Pourquoi fête-t-on l'arrivée du Beaujolais nouveau ?

Beaujolais nouveau, Lyon 2016 crédit : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP - 1280
Les Lyonnais n'ont pas attendu que le jour se lève pour boire leur premier verre de Beaujolais nouveau. © JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
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Marthe Ronteix , modifié à
Comme tous les troisièmes jeudis de novembre, le Beaujolais nouveau est à l'honneur. Mais pourquoi fête-t-on uniquement ce vin à peine macéré ?

"Le Beaujolais nouveau est arrivé !". Ce slogan va résonner toute la journée de jeudi dans les caves et les bistros. Mais pourquoi est-il le seul vin à bénéficier d'une fête annuelle ?

Un vin disponible sur une durée limitée. S'il bénéficie d'un tel engouement, c'est d'abord que le Beaujolais nouveau qui sera bu à partir de jeudi n'est disponible que sur une durée limitée. Il est en général consommé dans les quinze jours qui suivent l'ouverture de la première bouteille. Le Beaujolais nouveau est en effet un vin primeur. Dans le langage viticole, cela signifie qu'il est issu des grappes récoltées dans l’année et qu'il est fait pour être consommé rapidement.

Une date officielle qui crée l’attente. Le Beaujolais produit (et bu !) en novembre n'a pas toujours suscité un grand enthousiasme. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la région du Beaujolais est sinistrée et ne parvient plus à vendre son vin, qui n'est plus au goût des consommateurs. Le négociant Georges Duboeuf va alors créer de toute pièce une tradition autour du vin primeur. "Il parit sur un modèle économique qui repose sur de grandes quantités de vin, des bouteilles à des prix bas et qui sont disponibles à un moment de creux", raconte à Europe1.fr Fabrizio Bucella, sommelier, spécialiste du vin.

L'administration française facilite la tâche de Georges Duboeuf en créant l’appellation "Beaujolais nouveau" en 1951. À partir de ce moment, seuls ces vins peu macérés peuvent être commercialisés avant le 15 décembre. La date exacte de mise en vente est alors variable, en fonction des vinifications, mais dès 1967, elle est fixée au 15 novembre pour que les viticulteurs puissent harmoniser leurs ventes. Ce n’est qu’en 1985 que la date du troisième jeudi de novembre est fixée.

L'instauration de cet événement annuel permet aux revendeurs de faire une large campagne marketing autour de ce premier débouchage et de créer l’attente auprès des consommateurs. Officiellement, les premières bouteilles peuvent être ouvertes seulement à partir de minuit jeudi (dans la nuit du mercredi au jeudi). C’est pourquoi, avec le décalage horaire, les Japonais, très friands de vins français, sont les premiers à boire le Beaujolais nouveau.

beaujolais nouveau, Japon crédit : TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

Une fête locale qui a su s’exporter. Car contrairement aux autres vins primeurs dont la consommation est restée très locale, le Beaujolais nouveau a su s'exporter et séduire à l'autre bout du monde. Chaque année, la moitié de la production part ainsi en Asie. Le reste est bu en France et chez ses voisins européens ainsi qu'aux États-Unis. "C'est un vin un peu passe-partout qui a peu de complexité et un tanin très peu présent. Donc on le boit facilement dans des pays qui n'ont pas forcément de tradition vinicole", analyse Fabrizio Bucella. "Il a aussi bénéficié de 'l'effet Coca-Cola', même si c'est moins le cas aujourd'hui, c'est-à-dire que, d'une année sur l'autre, le vin avait le même goût."

Mais plus encore que le goût, ce qui séduit les étrangers dans le Beaujolais nouveau, c'est la "french tradition". "Cette fête est une image de la France joviale et heureuse. C’est sans doute pour cela que [les pays étrangers] nous l’ont empruntée", reconnaît Jean-Michel Deluc, maître-sommelier et cofondateur de la box Le Petit Ballon. "L’arrivée du Beaujolais nouveau a toujours été une fête. C’est une bonne occasion de se réunir et de se retrouver autour du vin." 

Un vin plus festif que les autres. Les amateurs vivent cette arrivée du Beaujolais nouveau avant les fêtes de fin d'année, comme… un renouveau. "On célèbre la naissance du nouveau vin de l’année, comme si on fêtait l’arrivée du printemps", raconte encore Jean-Michel Deluc, un peu à la manière du Nouvel an. Car le Beaujolais nouveau est un vin convivial par essence. "C'est un vin léger qui se boit facilement à tous les moments de la journée. Par exemple, pendant le 'machon', le casse-croûte du matin comme on l’appelle dans le Beaujolais. C’est ce qu’on appelle un vin de soif, un vin d’amitié" et qui accompagne donc parfaitement les moments de convivialité.

Pourquoi lui et pas les autres ? Contrairement au Beaujolais nouveau qui a une image de "bonne franquette", les autres vins, qu'ils soient "primeurs" ou issus de procédés de vinification classiques, ne s'appuient pas sur les mêmes valeurs. Les vins plus prestigieux et gastronomiques, comme le Pomerol ou le Saint-Émilion, cherchent à être plus qualitatifs sans chercher à proposer une bouteille à un prix particulièrement bas. Au moment de la crise des années 1950-60, "ils ont fait le choix de la qualité", explique ainsi le sommelier Fabrizio Bucella. Les célébrations qui en découlent sont donc forcément différentes. Elles se font plutôt à l’occasion de la fête des vendanges ou localement dans les régions viticoles, mais ce n’est pas un événement commercial comme peut l'être l'arrivée du Beaujolais nouveau.

Un slogan incontournable. La formule "Le Beaujolais nouveau est arrivé" a été définitivement adoptée en 1975 grâce au succès du livre de René Fallet qui porte ce titre et qui reprenait ce qu’écrivaient les cafetiers sur leurs ardoises pour inviter les clients à goûter ce jeune vin. Cette phrase a même été le titre d'un film en 1978 dont l'intrigue repose sur les multiples péripéties d'un personnage qui doit apporter à Paris des bouteilles du fameux vin.

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