Maltraitance dans les abattoirs : "le premier procès d'une longue série"

Fermé après la publication de la vidéo de L214, l'abattoir du Vigan a depuis partiellement rouvert.
Fermé après la publication de la vidéo de L214, l'abattoir du Vigan a depuis partiellement rouvert. © AFP
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Trois employés d'un abattoir dont les pratiques avaient été dénoncées par l'association L214, comparaissent à partir de jeudi pour maltraitance sur animaux. Une première française.

"Quoi qu'il arrive, cette décision de la justice donnera le 'la'", estime Brigitte Gothière, co-fondatrice de l'association L214. Depuis "une quinzaine de mois", l'enseignante végan et son compagnon, Sébastien Arsac, dénoncent les mauvais traitements infligés aux animaux dans les abattoirs via des vidéos "choc", mises en ligne et abondamment partagées sur internet. Pour la première fois, l'une d'entre elles débouche sur une action inédite en justice : trois employés de l'abattoir certifié "bio" du Vigan, dans le Gard, comparaissent pour maltraitance jeudi et vendredi, à Alès.

"Des pratiques inacceptables". La diffusion des images de cet abattoir intercommunal, tournées en caméra cachée, remontent au mois de février 2016. Pendant 4 minutes 30, elles montrent des animaux mal étourdis, égorgés ou recevant des coups répétés à la matraque électrique. "Pourtant, sur le papier, c'est l'abattoir rêvé : bio, local, avec de faibles cadences, travaillant en circuit court… Ça n'empêche aucunement les pratiques inacceptables", dénonce Brigitte Gothière, interrogée par Europe1.fr. Situé dans une zone artisanale de la commune de 4.000 habitants, l'établissement traite environ 300 tonnes de viande par an. Fermé "à titre conservatoire" après la publication de la vidéo, il a depuis partiellement rouvert.

Plus de deux ans après les faits, filmés entre mai 2015 et février 2016, l'un des employés du site comparaît pour avoir exercé des "sévices graves et actes de cruauté envers un animal tenu en captivité", un délit passible de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Il lui est notamment reproché d'avoir utilisé, sans nécessité et à plusieurs reprises, une pince à électronarcose - destinée à assommer les animaux avec de l'électricité - sur le museau de brebis. Il aurait aussi violemment jeté des moutons par dessus une barrière.

Ses deux collègues sont, eux, soupçonnés d'avoir adressé des coups de pied et de poing à des bovins, ainsi que des coups d'aiguillon électrique sur la tête d'un porc. Ils seront jugés pour avoir "exercé volontairement des mauvais traitements" sur des animaux captifs. En tant que personne morale, la communauté de commune du Pays viganais, responsable de l'abattoir au moment des faits, devra de son côté répondre de plusieurs infractions à la réglementation sur l'abattage des bêtes.

"De vraies condamnations, dissuasives". "Sur le banc des prévenus, il manque les services vétérinaires, en charge du contrôle de la manière dont sont tués les animaux", regrette Brigitte Gothière. Mais la militante, dont l'association a publié huit vidéos "choc" au total, attend beaucoup de ce procès. "C'est le premier d'une longue série. On attend notamment celui de l'abattoir municipal d'Alès, dont le dossier est instruit par le même procureur."  Également situé dans le Gard, l'établissement a été le premier dont L214 a dénoncé les dérives, en octobre 2015. "Mais il y a une trentaine de salariés à interroger, ça prend plus de temps."

De ce procès, l'association et les nombreuses autres à s'être portées parties civiles  attendent un "signal fort". "Soit la justice dira que l'on peut faire tout et n'importe quoi dans les abattoirs, soit elle dira que de vraies condamnations, dissuasives, peuvent être prononcées lorsqu'il y a des dérives", estime Brigitte Gothière. Dans les faits, à l'exception du délit de sévices graves, les infractions dont sont soupçonnés les employés de l'abattoir du Vigan relèvent de contraventions de 4ème classe, punies d'une amende maximale de 750 euros.