1995: Au-delà du sport...

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Sylvain LABBE , modifié à
Grande absente des deux premières éditions, l'Afrique du Sud de Nelson Mandela, libérée du cancer de l'apartheid, réintègre le concert des nations et accueille une Coupe du monde, dont l'enjeu, dans un tel contexte, transcende forcément le simple terrain sportif. Le sacre des Boks était écrit, au détriment de la France et des All Blacks d'un Jonah Lomu révélé comme la première grande star de la compétition.

Grande absente des deux premières éditions, l'Afrique du Sud de Nelson Mandela, libérée du cancer de l'apartheid, réintègre le concert des nations et accueille une Coupe du monde, dont l'enjeu, dans un tel contexte, transcende forcément le simple terrain sportif. Le sacre des Boks était écrit, au détriment de la France et des All Blacks d'un Jonah Lomu révélé comme la première grande star de la compétition. Les Springboks sont de retour. Interdite de toute compétition internationale par l'IRB depuis le début des années 80, l'Afrique du Sud n'est plus indésirable depuis 1992 suite à l'abolition l'année précédente des lois ségrégationnistes. Cette Coupe du monde, premier évènement d'envergure mondiale accueilli depuis 1991, est une opportunité unique pour tout un pays... Nelson Mandela, élu à la présidence de la République, l'a bien compris. Le leader de la nation arc-en-ciel fait du rugby un alibi au profit de la réconciliation nationale. La dimension sportive passe au second plan ; les Sud-Africains, tombeurs des Wallabies, tenants du titre, dès le match d'ouverture (27-18), sont le réceptacle et l'emblème d'une fierté retrouvée. L'histoire est en marche, plus rien ne pourra l'arrêter. Pas plus l'équipe de France de Pierre Berbizier qui, sous le terrible orage de Durban, doit laisser sa place en finale au pays hôte (19-15) (voir par ailleurs), que les All Blacks du nouveau phénomène, Jonah Lomu (voir par ailleurs), soudain incapables d'évoluer à leur meilleur niveau et défaits sur le fil (15-12, a.p.), ne pourront barrer la route de ces Springboks intouchables. Le drop victorieux de Joël Stransky, fatal aux Néo-Zélandais en prolongations, passe au second plan derrière l'instant de grâce, savamment mis en scène par Mandela lui-même, lorsque "Madiba", revêtu du maillot de François Pienaar,le capitaine blanc et blond des Boks, remet la Coupe William-Webb-Ellis aux vainqueurs. Un moment pour l'éternité. Quelques semaines plus tard, la planète rugby entre dans l'ère du professionnalisme. LES BLEUS DANS LA COUPE : Pierre Berbizier avait tout prévu, sauf la dimension politique de cette Coupe du monde. Quatre ans après le naufrage du Parc des Princes en quart de finale, l'entraîneur de l'équipe de France sait que son groupe a le potentiel pour devenir champion du monde. Au rendez-vous du dernier carré, les Bleus ne peuvent rien en revanche contre les trombes d'eau qui, le jour de la demi-finale face aux Sud-Africains, ont inondé la pelouse de Durban et laissent le terrain à la limite du praticable. Rien non plus contre la mystérieuse épidémie qui touchera les Blacks avant la finale, et, qui la veille du match, laisse douze Français sur le flanc. Trois essais seront inscrits par les Bleus, tous refusés. Les dix centimètres manquant à Abdel Benazzi viendront nourrir la légende d'un essai bien réel que le Sud-Africain Kruger reconnaîtra lui-même plus tard. Un rêve était passé... UN JOUEUR DANS LA COUPE : Jonah Lomu (63 sélections, 37 essais) surgit en 1995 comme la première star planétaire (la seule à ce jour) de ce sport. Plus jeune All Black de l'histoire, Jonah Tali Lomu, ancien troisième ligne élevé dans une banlieue difficile d'Auckland, a tout juste 20 ans et compte seulement deux sélections lorsqu'il entame sa première Coupe du monde en Afrique du Sud et laisse le monde ébahi devant ce nouveau phénomène, ailier supersonique capable d'approcher les 11 secondes au 100 mètres malgré un gabarit hors normes à son poste (1,96m, 118kg). Ses 7 essais en 5 matches le propulsent au rang de héros de la Coupe du monde. Son match face à l'Angleterre au Newlands du Cap en demi-finale touche au sublime avec ses 4 essais monstrueux, qui laissent la fière Albion le nez dans le gazon, à l'image de son capitaine Will Carling. Lomu, dans le plus collectif des sports, réussit la gageure de faire croire qu'un joueur peut à lui seul renverser le cours d'un match. Pourtant, en 1995, comme 4 ans plus tard, pour sa deuxième et dernière Coupe du monde, ses 8 essais supplémentaires, qui font de lui le meilleur marqueur de l'histoire de l'épreuve avec 15 réalisations, ne suffiront pas à ramener la Coupe au pays du long nuage blanc. Fin 2002, rattrapé par un syndrome néphrétique, qui lui coûte un rein, le phénomène Lomu s'évanouit avec la fin de sa carrière internationale. UNE HISTOIRE DANS LA COUPE : Max Brito n'a que 24 ans lorsqu'il est sélectionné pour cette Coupe du monde sous le maillot de la Côte d'Ivoire. Ce qui doit être une fête va pourtant se transformer en cauchemar lors du match de poules face aux Tonga. On joue depuis trois minutes quand Brito s'extraie de sa défense, avant d'être plaqué par Inoke Afeaki, puis de subir un regroupement de plusieurs joueurs, qui le laisse au sol, sans connaissance. Bien que Brito soit transporté en urgence à l'hôpital de Pretoria, les médecins ne peuvent que constater l'étendue des dommages graves subis par le joueur au niveau des vertèbres et avec la rupture de la moelle épinière. Malgré plusieurs opérations, le Biscarossais restera tétraplégique.