Au soleil levant

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SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
L'équipe de France, après plus de deux mois de préparation, se retrouve face à son destin ce samedi, à North Shore (8h00, heure française), à l'occasion de son entrée en lice dans la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande face aux modestes Japonais. Entre l'impatience d'en découdre enfin et la crainte d'un adversaire entretenue par le staff, les Bleus ont le devoir, selon le voeu de Marc Lièvremont, de déjà "marquer leur territoire".

L'équipe de France, après plus de deux mois de préparation, se retrouve face à son destin ce samedi, à North Shore (8h00, heure française), à l'occasion de son entrée en lice dans la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande face aux modestes Japonais. Entre l'impatience d'en découdre enfin et la crainte d'un adversaire entretenue par le staff, les Bleus ont le devoir, selon le voeu de Marc Lièvremont, de déjà "marquer leur territoire". Cette fois, ils vont savoir. Thierry Dusautoir et ses coéquipiers ne sont plus qu'à quelques heures seulement de ce pas décisif, attendu par tous, dans cette grande aventure que représente la Coupe du monde. Un premier match -ils seront neuf Français à débuter dans la compétition sur la feuille de match- comme un grand saut dans l'inconnu, vers ce rêve de gamin que tous ont fait un jour à soulever la Coupe William-Webb-Ellis. Ils n'en sont pas encore là, mais l'excitation est forcément à son comble pour des Tricolores qui, depuis plus de deux mois qu'ils sacrifient à une préparation censés les programmer pour le plus beau des desseins, font de plus en plus figure de lions en cage dans leur station balnéaire de Takapuna, dans la banlieue d'Auckland. Quatre ans après le couac en ouverture face à l'Argentine, qui d'entrée douchait l'enthousiasme d'une France à l'unisson, ou presque, derrière ses "petits", voilà les Bleus de Lièvremont en mission au bout du monde, loin des familles et des proches, comme pour mieux se focaliser sur l'unique objectif qui vaille, devenir champions du monde le 23 octobre prochain, à l'Eden Park d'Auckland. Une ambition qui passe d'abord par le Japon, premier adversaire des Français à North Shore. En d'autres temps, une formalité, sauf que pour un peu, on aurait voulu nous faire passer les Nippons pour des Pumas, capables de répéter l'improbable et d'infliger aux Bleus leur deuxième revers en phase de poules. On force le trait sur la crainte et le respect Du respect et même de la crainte, c'est ce qu'ont inspiré toute cette semaine les "Cherry Blossom" de John Kirwan à nos Bleus d'un style très profil bas, voire limite dans leurs petits souliers. Je me souviens de matches supposés faciles qu'on a perdus, soutient William Servat, l'un des deux convalescents avec Fabien Barcella d'une première ligne d'autant plus sur ses gardes. Il faut rester vigilants, rester humbles, ne pas présumer de nos forces. [...] Ils sont très consciencieux, il faut les prendre au sérieux. Il faut dire que le spectre des dérouillées de l'année écoulée flotte encore ici et là, à commencer par la déroute romaine du dernier Tournoi. Un adversaire supposé à votre portée, qui vous renvoie à vos chères études, les joueurs de Lièvremont ont déjà donné. Merci. Alors on n'hésite pas à redoubler de précautions oratoires, quitte à forcer le trait et à faire de ces Japonais de vraies terreurs, en progrès, c'est certain, capables, c'est vrai, de remporter une première Pacific Cup devant Fidji, Tonga et Samoa réunis. On ira même jusqu'à exhumer la précédente confrontation en Coupe du monde entre les deux équipes, lors du Mondial australien de 2003, pour en faire, malgré un score final fleuve (51-29), un match plus difficile qu'il n'y paraît... (voir par ailleurs) Il n'empêche, la menace est jugée suffisante pour que le sélectionneur national convoque l'équipe type pour jouer le Japon, composée des Thierry Dusautoir, Imanol Harinordoquy, Lionel Nallet, Nicolas Mas devant, Dimitri Yachvili, François Trinh-Duc, Aurélien Rougerie, Vincent Clerc derrière, bref, les cadres dans un quinze de départ qui, n'en déplaise à Lièvremont, ressemble fort à une équipe type. Reste que cette équipe du Japon, qui n'a gagné qu'un match de Coupe du monde en six participations, en 1991 contre le Zimbabwe (52-8), traîne derrière elle tous les records les plus abominables dans la compétition (*). Et il faudra pourtant peut-être plus que la dizaine de Néo-Zélandais naturalisés pour l'occasion pour contrecarrer les Bleus de France, dont le talon d'Achille réaliste tient à son éventuel manque de rythme après trois ou quatre semaines sans rencontre, selon les joueurs. De là à faire de ce France-Japon le troisième match de préparation que plusieurs joueurs avaient appelé de leurs voeux... "Il faut craindre ce premier match après trois ou quatre semaines de coupure", annonce Imanol Harinordoquy. Même si on s'est beaucoup entraîné, cela ne remplace pas la compétition. Cela risque d'être difficile au début." Lièvremont: "Il va falloir leur faire mal..." Raison de plus pour se rassurer sur l'essentiel: "Le piège est de jouer à l'envers et de se voir trop beau, d'écarter de partout et de jouer tous les ballons, faire le spectacle et se faire contrer. Nous allons commencer par un jeu direct que l'on maîtrise", prévient encore Le Basque. Les Japonais, qui n'ont que le rugby champagne à la bouche lorsqu'on évoque les Bleus et semblent déjà considérer comme une victoire d'affrronter les cadres tricolores, plutôt que leurs doublures, risquent de tomber de haut. Lièvremont, à la différence de ses joueurs, ne s'en contentera pas: "J'espère qu'on va faire un grand match, un bon match, qu'on va se montrer intransigeants et qu'on ne va laisser aucune chance aux Japonais [...] il va falloir leur faire mal d'une certaine manière et marquer notre territoire." Le dernier éclair de lucidité est pour Harinordoquy: "Avec tout le respect que j'ai pour eux, on veut absolument les battre. Parce que sinon, autant rentrer à la maison." (*) Le Japon compte le plus grand nombre de points encaissés en Coupe du monde (975), la plus longue série de défaites (14), son plus grand nombre (18), pour terminer dernier de sa poule à quatre reprises, de qui constitue là aussi un record.