Le goût de l'inédit

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SYLVAIN LABBE , modifié à
Pour la première fois depuis onze ans, une équipe "inédite" dispute ce samedi, au Stade de France, la finale du Top 14. Montpellier, révélation de la saison, s'offre le choc ultime face à un Stade Toulousain tout puissant. La fraîcheur et la fougue de la jeunesse défient l'expérience et la maîtrise d'un adversaire prétendant à un 18e Brennus.

Pour la première fois depuis onze ans, une équipe inédite dispute ce samedi, au Stade de France, la finale du Top 14. Montpellier, révélation de la saison, s'offre le choc ultime face à un Stade Toulousain tout puissant. La fraîcheur et la fougue de la jeunesse défient l'expérience et la maîtrise d'un adversaire prétendant à un 18e Brennus. "C'est bien d'être premier à l'issue de la première phase, mais on est quand même dans une formule où le sixième du championnat peut être champion." Jean-Baptiste Elissalde ne croyait sans doute pas si bien dire quand, le 7 mai dernier, au soir de la dernière journée de la saison régulière, marquée déjà par une victoire annonciatrice (15-6) sur les Champions de France clermontois, pas encore passés à la moulinette de Dusautoir et ses coéquipiers au Vélodrome, l'entraîneur toulousain se projetait sur les phases finales. Car si Toulouse, à la hauteur de son statut de n°1 incontestable de la saison régulière, a écarté sans ménagement les tenants du titre en demi-finale, cette mainmise se retrouve totalement éclipsée par la sensation de cette saison si relevée. Montpellier s'invite au Stade de France et c'est l'histoire qui s'écrit en direct pour la première équipe qualifiée en dernière position (6e) à atteindre la finale depuis l'instauration de la poule unique en 2005-2006. Le club à la fleur de ciste n'a pas trente ans -fondé en 1986- et le voilà qui frappe à la cour des grands, porté par la richesse de sa formation et l'apport décisif d'un staff, qui a su révéler le potentiel de ce Montpellier Hérault Rugby, promis à la lutte pour le maintien en début de saison et prêt à huit mois plus tard à disputer le Bouclier de Brennus à la référence toulousaine. Le Stade justement, dont la défaite d'un point (22-21) -déjà sur un échec final du buteur Nicolas Bézy !- sur la pelouse d'Yves-du-Manoir, en septembre dernier, aura contribué sans le vouloir à cette improbable épopée. Celle qui fait de manière incontestable du MHR l'attraction de cette affiche. Une pointe de crispation chez les Toulousains La fougue, la jeunesse et la bonne étoile des Héraultais n'en finissent plus de nourrir la légende naissante de cette équipe de copains, unie comme les doigts de la main, qui ouvre des grands yeux sur sa destinée, d'abord incrédule devant la chute de la maison castraise (18-17) en barrages, puis chavirée de bonheur par la gifle infligée aux stars du Racing en demi-finales. "En 1999, l'équipe de France avait battu la grande équipe des Blacks. Sur un match, tout est possible", n'hésite pas à rappeler Cap'tain Ouedraogo. Voilà un an que c'est du bonus toutes les semaines pour "Fufu" et ses potes, capables de rallier Saint-Denis en n'inscrivant que deux essais en deux matches de phase finale... pour cinq concédés. Toute la question étant aujourd'hui de découvrir si ce groupe a encore les ressources pour l'ultime combat, le plus rude, le plus exigeant aussi. Et s'il n'a pas joué sa finale avant l'heure à Marseille. Comme si la blessure contractée par Ouedraogo au Vélodrome, et qui laisse le flanker international, véritable talisman de son équipe, dans l'incertitude, avait déjà scellé sans le savoir le sort de ce choc final. La fraîcheur et la force de son aventure, teintée d'un esprit amateur au milieu d'un rugby professionnel toujours plus déshumanisé, auront fait de Montpellier une sorte de rouleau-compresseur à la fois médiatique et populaire auquel même la saison d'exception du Stade Toulousain n'aura pas résisté. Du haut de leurs 17 Brennus (et 4 Coupes d'Europe) accumulés, Guy Novès et ses joueurs devaient sans doute s'accommoder de cette situation. Après tout, pour vivre bien, vivons cachés, dit le dicton... Mais on aura senti comme une pointe de crispation dans le calfeutrage de Dusautoir et ses coéquipiers, coupés des médias toute cette semaine, et peut-être plus encore dans les propos de Novès lui-même, agacé par cette image de Petit Poucet réservée aux Montpelliérains, mais tellement légitime, qui place Toulouse dans la position du grand méchant loup, dont la victoire ne serait que logique et la défaite une contre-performance historique. "Mais être favori ne signifie pas tout maîtriser", a martelé le manager des Rouge et noir, trop conscient du danger qui guette, dans Sud-Ouest. "La preuve avec le Racing. Ma première finale, je l'ai jouée en 1980 contre le grand Béziers. Nous étions une jeune équipe et nous sentions que nous montions en puissance et nous avions failli gagner (défaite 10-6). Montpellier n'aura rien à perdre, alors il faudra s'y filer. Tous ces paramètres, il faut les avoir en tête. C'est l'expérience. Parfois, je voudrais en avoir moins pour être plus jeune. Mais cette finale j'ai autant envie de la gagner que la première et mon équipe sera prête." Ce n'est là que l'une des promesses de cette finale. Et elle en regorge !