notamment en demi-finales de la Ligue des champions (3-0, 1-2). À l'image de son entraîneur, placide dans sa zone technique, le Real, mené 2-0 au retour, n'avait jamais paniqué et avait fini par marquer après un exploit de Karim Benzema.

Ses succès et son attitude plaisent en haut lieu. "Avec Zidane, nous sommes ravis", a résumé Emilio Butragueno, directeur des relations institutionnelles du Real. "Il n'avait pas cette expérience du plus haut niveau et il s'est très bien adapté. Il s'est sorti de toutes les situations avec maestria." Le président du club Florentino Perez, en course pour sa réélection cet été, va encore plus loin. "Tu as été le meilleur joueur du monde et maintenant, tu es simplement le meilleur entraîneur du monde", a-t-il insisté, lundi. De quoi aniticiper une prochaine prolongation de contrat pour "Zizou", actuellement lié au Real jusqu'en 2018 ?

Une deuxième Ligue des champions de rang ? Et la saison du Real n'est pas finie. Le samedi 3 juin prochain, les Merengue disputeront la finale de la Ligue des champions face à la Juventus Turin. Et Zidane aura là une nouvelle occasion d'épaissir encore un peu plus sa légende. En cas de succès madrilène, il deviendrait ainsi le premier coach à conserver la Coupe aux grandes oreilles depuis l'Italien Arrigo Sacchi avec l'AC Milan en 1989 et 1990, et le premier à réussir le doublé C1-Championnat avec le Real depuis l'Argentin Luis Carniglia, en 1958. Une victoire le 3 juin ne serait évidemment plus un accident de l'histoire, mais au contraire une nouvelle marque historique…

*"La Décima" désigne la dixième victoire du club en Ligue des champions ou son ancêtre, la Coupe d'Europe des clubs champions.

Après Herrera et Wenger. Zinédine Zidane n'est que le troisième entraîneur français à remporter le titre dans l'un des quatre championnats européens majeurs (Espagne, Allemagne, Angleterre et Italie) après Helenio Herrera et Arsène Wenger. Le premier, né à Buenos Aires, en Argentine, et naturalisé français, a été sacré deux fois avec l'Atlético de Madrid (1950 et 51), deux fois avec le Barça (1959 et 60) et trois fois avec l'Inter Milan (1963, 65 et 66). Le second l'a été trois fois avec Arsenal, en 1998, 2002 et 2004. Mais Arsène Wenger, dont le club ne disputera pas la Ligue des champions la saison prochaine, fait face à une grave crise de résultats depuis plusieurs années. Et a peut-être aussi définitivement abandonné le titre de technicien français le plus bankable du football européen…