"L'agneau-méduse", du labo à nos assiettes

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DERAPAGE - L’Inra a envoyé par erreur un animal génétiquement modifié à l’abattoir, alors que les procédures sont faites pour éviter cela.

L’information est désormais avérée. "Une agnelle née d'une brebis génétiquement modifiée dans le cadre d'un programme de recherche médicale a été vendue à un particulier francilien en octobre 2014", a annoncé mardi matin l'Institut national de recherche agronomique (Inra), confirmant une information du Parisien. L’organisme public a dans la foulée saisie la justice, tout en insistant sur le fait que "la consommation de cette viande ne présente aucun risque pour la santé du consommateur". Il n’en demeure pas moins qu’un tel animal n’aurait jamais dû se retrouver dans la chaine alimentaire.

COMMENT LES CHOSES DOIVENT SE PASSER

Sécurité et traçabilité sont censées être les valeurs cardinale dans un institut de recherche, encore plus lorsqu’i l s’agit de recherches sur les OGM. Ces règles de sécurité sont régies par le Code de l’Environnement et s’articulent autour de deux axes : confinement et traçabilité. Bien que l’Inra ne nous ait pas encore précisé ses procédures  de sécurité en la matière, elles doivent être conformes au Code de l’Environnement, et donc similaires aux règles de confinement pour les animaux transgéniques édictées par un autre organisme public, le CNRS.

Un espace à part et clôturé. Les règles du CNRS prévoient que les animaux impliqués dans la transgenèse doivent être élevés à l’écart des autres animaux dans un espace clos dont l’accès est contrôlé. Ces derniers "doivent être élevés à l'écart des autres animaux de la même espèce pour empêcher tout croisement incontrôlé. Pour la même raison, ces animaux ne doivent pas pouvoir circuler librement. Le local doit être pourvu d'un dispositif d'accès contrôlé", précise le CNRS. Leur transport doit également se faire dans des conditions de confinement similaires. 

Et une identification spécifique. "Toutes les cages ou structures de confinement doivent être numérotées et répertoriées. La mention "organisme génétiquement modifié" doit être notée sur les cages. Tous les animaux transgéniques doivent être facilement identifiables et leur historique doit pouvoir être retrouvé", précise le CNRS. Si les mammifères domestiques – dont font partie les agneaux- peuvent bénéficier d’un régime spécial, ils doivent néanmoins être identifiés individuellement avec la mention "organisme génétiquement modifié".

COMMENT LES CHOSES SE SERAIENT DÉROULÉES

Un animal placé dans le mauvais enclos. Si ces règles avaient été respectées, l’agnelle génétiquement modifiée n’aurait jamais dû se retrouver à l’abattoir. Sauf que l’Inra, au termes d’une enquête interne, a désormais "la certitude que des actes individuels inadmissibles ont été commis", "une succession d'erreurs et de responsabilités dans toute la chaîne hiérarchique". En l’occurrence, l’agnelle OGM n’aurait jamais dû se retrouver dans le même enclos que les animaux destinés à l’abattoir. Une faute attribuée au technicien animalier, mais qu’aurait dû détecter son supérieur lorsqu’il a signé le bon de sortie des animaux. Encore fallait-il que l’animal soit badgé avec la mention OGM, ce qui reste à vérifier.

Et des soupçons de malveillance. Mais même si ces règles avaient été respectées, ce fiasco de la traçabilité aurait quand pu se produire : l’enquête pointe en effet la responsabilité d’un technicien animalier qui aurait déplacé l’agnelle dans le mauvais enclos sans en avertir son supérieur. Et ce dernier, apprenant cet incident, aurait mis plusieurs mois avant de révéler à sa hiérarchie cet accident. "Les fins, le mobile, nous ne les connaissons pas précisément", mais "l'ambiance qui régnait au sein de cette équipe peut être à l'origine de ces comportements", a déclaré le président du centre Inra de Jouy-en-Josas.

Des dysfonctionnements humains sont donc aussi à l’origine de cette affaire, mais l’Inra estime qu’ils auraient pu être évités si les règles d’identification avaient été plus strictes encore. L’organisme a donc annoncé la mise en place d’un plan d'action au niveau national pour "renforcer les contrôles", et en particulier permettre "une identification beaucoup plus explicite des animaux qui font l'objet de manipulation génétique".