Losc : comment Girard a conquis le Nord

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LIGUE 1 - L'ex-coach de Montpellier a réussi ses débuts avec le Losc, qui reçoit Monaco dimanche.

"Non à René Girard au Losc." Le message est clair. Mis en ligne dès le 11 juin sur le forum du site officiel des supporters du club lillois, le topic entendait dénoncer l'arrivée programmée de l'ancien technicien de Montpellier sur le banc du club lillois en remplacement de Rudi Garcia. Mauvais caractère, gestes déplacés, manque de fair-play, soupçons de triche : toutes les critiques ont été déversées, sur le net, mais également dans les tribunes, où les Dogues Virage Est, club de supporters le plus actif du Losc, ont rapidement (et vertement) exprimé leur méfiance, voire leur défiance envers Girard. Cinq mois plus tard, Girard ne fait toujours pas l'unanimité (pas le style du personnage) mais les critiques à son encontre, elles, se sont presque tues. En voilà les raisons.

C'est partout pareil : de bons résultats ont des effets apaisants. Ceux du Losc cette saison sont même excellents. Avant la défaite, mardi, en seizièmes de finale de la Coupe de la Ligue, face à Auxerre (1-0), le Losc restait sur sept matches sans défaite en Ligue 1 : six victoires et un seul match nul, à Lyon. Résultat : après 11 journées, le Losc pointe à une relativement inattendue troisième place, à 2 points du PSG.

Avec 23 unités en onze journées, le Losc présente exactement le même total que le Montpellier de Girard version 2011-12, qui fut sacré champion de France. Avec 2,09 points en moyenne, le Losc 2013-14 fait même mieux pour le moment que celui de 2010-11, titré en fin d'année. Si l'on s'attarde sur l'ensemble de l'ère Garcia (cinq saisons de 2008 à 2013), on se rend mieux compte encore de la performance de Girard...

On a choisi de parler de gestion plutôt que de jeu. Car, de l'avis de tous, ce n'est pas encore la fête tous les soirs au stade Pierre-Mauroy. Comme à Montpellier, Girard s'appuie avant tout sur une excellente défense. Recruté cet été, et annoncé comme l'un des bides de l'année, le Danois Simon Kjaer apporte de l'assurance à l'arrière-garde lilloise. En onze matches, le Losc a réussi l'exploit de ne pas encaisser de but à neuf reprises, une performance inédite en Europe. Préféré à Steve Elana depuis le début de la saison, le gardien nigérian Vincent Enyeama apporte son écot aux bonnes performances du Losc. Prêté la saison dernière au Maccabi Tel-Aviv, Enyeama fait partie des joueurs que Girard a relancés, au même titre que Nolan Roux (photo).

Borduré la saison passée, l'ancien avant-centre de Brest forme aujourd'hui avec Salomon Kalou l'une des plus redoutables paires d'attaquants de Ligue 1. "Je ne suis pas très original dans le fonctionnement", a estimé Girard vendredi. "Il faut mettre le groupe en confiance et bosser. Mon Dieu, c'est le travail. On n'a rien sans rien, il faut se remettre en question tous les jours." A l'aise avec les jeunes joueurs qui figurent dans son effectif, Girard semble avoir le vestiaire avec lui. Et ses performances actuelles sont d'autant plus remarquables quand on regarde la liste des noms qui ont quitté le club cet été : Aurélien Chedjou, Lucas Digne, Dimitri Payet et Benoît Pedretti. Et ce, sans parler de Florian Thauvin, qui n'est jamais vraiment arrivé...

Entre la guerre froide avec son président Louis Nicollin, ses accès de colère contre les arbitres en conférence de presse et le doigt d'honneur adressé à son homologue de Schalke 04 en Ligue des champions, la dernière saison de René Girard à Montpellier a alimenté l'image d'un entraîneur acariâtre, capable de dégoupiller à tout instant. Depuis son arrivée dans le Nord, René Girard semble presque être devenu un autre homme. Moins colérique, il s'est même permis de se montrer taquin, vendredi dernier, en conférence de presse, après la victoire obtenue à Nantes (1-0) : "ils sont combien, Paris, 20 points devant ?".

Pour autant, Girard, toujours aussi remuant le long de son banc de touche (voire au bord de la pelouse) estime ne pas être "assagi". "Ce geste de Schalke avait choqué un petit peu, je crois qu'il ne fallait pas en faire plus que ça, ce n'est pas ce qui détermine le comportement de quelqu'un", souligne-t-il dans un entretien à Losc TV. "J'ai toujours été respectueux, certainement plus que d'autres personnes."

"Je ne pense pas que je sois assagi", estime Girard :

La scène avait été captée par les caméras de Canal+. Le 19 octobre, lors de son retour à Montpellier, René Girard avait été interpellé par une jeune connaissance : "tu n'as pas trop froid dans le Nord ?" Cocasse, la question était néanmoins révélatrice d'un grand écart culturel que certains jugeaient rédhibitoire. Pourtant, quatre mois et demi après sa présentation au domaine de Luchin, Girard semble aujourd'hui parfaitement heureux dans le Nord.

"Tout le monde y a mis du sien", explique-t-il encore dans cet entretien. "C'est toujours compliqué de changer de territoire, de club, ça l'est en tant que joueur, ça l'est également en tant qu'entraîneur. Mais, comme je suis quelqu'un de pas trop exubérant, je me suis fondu dans le moule du Losc." Et dans le Nord, aussi. "On découvre une belle ville, on a découvert la grande braderie, c'est vraiment quelque chose de superbe." Le technicien gardois, né à Vauvert et qui a passé une douzaine d'années à Nîmes en tant que joueur puis entraîneur, a également découvert les chants des supporters lillois. Contre Ajaccio, le 5 octobre, il s'était même laissé porter par l'émotion.

René Girard ému par les chants lillois :

Alors, Girard, "premier sudiste du Nord" ? "Avec ma femme, on découvre une région qu'on connaissait mal, qui a son charme aussi." Aujourd'hui, l'ancien coach des Espoirs ne semble même plus craindre le froid. "On va se couvrir, faire le nécessaire. Pour le moment, on a plutôt un temps méditerranéen !" Et si René Girard avait apporté le soleil avec lui ?