Federer ne vit que pour ça

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François QUIVORON , modifié à
Roger Federer a peut-être raté sa plus belle occasion de battre enfin Rafael Nadal à Roland-Garros. Dominé en finale, le Suisse a pourtant de nombreux motifs de satisfaction pour envisager la suite de la saison avec sérénité. Wimbledon, "son" tournoi, débute dans deux semaines. Une aubaine avec la confiance qu'il vient d'emmagasiner.

Roger Federer a peut-être raté sa plus belle occasion de battre enfin Rafael Nadal à Roland-Garros. Dominé en finale, le Suisse a pourtant de nombreux motifs de satisfaction pour envisager la suite de la saison avec sérénité. Wimbledon, "son" tournoi, débute dans deux semaines. Une aubaine avec la confiance qu'il vient d'emmagasiner. Depuis quand n'avait-il pas aussi bien joué ? Plusieurs mois. Depuis son titre au Masters de Londres en novembre dernier et on peut même remonter jusqu'à l'Open d'Australie 2010. Très affuté durant le tournoi, Federer a bénéficié à plein de sa grosse préparation avant d'entamer la saison sur terre battue. Après la tournée américaine, il a gonflé son physique, chez lui en Suisse, ce qu'il n'avait pas fait les années précédentes. Après sa défaite en demie à Madrid, il avait alors estimé avoir son quota de matches sur terre pour aborder Roland-Garros dans de bonnes conditions. Et Federer est redevenu, l'espace de la quinzaine parisienne, un athlète hors pair, aérien sur le court, précis dans ses déplacements, à la couverture de terrain exemplaire. Arrivé sans pression à Paris, dans la peau d'un outsider, le Suisse s'est accommodé de l'ombre faite par Nadal et Djokovic pour tracer sereinement sa route. Tête de série n°3 d'une épreuve majeure pour la première fois depuis 2003 (!), Federer a sorti son costume d'extraterrestre des courts en demi-finales contre le Serbe. Jamais il n'avait aussi bien joué sur terre battue, en appliquant à la lettre son précepte: "Joue ton jeu pour ne rien regretter." Il a eu quelques regrets, légitimes, après la finale, mais son tournoi est une vraie réussite. "C'était important d'atteindre une nouvelle finale, de bien jouer. Depuis un bout de temps, je me sens bien, a-t-il reconnu après le match. C'est positif." Comme un symbole, il a stoppé Djokovic à 41 victoires d'affilée, soit autant que sa meilleure série entre 2006 et 2007. A quand remonte le syndrome Nadal sur terre battue ? Dès leur première confrontation, qui n'était pas sur terre paradoxalement. A Miami en 2004, alors que Nadal n'a que 17 ans, l'Espagnol le cueille en deux manches (6-3, 6-3). En finale l'année suivante, toujours en Floride, Federer s'en sort après avoir été mené deux sets à zéro. Puis il perd cinq fois d'affilée, dont deux à Roland-Garros, suffisant pour découvrir en Nadal une bête noire et un adversaire à sa taille. Sur terre battue, il ne l'a battu que deux fois, une seule dans des conditions que l'on pourrait qualifier de "normales" (Hambourg en 2007), puisque la dernière (Madrid 2009) s'était jouée le lendemain d'un combat titanesque de quatre heures entre Nadal et Djokovic. Federer l'a plus que titillé en finale à Rome en 2006 (cinq sets en cinq heures) pour l'un des plus beaux matches entre les deux hommes. Mais la tête avait déjà vrillé, à l'image de la piteuse finale de Roland-Garros deux ans plus tard, symbole du syndrome que son attitude a parfois laissé entrevoir dimanche, notamment à la fin du premier et au début du deuxième set. Dans quel état d'esprit va-t-il aborder Wimbledon ? Gonflé à bloc. Déjà parce qu'il a un titre à reconquérir, un an après sa défaite contre Tomas Berdych en quarts de finale. Et surtout parce qu'il s'agit de son tournoi préféré. "C'est mon objectif numéro un cette saison. C'est un peu là-bas que tout a commencé en 2003, rappelle-t-il. Il y a aussi ce qui s'est passé en 2001 (à 19 ans, il avait éliminé Sampras en huitièmes, ndlr). Je suis donc très content d'y retourner." La confiance qu'il vient d'engendrer et sa qualité de jeu lui offrent de réelles perspectives de victoire. La bataille pour la première place mondiale, il la laisse à Nadal et Djokovic. Ce qu'il veut, c'est régner à nouveau sur le Centre Court et clouer le bec de ceux qui le pensaient déjà en retraite. "En Australie, je disais, attendez, rien n'est fini... Regardez maintenant, nous voilà tous les deux ici", a-t-il fait remarquer en référence à son duel avec Nadal, alors que tous les observateurs n'en avaient que pour Djokovic. Se réserve-t-il pour les grands rendez-vous ? Oui, c'est désormais évident. Les petits tournois comme Estoril, qu'il a remporté en 2008, c'est terminé. La preuve avec son tout récent forfait à Halle. Ce sont les épreuves du Grand Chelem et éventuellement les Masters 1000 qui l'intéressent. D'abord parce qu'il ne peut plus tenir dix mois de compétition à plein régime, et surtout parce que c'est à la hauteur des grands rendez-vous que l'on mesure l'étendue d'une carrière. "C'est à la fin que cela compte. Une fois que ta carrière est terminée, que tu ne peux plus rien faire et que tu es fier de ce que tu as accompli." Ce discours est bien celui d'un joueur qui ne souhaite se consacrer qu'aux tournois du Grand Chelem, comme Pete Sampras à la fin de sa carrière. L'Américain s'est retiré sur une victoire à l'US Open en 2002. Une sortie dont rêverait forcément Federer. Sur le gazon de Wimbledon aux JO de Londres en 2012 ? Pas sûr, il n'aurait même pas encore 31 ans... A-t-il encore la "caisse" pour gagner d'autres tournois du Grand Chelem ? Après ce qu'il a montré à Roland-Garros, oui. Et plusieurs. Les occasions vont devenir de moins en moins nombreuses et la concurrence est rude. Mais quand il atteint le niveau de jeu de sa demie contre Djokovic, peu de joueurs peuvent lui résister. Est-il capable de rééditer une telle performance ? Et la renouveler dans un même tournoi, condition sine qua non pour remporter un Majeur ? Son entraîneur, Paul Annacone, a été embauché pour ça. La gestion de fin de carrière, il connaît, pour avoir coaché Sampras jusqu'à l'US Open 2002. Ensemble, ils ont gagné neuf tournois du Grand Chelem, contre un seul avec Federer. Mais cela pourrait bien changer...