Jourdain: "Une aventure globale"

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Propos recueillis par LAURENT DUYCK , modifié à
Après une dizaine d'années à la barre d'un monocoque de 60 pieds, sanctionnées par de belles réussites (Route du Rhum 2006 et 2010) et quelques désillusions sur le Vendée Globe, Roland Jourdain a tourné la page pour se lancer dans le MOD70. A la veille des Krys Match, un premier rendez-vous non-officiel à la Trinité-sur-Mer (6-8 octobre), « Bilou » nous explique les raisons de ce virage.

Après une dizaine d'années à la barre d'un monocoque de 60 pieds, sanctionnées par de belles réussites (Route du Rhum 2006 et 2010) et quelques désillusions sur le Vendée Globe, Roland Jourdain a tourné la page pour se lancer dans le MOD70. A la veille des Krys Match, un premier rendez-vous non-officiel à la Trinité-sur-Mer (6-8 octobre), « Bilou » nous explique les raisons de ce virage. Pourquoi avoir choisi de basculer sur ce nouveau circuit des MOD70 ? J'ai envie de répondre pourquoi pas ? C'était le désir de changer, tout simplement. Ça me fait achever une aventure de presque 10 ans de monocoque autour du monde dans la classe Imoca. La question de la continuité de notre partenariat avec Veolia Environnement s'est posée à la fin du Vendée Globe 2008-2009. La réponse est vite tombée: on continue, donc c'était super. Restait à savoir ce que l'on pouvait faire sachant que je ne voulais pas tomber dans une routine. On travaillait sur la Volvo Ocean Race au moment où démarrait la création de ce circuit des MOD70, du moins où tombaient les premières annonces. Et assez rapidement, on a basculé en faveur du MOD70. Pourquoi ? D'abord parce que c'était de la monotypie. Ça veut dire équité sportive, donc c'est un challenge hyper-intéressant. Ça veut dire aussi économie d'échelle donc moindre coût des bateaux et c'est quelque chose que je défends vraiment, pour contenter nos sponsors et nous-mêmes parce que je pense que l'argent doit être utilisé à bon escient. Parce que c'était en équipage. J'avais besoin d'essayer ça parce que je n'avais jamais pratiqué en tant que skipper donc leader d'un projet. Parce que c'était un circuit tourné à l'international, ce qui, pour Veolia Environnement, va nous permettre dans tous les pays du monde de rencontrer les réseaux d'environnement, ce qui était moins facile sur un Vendée Globe où on part des Sables-d'Olonne pour revenir aux Sables-d'Olonne. Vous n'aurez plus l'occasion de développer votre bateau. La frustration sera-t-elle rapidement effacée par l'intérêt sportif ? Oui, je n'en doute pas. On avait l'habitude, les uns et les autres, de passer beaucoup de temps au chantier à discuter avec nos équipes pour faire le mieux - le mieux étant l'ennemi du bien - mais la règle est assumé dès le départ, donc la frustration est de courte durée. En revanche, de part mon expérience de la monotypie sur d'autres supports, je sais qu'on y apprend beaucoup de choses que l'on peut reporter sur d'autres types de bateaux, parce que sur l'eau, pour aller plus vite que l'autre, il faut trouver les meilleurs réglages, les automatismes dans les manoeuvres, la meilleure route possible... Ça offre une nouvelle façon de travailler qui est aussi très excitante. "Autant que les bateaux soient plus solides parce qu'on a tous envie de naviguer, de faire des belles courses" Vous êtes les pionniers, avec Steve Ravussin, Michel Desjoyeaux ou encore Sébastien Josse, de cette classe. Y a-t-il de l'appréhension alors que vous ne savez pas complètement où vous mettez les pieds ? Toujours un peu. Ceci dit, le coeur même de notre métier nous habitue à l'inconnu. Mais là, l'aventure est globale. Et il faut dire bravo aux initiateurs de ce projet, ce n'est pas évident de lancer une classe de bateaux. Bravo aussi à nos partenaires et sponsors parce qu'on part sur quelque chose qui n'est pas palpable aujourd'hui. C'est une aventure globale qui est très excitante. Après une bonne dizaine d'années en Imoca, la dimension de ce projet m'intéressait, le fait de s'internationaliser, de rencontrer du monde. On est dans la compétition mais on est aussi dans un métier basé sur l'humain. On est là pour créer des choses ensemble. Parlons du bateau. Comment l'avez-vous apprivoisé ? C'est un bateau bien né. La base semble vraiment excellente même si ça sera long pour rencontrer toutes les situations de navigation. Mais dans tous les cas, je suis très rassuré par le gros oeuvre, le démarrage, c'est-à-dire la structure du bateau. C'est bien plus important qu'on puisse le dire comme ça... A partir de là, on garantit une pérennité pour longtemps. Il pourrait y avoir des ratés, on l'a déjà vu sur d'autres bateaux, et ça serait alors très long à rattraper mais là, ça semble bien parti. Avez-vous retrouvé les sensations rencontrées à la barre d'un 60 pieds ? Oui tout à fait. C'est un bateau un peu plus grand, plus étroit en proportion et avec un mât un peu plus court, donc moins toilé. Les chiffres disent que c'est un bateau qui va un peu moins vite que les multicoques de 60 pieds dans le petit temps mais qui va plus vite quand le vent se lève parce qu'il est plus long. Ce sont des bateaux un peu plus lourds parce que plus solides mais, puisqu'on a tous le même bateau, autant qu'ils soient plus solides parce que les uns et les autres, on a tous envie de naviguer, de faire des belles courses. La casse et le chantier, ce ne sont pas notre tasse de thé. Vous avez rendez-vous pour une première course officielle l'été prochain entre New York et Brest. Impatient ? Oui, c'est un très beau parcours. Ce sera pour moi un premier départ de course depuis New York, Brest, j'y suis plus habitué, aux départs comme aux arrivées de courses. C'est un très joli parcours, théoriquement très rapide car sur la même route que le record de traversée de l'Atlantique nord, ce qui nous permettra peut-être d'établir un temps de référence. C'est aussi un parcours symbolique avec ce lien entre les Etats-Unis et l'Europe pour une classe qui se veut internationale. Un mot sur les Krys Match, le premier rendez-vous non-officiel des MOD70 à la Trinité-sur-Mer... Je suis sûr que Mich (Desjoyeaux) a déjà le bateau en main, parce que ce n'est pas un bateau compliqué et il a déjà une grosse expérience sur ce type d'engin donc il va être à 100%. Par contre, il va falloir veiller à ne pas nous emporter tout de suite pour ne pas casser les bateaux mais c'est toujours intéressant de faire ce genre d'exercice. Cela va nous permettre d'évaluer la monotypie et d'établir le taux de risque de ce format de course, ce qui influencera à terme les programmes des bateaux notamment lors des city races car il ne faut pas que l'on perde de vue la philosophie du circuit ! En ce qui nous concerne à bord de Veolia Environnement, nous n'avons pas encore vraiment pu entamer les entrainements contre les autres MOD jusque-là. Nous sommes donc encore dans une phase de réglages où l'on surfe sur notre savoir-faire mais tant que l'on n'est pas contre un autre bateau, on est vite en butée. Ce premier rendez-vous est donc un peu pour moi comme des travaux pratiques obligés qui vont nous permettre de tirer plein d'enseignements sur l'eau, avec en plus le double effet de faire participer le public et nos partenaires.