Yalouz: "Une répétition"

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Propos recueillis par Thomas SINIECKI , modifié à
Meurtri par l'affaire Mekhissi-Baala, Ghani Yalouz n'en est pas moins déterminé à rebondir. Alors que les championnats de France se tiennent de jeudi à samedi à Albi, le DTN de l'athlétisme tricolore espère déjà que certains jeunes parviendront dans le Tarn à confirmer leur éclosion. Surtout, l'ancien lutteur insiste sur la notion de plaisir, et martèle à l'envi son unique objectif: les JO 2012.

Meurtri par l'affaire Mekhissi-Baala, Ghani Yalouz n'en est pas moins déterminé à rebondir. Alors que les championnats de France se tiennent de jeudi à samedi à Albi, le DTN de l'athlétisme tricolore espère déjà que certains jeunes parviendront dans le Tarn à confirmer leur éclosion. Surtout, l'ancien lutteur insiste sur la notion de plaisir, et martèle à l'envi son unique objectif: les JO 2012. Ghani, en votre qualité de DTN, qu'attendez-vous des championnats de France ? De l'engagement de la part de tous les athlètes, qui auront à coeur de bien faire et de donner le maximum, avec des minima à chercher pour certains. Même si les Mondiaux ne sont qu'une étape, puisque la finalité, c'est les JO. C'est le même discours pour tous, qu'on a eu notamment avec Teddy Tamgho ou Ladji Doucouré. Mais les France sont incontournables, parce qu'il y a de la confrontation, avec des séries et des finales comme aux championnats d'Europe ou aux Mondiaux. C'est une répétition, même si Tamgho, Doucouré et Garfield Darien sont blessés, et que Mahiedine Mekhissi Benabbad et Mehdi Baala sont absents. Revenons sur un épisode qui fâche, à savoir l'altercation entre Mekhissi Benabbad et Baala vendredi dernier à Monaco. Qu'en pensez-vous, un peu plus à froid ? Je ne peux rien dire, car la commission de discipline est souveraine. En plus, ça s'est passé lors d'un meeting, ce n'était pas dans le cadre de l'équipe de France. Les organisateurs leur ont enlevé la prime, et c'est la commission qui décidera le 4 août d'éventuelles suites à donner. Moi, je m'occupe de l'humain. C'est ce que je fais au quotidien, faire en sorte que tout se passe bien. C'est un petit malentendu, qui est tombé au mauvais moment. Ça peut arriver. Beaucoup ont apparenté leurs excuses dans Stade 2 comme une opération de communication... Si on arrive à faire une opération de "com" en trois minutes et 35 secondes, il faut m'expliquer... Ce qu'ils ont dit, ils l'assument, ils ont parlé à l'issue du Tour de France. Ce que je trouve plutôt honorable, c'est qu'ils ont mesuré les conséquences et se sont excusés. La suite, je ne peux pas la commenter à leur place. Vous avez vraiment songé à démissionner ? On ne démissionne pas comme ça. Si j'y avais songé, je ne serais pas en train de vous répondre. Et puis j'ai d'autres athlètes autour de moi, des Tamgho, des Christophe Lemaitre, des Renaud Lavillenie, des Yohann Diniz. Mais c'est vrai que j'encaisse tellement pour tout le monde, que la moindre déception peut avoir des conséquences sur moi. Je ne suis qu'un être humain et je fais tout pour que tout se passe bien, tous les jours. Maintenant, je pense que tout le monde va faire en sorte que les choses se passent au mieux. Mais je ne tolère pas, je suis ferme et je ne changerai pas d'opinion. Revenons au sport. Vous parliez tout à l'heure des blessures, celles de Tamgho et Darien représentent-elles un vrai coup dur en vue d'éventuelles médailles à Daegu ? Tamgho pouvait largement viser l'or. Mais d'autres peuvent le viser: Diniz, Antoinette Nana Djimou, Barras si sa pubalgie si se résorbe, Lavillenie, une équipe, un relais... Après la pluie, le beau temps. Il faut être positif et voir la bouteille à moitié pleine plutôt qu'à moitié vide. Il faut se servir de ça, il vaut mieux être un bon patient qu'un mauvais impatient. Darien aurait pu ne pas se faire opérer, comme Doucouré, mais ils ont décidé de se préparer sereinement pour les Jeux de Londres, qui restent l'objectif majeur. Pour tout sportif de haut niveau, la finalité, ce sont les Jeux olympiques. "Lemaitre n'est pas un robot, c'est un enfant" On a l'impression que le soufflé est un peu retombé, un an après Barcelone, notamment au niveau des dames avec Myriam Soumaré ou Véronique Mang un peu dans le dur ? L'athlétisme, c'est facile. C'est un chrono, une distance, donc c'est mesurable. Mais justement, c'est maintenant qu'il faut être au côté d'une Soumaré. Je m'attache à accompagner les athlètes. Comme je leur dis souvent, la gloire a plusieurs pères et la défaite est orpheline. Quand Diniz a galéré pendant deux ans, mon rôle était d'être à ses côtés. Maintenant, il fait champion d'Europe les doigts dans le nez. Il est motivé pour Daegu, mais on va surtout souhaiter qu'il soit champion olympique. Et cet état d'esprit concerne l'équipe de France en général. Quant à Christophe Lemaitre, même si ses chronos restent bas, il a l'air de chercher un peu son second souffle en ce moment... Lemaitre n'est pas un robot, c'est un enfant. Un gamin de 21 ans, surexposé parce que c'est l'épreuve reine, parce qu'on le compare à Usain Bolt, aussi parce que c'est le premier blanc, soi-disant... Je ne supporte pas ça, blanc ou pas blanc, on a des qualités pour le sport de haut niveau. D'ailleurs, il le prouve par les temps. Maintenant, il a le droit d'avoir des coups de moins bien, et d'être parfois en meilleure forme. On ne s'appelle pas tous Bolt dans la vie. Lui, c'est un génie du 100 m et du 200 m, c'est comme ça ! On dirait qu'il ne fait pas d'effort, il est très détendu, très à l'aise. C'est une force énorme, et c'est pour ça que je parle beaucoup de plaisir. Si on n'a pas de plaisir, on rentre chez soi et on mange des chips, on fait autre chose ! Lemaitre est dans cet état d'esprit-là, justement ? Vous a-t-il parlé des championnats de France ? Il dit sans cesse qu'il a besoin de s'amuser, qu'il y a des jours avec et des jours sans. Dans la vie, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Barcelone, c'est tout frais, il a fait 3e du 60 m à Bercy alors que ce n'est pas sa spécialité, il descend encore ses temps... Pour les championnats, je ne parle jamais au nom des athlètes, je suis là pour les accompagner. S'il sent qu'il est bien, il donnera le maximum. S'il ne le sent pas, il ne le sent pas. J'ai entièrement confiance en ce gamin. Pour moi, il représente toutes les valeurs de l'équipe de France, c'est-à-dire la solidarité, l'humilité, le partage. Et surtout, quand l'adversaire est plus fort, il sait l'accepter. Ça, je crois que c'est une leçon de vie et un chemin de croissance énormes pour l'athlète. Les juniors ont aussi apporté leur rayon de soleil, en crevant l'écran lors de l'Euro à Tallinn avec Jimmy Vicaut en chef de file ? Avant, les cadets avaient déjà rayonné ! C'est historique, ce qu'ils ont fait lors des Mondiaux à Lille. Ensuite, il y a eu les juniors effectivement, et aussi les Espoirs avec Carvalho qui gagne à l'Euro et fait son meilleur temps ensuite à Monaco. Chez les Espoirs, il y a eu des médailles le dernier jour, ce qui prouve que rien n'est jamais fini. On a battu des records en juniors... C'est vrai que j'ai cette chance d'avoir connu pas mal de records depuis que je suis en poste, mais ce qui m'intéresse, c'est de battre un record à Londres ! Je veux que l'athlétisme réussisse à Londres, c'est sincèrement ce qui me tient le plus à coeur. Barcelone et Bercy, c'était bien, il y a eu des records, mais l'important c'est la gagne avant tout. Vous pensez que certains Espoirs, juniors ou cadets peuvent aller chercher les minima à Albi ? L'athlétisme est le seul sport individuel où il peut y avoir des surprises, mais pas de miracle. Toutefois, Carvalho est l'exemple type d'une réussite de ce genre. Kevin Mayer peut faire plus de 8 000 points au décathlon, on le sait très bien. C'est tout le bonheur que je souhaite à ces gamins, parce qu'ils le méritent. Ils travaillent dur pour ça, très dur pour ça. Vous avez quand même des objectifs chiffrés pour les Mondiaux ? Avec tout ce qui nous arrive, on ne peut plus être sur les chiffres. On veut surtout préserver l'équipe de France, la mettre dans de bonnes conditions, et on prendra avec bonheur ce qui arrivera. On ne cherche pas à se comparer à d'autres sports, ce qui nous intéresse, c'est qu'ils aillent là-bas avec le plaisir d'être ensemble, comme ils l'ont toujours fait depuis que je suis à leurs côtés. Après, on se serre les coudes, les uns avec les autres et non les uns contre les autres. C'est ça, cette équipe de France d'athlétisme, et j'en suis très fier. On va laisser la commission de discipline décider pour Mekhissi Benabbad et Baala, ce sont des choses qui peuvent arriver. Il faut rebondir dans la vie, parce qu'il y a des choses beaucoup plus graves.