Un an après son ouverture, les passeurs ont pris la main au camp de migrants de Grande-Synthe

© DENIS CHARLET / AFP
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Kévin Thuilliez, édité par A.H. , modifié à
Le camp d'accueil d'urgence des migrants de Grande-Synthe a été inauguré il y a un an. 1.500 migrants y vivent toujours, dans des conditions qui se sont dégradées.
L'ENQUÊTE DU 8H

Avec ses douches et ses logements chauffés, il était censé faire office de référence. Le camp de Grande-Synthe, dans le Nord, près de Dunkerque, a été créé il y a un an jour pour jour. Conçu et imaginé par Médecins Sans Frontières (qui a depuis quitté le projet), financé par l'Etat, la ville de Grande-Synthe et MSF à hauteur de 7 millions d'euros, il est le premier camp français à répondre aux normes internationales. Mais depuis un an, beaucoup de choses ont changé.

Des conditions de vie très dégradées. Ce camp d'urgence n'était, en aucun cas, prévu pour durer. Pourtant, 1.500 migrants s’entassent encore dans des sortes d’abris de jardin. L'hiver a fait des dégâts : le vent et l'humidité sont en train de faire pourrir le bois. Les champignons se développent et les enfants jouent au ballon dans la boue, entre les flaques d’eau et les nombreux déchets.

La loi des mafias violentes. Pourtant, ce n’est pas la vétusté qui gêne le plus les migrants, ce sont les passeurs - des mafias kurdes et afghanes - qui font la loi dans le camp, au moment de choisir ceux qui à leur coté tenteront de passer en Angleterre. "Ce sont quelques groupes très dangereux. Cet endroit n'est pas sûr pour les enfants, les familles. Des gens se font violer et il y a très souvent des bagarres", décrit un Irakien. Vendredi encore, cinq hommes ont été blessés par balle et ont reçu des coups de couteau lors d'une rixe à l’intérieur du camp.

La mairie de Grande-Synthe essaye pourtant de contrôler l’entrée du camp. Il y a quelques jours, elle a distribué des bracelets jaunes. Des vigiles, placés devant les grilles, vérifient les poignets avant de laisser entrer les migrants. Mais là aussi, les passeurs ont transformé ce système en business, et revendent ces bracelets entre 100 et 300 euros. Les migrants qui ne peuvent pas dépenser une telle somme n’ont que deux solutions : appeler le 115 et passer la nuit en accueil d’urgence, ou disparaître dans la nature. C’est la solution choisie par la plupart d’entre eux.

Quel avenir pour le camp ? Même s'il se dégrade, le camp de Grande-Synthe reste une référence en France pour l’accès aux douches, pour son école, ses cabanons… Pendant que les migrants sont dans ce camp, ils ne sont pas dans la nature et ne prennent pas tous les risques pour passer en Angleterre, comme c’est le cas à Calais. Le gouvernement a d'ailleurs donné son accord pour reconduire ce camp jusqu'au mois de septembre. Or, pour l'heure, rien n'est signé, car la mairie de Grande Synthe souhaite à tout prix changer le logement des migrants pour "quelque chose de plus qualitatif, de plus sûr, qui ne va pas fixer les gens", explique le directeur de cabinet, Olivier Caremelle. Selon les informations d'Europe 1, cette opération pourrait coûter entre 4 et 8 millions d’euros.

Les négociations continuent pour prolonger le camp après le mois de septembre. Le maire de Grande Synthe doit bientôt rencontrer le Premier Ministre Bernard Cazeneuve. Objectif : mieux contrôler le camp, en diminuant sa capacité de 1.300 places à un peu plus de 700.