1987: Il était une fois la Coupe

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Sylvain LABBE , modifié à
Revivez les six précédentes éditions d'une épreuve devenue le troisième évènement sportif au monde derrière la Coupe du monde de football et les JO. Confidentielle et amateur, la première, remportée par les All Blacks devant leur public, garde un charme désuet.

Revivez les six précédentes éditions d'une épreuve devenue le troisième évènement sportif au monde derrière la Coupe du monde de football et les JO. Confidentielle et amateur, la première, remportée par les All Blacks devant leur public, garde un charme désuet. C'est l'histoire d'un rêve un peu fou... En 1987, la première Coupe du monde, défendue notamment par Albert Ferrasse, omnipotent patron de la FFR, s'ouvre à l'Eden Park d'Auckland, là même où le 9 septembre prochain, les All Blacks tenteront d'y réécrire l'histoire. Quel chemin parcouru depuis cette première édition disputée à l'autre bout du monde, organisée conjointement par la Nouvelle-Zélande et l'Australie, qui tente de transcender un rugby international cantonné alors au Tournoi et aux tournées, seules opportunités de confrontations entre les deux hémisphères. Un "Tournoi international" pour voir, à la médiatisation et à la commercialisation à ce point limitées qu'elles illustrent l'amateurisme encore en vigueur, à l'image de ce seul et unique sponsor principal "signé" à la veille seulement de l'ouverture entre les All Blacks, futurs champions du monde, et l'Italie, balayée (70-6) devant une assistance clairsemée ; le premier acte de ce qui ressemble surtout à une succession de test-matches entre les seize nations conviées sur invitation, à l'exception de l'Afrique du Sud, boycottée en raison de l'apartheid (voir par ailleurs). Confidentielle, la compétition ne décolle réellement qu'à l'occasion d'une demi-finale de légende: tombeuse de l'Australie (30-24), la France de Blanco s'envole pour une finale perdue (29-9) face aux hôtes néo-zélandais, premiers lauréats du trophée Webb-Ellis. LES BLEUS DANS LA COUPE : Il y a donc ce match pour l'histoire, cette demi-finale au bout du suspense, arrachée aux Wallabies au bout du temps additionnel par un Serge Blanco irrésistible et mis sur orbite par Charvet, Lagisquet et Rodriguez pour un ultime essai que l'on aurait déjà pu appeler "du bout du monde". C'est oublier un peu vite le premier match sur un fil des Bleus dans la compétition face à l'Ecosse (20-20) et c'est sans compter une fois encore le "grand Serge" sans lequel les Blacks attendaient les Tricolores dès les quarts de finale. Mais la mêlée tricolore, emmenée notamment par les Garuet, Ondarts et Dubroca, est au sommet de son art et l'équipe de France de Jacques Fouroux peut écrire sa légende, mais perd au Concord Oval de Sydney sa fraîcheur physique et mentale, celle qui lui fera défaut une semaine plus tard face à des Blacks tout puissants. Un an plus tôt, les Bleus dominaient les Blacks à Nantes dans un match de muerte (16-3) : la revanche néo-zélandaise est éclatante. UN JOUEUR DANS LA COUPE : John Kirwan (63 sélections, 35 essais) est l'incontestable phénomène de cette première édition. Un Jonah Lomu blanc avant l'heure (1,92m, 92kg), capable de survoler la compétition au sein d'une équipe future lauréate, composée de joueurs d'exception (Fox, M. Jones, Fitzpatrick...) et au sein d'un collectif intouchable (50 points marqués en moyenne, 8,5 encaissés). A l'heure où la préparation physique en est encore à ses balbutiements, l'ailier surdimensionné éclabousse l'épreuve de son talent dès l'ouverture face à l'Italie: sept crochets et quatre-vingt mètres de course pour mettre à genoux les Azzurri au prix d'un essai mémorable, l'un des six inscrit par Kirwan, meilleur marqueur de la compétition (à égalité avec son coéquipier Craig Green). Kirwan, un joueur au sommet, mais un homme blessé, victime de dépression, comme il le révélera plus tard dans son autobiographie intitulée "All Blacks don't cry". Un mal-être vaincu, le plus beau des succès sans doute pour l'actuel sélectionneur du Japon, prêt à retrouver la Coupe du monde sur ses terres. UNE HISTOIRE DANS LA COUPE : Au coup d'envoi de cette première édition, un grand absent : l'Afrique du Sud, troisième ténor de l'hémisphère sud manque à l'appel, boycotté en raison de l'apartheid par l'IRB bien malgré lui. Une mesure qui frappe depuis 1984 des Springboks indésirables au pays du long nuage blanc. Plutôt que d'avoir à subir l'humiliation d'un refus de visas pour ses joueurs, la fédération sud-africaine préfère décliner l'invitation. La première Coupe du monde de l'histoire a besoin d'un représentant du continent africain, ce sera le Zimbabwe, préféré à la Tunisie ou au Maroc car anglo-saxon.