Loi Travail : les locaux du PS, cibles privilégiées des manifestants

Le local PS du Havre, après des dégradations, le 12 mai
Le local PS du Havre, après des dégradations, le 12 mai © VANESSA LEROY / AFP
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M.L. , modifié à
Depuis le début de la mobilisation contre la loi Travail, une trentaine de permanences du parti ont été dégradées, voire saccagées.

Une douzaine d'impacts sur le volet mécanique, des vitres brisées. Dans la nuit de dimanche à lundi, le siège de la fédération PS de l'Isère, à Grenoble, a été la cible de tirs d'armes de calibre 9mm. Certains tirs ont traversé la devanture, atteignant l'intérieur du local. "Il y aurait pu y avoir des blessés" si les locaux n'avaient pas été vides, a relevé Christophe Bouvier, premier secrétaire fédéral du parti, interrogé par France 3. "Mais puisqu'il n'y a pas de revendication, ni d'éléments qui permettent de relier les choses, je ne veux pas forcément voir de lien avec la mobilisation contre la loi Travail."

Plusieurs dégradations en quelques semaines. L'incident a pourtant des précédents. Permanence parlementaire murée à Toulouse, tags à Strasbourg et en Mayenne... D'après la rue de Solférino, depuis le début des manifestations contre le projet de loi El Khomri, plus d'une trentaine de locaux du PS ou de permanences d'élus socialistes ont été pris pour cibles, subissant diverses dégradations. Un tumblr baptisé "PS Déco" a même été créé pour recenser, sur le ton de l'humour, les photos les plus impressionnantes dans les différentes villes. Le siège de l'Isère avait déjà été pris pour cible : il a été "depuis cinq à six semaines, l'objet de tags et de jets de projectiles", reconnaît Christophe Bouvier.

"Traîtres", "49-3 = honte", "parti national socialiste", "tout le monde déteste le PS"... Il s'agit le plus souvent de tags, que les responsables des locaux se chargent de nettoyer. Dans d'autres cas, les permanences sont plus dégradées. Le 12 mai, au Havre, des manifestants se sont introduits dans celle de la députée PS Catherine Troallic, forçant la porte avec des barrières. Les meubles ont été renversés et les vitres brisées. Vendredi, c'est le siège du PS à Lille qui a été pris pour cible par une cinquantaine manifestants. Des sources policières avancent le chiffre d'une douzaine de permanences attaquées.  

La situation n'est pas inédite : en décembre 2012, en pleine Manif pour Tous et au début de l'opposition à la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, le PS avait déposé une plainte nationale après des dégradations visant "une dizaine de fédérations". "C'est inacceptable. Pas touche au PS !", avait alors déclaré David Assouline, porte-parole du parti.

"Faudra-t-il qu'il y ait un mort ?" Mais pour beaucoup de responsables socialistes, les tirs visant la permanence de l'Isère sont l'attaque de trop. Ils marquent le franchissement "d'un nouveau seuil" pour Jean-Christophe Cambadélis. Dénonçant du "vandalisme", le premier secrétaire du PS voit dans cette succession d’événements une "dérive funeste inconnue depuis les années 30". "Qu'on vienne mettre à sac des locaux de fédération, qu'on vienne maintenant tirer à balles...Faudra-t-il qu'il y ait un mort pour qu'on se dise que c'est trop ?", s'interroge-t-il, invitant les autres formations politiques à condamner ces actions. De son côté, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a dénoncé "une atteinte insupportable à la vie démocratique dans notre pays".

"On est aussi les représentants de ce gouvernement et on l'assume", affirmait lundi Thibaud Pikorki, responsable de la permanence de l'Isère, interrogé par Libération. "On a pignon sur rue, la porte est ouverte, ça donne lieu à des choses parfois improbables." Mais cette mission de représentation devient compliquée : d'après Le Figaro, depuis le recours au 49-3 pour faire adopter la loi Travail, deux permanences PS en moyenne sont visées par les manifestants chaque jour.