Ligue des champions : pourquoi l'Atlético de Madrid n'excite personne

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L'Atlético de Madrid va tenter mardi de se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue des champions. © Javier SORIANO/AFP
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OUTSIDER - L'équipe entraînée par Diego Simeone est présente depuis plusieurs saisons au haut niveau. Mais ne plaît guère en dehors des initiés.

Un titre de champion d'Espagne, une Ligue Europa, une Coupe du Roi, Une Supercoupe d'Europe, une finale de Ligue des champions et deux places sur le podium de la Liga. Depuis l'arrivée sur le banc de l'Argentin Diego Simeone, en 2011, l'Atlético de Madrid présente un palmarès que pourraient jalouser bien des clubs en Europe. Cette année encore, ceux que l'on surnomme les Colchoneros (les Matelassiers, en référence au rouge et blanc des vieux matelas espagnols, les "colchones") pointent à la deuxième place de la Liga, devant leur puissant rival du Real Madrid (qu'il a battu le 27 février dernier). Mardi soir, l'Atlético tentera de se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue des champions pour la troisième fois de rang, face au PSV Eindhoven (aller : 0-0). Et pourtant, l'équipe de Simeone ne suscite pas de réel enthousiasme en dehors du cercle des initiés. Comment l'expliquer ?

Le palmarès : l'ombre du Real. C'est un but qui va hanter pour longtemps la mémoire des supporters de l'Atlético de Madrid. Le 24 mai 2014, alors qu'il mène 1-0 face à son voisin du Real dans une finale de la Ligue des champions 100% madrilène, l'Atlético se fait rejoindre au score dans le temps supplémentaire sur un coup de tête de Sergio Ramos. Dans la prolongation, les joueurs de Diego Simeone perdent pied et finissent par s'incliner 4-1. Le Real Madrid remporte sa dixième "Coupe aux grandes oreilles" et l'Atlético manque l'occasion de remporter sa première, lui qui n'a ouvert son palmarès européen qu'en 2010 avec la première de ses deux Ligue Europa. Et la saison dernière, qui a sorti l'Atlético en quarts de finale ? Le Real, encore (0-0, 1-0), ce Real qui dominait déjà l'Europe dans les années 1950 et qui accapare le terme Madrid dans le monde.

L'effectif : hispanisant et sans grande star. Loin des effectifs internationaux du Real, l'Atlético s'appuie avant tout sur un effectif hispanisant. Les Espagnols sont huit dans le groupe pro (dont Gabi, le capitaine) et les Sud-Américains hispanophones, cinq (avec notamment le patron de la défense, l'Uruguayen Diego Godin). Et certains des joueurs étrangers ont des racines espagnoles, comme les Français Lucas Hernandez et Antoine Griezmann ou le Belge Yannick Ferreira Carrasco. Il s'agit ici autant ici d'un choix stratégique (les joueurs s'intégrent mieux) que d'une contrainte économique.

L'Atlético, club à la base plus populaire, dispose en effet d'un budget relativement modeste à l'échelle européenne. Il se situe sous les 200 millions d'euros, avec 195 millions, soit guère plus que celui de l'Olympique lyonnais, 4e de Ligue 1 (170 millions). Le Real, lui, flirte avec les 650 millions d'euros de budget. Impossible, donc, pour l'Atlético d'attirer dans ses filets des stars du calibre de Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ou même Zlatan Ibrahimovic. Ici, les joueurs se font un nom, parfois un début de palmarès, avant de prendre un peu plus de lumière (et d'argent) ailleurs. La liste est longue (et impressionnante) : Fernando Torres (revenu au club depuis), Sergio Agüero, Radamel Falcao, Arda Turan, Diego Costa…

Le jeu : la rigueur avant tout. Figure du club - il était de l'équipe qui avait réalisé le doublé Coupe-Championnat d'Espagne en 1995-96 -, l'Argentin Diego Simeone a réussi à imposer un vrai style à son équipe depuis son entrée en fonction: le sien, celui qu'il avait comme joueur. S'il devait se résumer en un mot, ce serait celui de rigueur.

Quand on regarde l'Atlético, ce n'est effectivement pas toujours flamboyant. Mais c'est solide, comme on dit. Et c'est parfois un peu vicieux, bien sûr, comme avait pu l'être Simeone en huitièmes de finale de la Coupe du monde 1998, quand il avait fait sortir David Beckham de ses gonds (et du terrain), avec l'Argentine. Evidemment, ces valeurs de combat se traduisent au niveau des chiffres. L'Atlético est de loin la meilleure défense de Liga, avec 12 buts encaissés seulement (contre 22 au Barça).

Les choses peuvent-elles changer ? L'Atlético a-t-il réellement les moyens de plaire au-delà des amateurs d'un football réaliste et pragmatique ? Peut-être. D'abord, le jeu des Colchoneros ne se résume pas seulement à sa seule solidité défensive. Il dispose également dans ses rangs de joueurs de grand talent, à commencer par son meilleur buteur, Antoine Griezmann (16 buts cette saison en Liga). Jeune et charismatique, l'international français, âgé de 24 ans, pourrait être le joueur qui permet au club de changer tout doucement de dimension, notamment dans l'Hexagone.

Interrogé dans l'émission L'Equipe du dimanche, sur Canal+, le président du club madrilène, Enrique Cerezo, a reconnu : "Griezmann est un joueur magnifique. Il connaît le football et il connaît les valeurs de l'Atlético : l'effort et l'engagement". Voilà qui confirme que le club fait confiance à "Grizi", mais aussi que le rêve et le spectacle ne sont pas les maîtres-mots de l'Atlético.