"Les débats ne pourront plus être sereins" : la défense demande le renvoi du procès Tron

La défense estime que la "sérénité des débats" n'était plus assurée devant les assises de Seine-Saint-Denis.
La défense estime que la "sérénité des débats" n'était plus assurée devant les assises de Seine-Saint-Denis. © AFP
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Après la diffusion d’un documentaire jugé partial en plein procès, les avocats de l’ancien secrétaire d’Etat et de sa co-accusée ont expliqué que les débats ne pouvaient, selon eux, plus se poursuivre, vendredi.

La reprise de l’audience est prévue pour 9 heures, au procès de Georges Tron et son ancienne adjointe, Brigitte Gruel. Mais les portes de la Cour d’assises ne s’ouvrent que vingt minutes plus tard, dans un climat pesant. Seuls le public et la presse s’installent, en l’absence de la cour, mais aussi des avocats des deux parties. "C’est à cause d’Envoyé spécial", murmure-t-on dans la salle. La veille, en effet, un reportage d’une vingtaine de minutes consacré à l’affaire a été diffusé en plein procès. On y entendait Virginie Ettel, l’une des plaignantes, mais aussi Lucile M., une ancienne collaboratrice du maire qui dit avoir subi le même type de faits, et Me Ollivier, avocat des parties civiles. Aucun représentant du camp d’en face.

"25 minutes exclusivement à charge". Il est 9h30 passées lorsque la sonnerie de la cour d’assises retentit finalement. Le président entre et ne prend la parole que pour annoncer la reprise de l’audience. Il la passe à Antoine Vey, avocat  de Georges Tron. "Nous avons une difficulté d’ordre juridique et peut-être d’ordre humain", commence-t-il, le ton grave, dénonçant avant tout "les attaques contre le président dans la presse et dans les tweets" lors de la journée de jeudi. "Le fait qu’un président d’assises soit mis en cause, dans des termes particulièrement violents, nous fait penser que Monsieur le président ne va pas oser poser toutes les questions." Le principal intéressé, Régis de Jorna, ne bronche pas. La veille, il a longuement interrogé Virginie Ettel, en des termes parfois maladroits.

"On est arrivés à un point particulièrement regrettable", poursuit Antoine Vey, en arrivant au fameux reportage d'Envoyé spécial. "Le soir d’une déposition des plaignantes, diffuser ce type de reportage, nous place dans une position impossible. On doit entendre Lucile M. cet après-midi. Elle a déjà déposé dans Envoyé spécial. A quoi ça sert qu’elle vienne là ? Nous estimons qu’à l’heure actuelle, les débats ne pourront plus être suffisamment sereins. Nous allons être contraints de demander le renvoi du procès." Frank Natali, conseil de Brigitte Gruel, abonde : "La justice est sous pression et c’est inadmissible… 25 minutes d’émission exclusivement à charge, en 40 ans de barreau, je n’ai jamais vu ça."

" La vérité c'est que Georges Tron n'a pas envie d'être jugé, ni aujourd'hui, ni jamais "

Le seul avocat "historique" du dossier cite l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui garantit le droit pour tout accusé à un procès équitable. "Je crois à l’innocence de Brigitte Gruel, ça fait des mois qu’on travaille sur ce dossier. Elle a soif de justice, mais pas une justice de vengeance, pas une justice d’opinion publique", assure-t-il.

"Tarte à la crème". La cour retient son souffle. Me Alexandre-M. Braun, avocat des parties civiles, "s’oppose avec force" à la demande de renvoi. "La vérité c’est que Georges Tron n’a pas envie d’être jugé, ni aujourd’hui, ni jamais. Le rôle de la cour d’assises c’est de résister à ces pressions", assène-t-il. "Madame Loubrieu (la plaignante qui a déposé la veille, ndlr), ça fait des années qu’elle attend d’exprimer ça devant la cour d’assises. Si vous deviez décider de renvoyer aujourd’hui, les mêmes causes auraient les mêmes conséquences." Il n’en démord pas : "Nous avons une difficulté de calendrier et mon sentiment, c’est que la défense essaye de gagner du temps."

L’avocat général, Frédéric Bernardo, entre en scène et balaye l’argument Envoyé spécial : "Il y a trois témoins dans ce reportage, notre procès a pour ambition d’en entendre une cinquantaine. L’opinion de la cour d’assises ne repose pas sur ce magazine." Aussi pertinent que discret depuis le début de l’audience, le magistrat descend de son estrade, se place face aux jurés et poursuit. "Il faudrait que vous soyez tous en garde à vue, avec interdiction de communiquer avec vos proches ? Il ne faut pas vous faire prendre au piège. C’est une tarte à la crème."

Décision à 14 heures. Dans la salle d’audience stupéfaite, ses mots résonnent. "On brandit comme une arme l’article 6 de la CEDH. Mais un procès inéquitable, c’est interdire à Monsieur Tron de parler. On est en train d’opposer deux libertés qui coexistent parfaitement. Alors que non, il ne s’agit pas du tout d’un problème de sérénité des débats." Derrière lui, le principal accusé marmonne. Il se retourne : "Mais même vous, Monsieur Tron ! Si vous devez être acquitté, autant l’être tout de suite !"

Pour la deuxième fois de la matinée, Régis de Jorna prend la parole, dans une ambiance irrespirable. "La cour va se retirer pour statuer" sur la demande de renvoi. Décision attendue à 14 heures. 

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