Hélène ne partage rien avec son frère : "Je me demande s'il n'y a pas un peu de misogynie"

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Grégoire Duhourcau
Hélène et son frère aîné, qui a cinq ans de plus qu'elle, ne partagent rien malgré tous les efforts de leurs parents. Elle témoigne dans l'émission d'Olivier Delacroix sur Europe 1.
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Hélène a 29 ans et ne partage rien avec son frère, de cinq ans son aîné. Au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1, elle explique que c'est "frustrant" que son grand frère n'admette pas "qu'il puisse y avoir un problème dans le fait de ne pas forcément 'aimer' sa sœur ou sa famille".

"Aujourd'hui, pas de relation exceptionnelle, on va dire. On se fréquente parce qu'on habite dans la même ville et parce que lui, habite encore chez mes parents et que mes parents l'incluent énormément de par leur travail et de par leur rythme de vie. Ils travaillent ensemble et mes parents sont assez présents dans ma vie au quotidien. Dès que j'ai besoin d'eux comme on peut avoir besoin d'un papa pour le bricolage par exemple, mon frère est systématiquement présent mais pas parce qu'il aurait envie de me rendre service. Si nous n'avions pas nos parents actuellement, je ne pense pas que l'on se fréquenterait.

Dès l'enfance, on était déjà très différents et c'est vrai que quand je parle de notre relation, j'introduis toujours en disant que quand on me voit moi, aussi bien physiquement que par ma personnalité, et lui, il faut penser que nous sommes strictement opposés, aussi bien physiquement que le reste. A l'enfance, on ne se parlait pas beaucoup, il m'ignorait. Moi, j'ai beaucoup essayé de le solliciter. Je n'ai pas du tout joué à la poupée Barbie, je me suis intéressée à jouer aux petites voitures et aux Lego. C'était une façon d'attirer son attention puis ça n'a pas forcément pris non plus à ce moment-là. Même, c'était souvent ponctué de bagarres. C'était du dédain, du mépris. Je ne l'intéressais pas.

 

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On se dit que son frère ne nous aime pas ?

[On se dit : 'Mon frère ne m'aime pas' ?] Oui, on pense ça. Après on répète un peu ce que disent les parents, à savoir : 'C'est un garçon, c'est une fille, ils ont cinq ans d'écart, avec le temps les choses vont s'arranger. C'est normal que vous n'ayez pas les mêmes centres d'intérêt.' A la rigueur, ça peut s'excuser et s'expliquer. Mais ça n'en reste pas moins douloureux au quotidien de se faire rejeter. Après, je ne l'exprimais pas forcément mais tout le monde savait que l'on n'était pas proches. Il n'y avait pas du tout ce sentiment de protection qu'un grand frère peut avoir. A l'école, il m'ignorait, il faisait comme si je n'existais pas.

[Dans sa personnalité, il était] introverti, un peu orgueilleux et même aujourd'hui, je me demande s'il n'y a pas un peu de misogynie finalement. J'en suis même arrivée là. Avec moi, il a cette attitude très particulière, aussi un peu avec ma mère. Je sais qu'en dehors, il a des amis, mais les relations avec les femmes sont un peu complexes. Mais oui, il est très timide, très introverti, très discret et il a un peu d'orgueil pour ne pas prendre conscience et ne pas admettre qu'il puisse y avoir un problème dans le fait de ne pas forcément 'aimer' sa sœur ou sa famille. Ça, c'est un peu frustrant.

Quand les parents s'en mêlent

[Les parents ont essayé de créer une relation entre nous.] C'était à la fois subtil et à la fois, pas tant que ça. Dans le cadre de nos études respectives, nous sommes allés vivre à Paris. Nous nous sommes retrouvés pendant cinq ans, au même moment, à trois rues d'écart. Lorsque je cherchais un appartement, c'est lui qui avait fait les visites pour moi mais seulement parce que mes parents l'obligeaient à le faire. Ils voulaient que l'on soit dans un périmètre géographique proche. Très subtilement, mes parents ont décidé de n'acheter, par exemple, qu'une seule machine à laver pour nous obliger à ne laver notre linge que chez l'un ou chez l'autre. Ou encore, à avoir la trousse de bricolage chez mon frère pour que lorsque j'ai un petit pépin, je m'adresse à lui et non pas à quelqu'un d'autre.

On était obligé de le faire mais pour autant, ça n'a absolument pas renforcé nos liens. Quand on se voyait, chacun se positionnait dans la pièce de manière la plus éloignée possible [de l'autre]. C'est vrai que l'on ne partageait rien de plus. Encore aujourd'hui, maintenant qu'on est tous les deux revenus sur Bordeaux, je dis à ma mère que je veux faire une activité et elle m'appelle en me disant : 'Tiens, ton frère veut venir avec toi.' Et puis elle dit la même chose à mon frère donc on s'appelle et je lui dis : 'Tu veux venir avec moi ?' Et lui me dit : 'Non, c'est toi qui veut venir avec moi.'

J'ai l'impression que lui était plutôt du côté de mon père et moi, du côté de ma mère, les 'chouchous' respectifs. Après, j'imagine mais ça n'a pas été dit, que l'arrivée d'un petit dernier, ça prend la place du premier donc c'est peut-être un sentiment de jalousie mais, encore une fois, qui n'est pas exprimé clairement. C'est vraiment plus dans l'attitude. Ce ne sont pas des choses explicites mais j'imagine qu'il y a un fond de jalousie de sa part, peut-être à l'arrivée d'une petite sœur qui prenait un peu plus de place de par ma personnalité, qui était beaucoup plus extravertie. Encore une fois, comme c'est un petit peu tabou, je suis sûre que si vous en parlez, il ne l'admettrait jamais.

Les parents "ont un peu lâché l'affaire

Je crois que [mes parents] ont un peu baissé les bras. Ils se disent qu'on est différent et que malheureusement, ce n'est pas parce qu'on a ce lien de fraternité que l'on est obligé, d'une certaine manière, de s'aimer. Par contre, ma mère est très sensible donc elle dit : 'Un frère, tu n'en as qu'un donc tu ne peux pas te fâcher avec lui. Ce n'est pas parce que vous ne vous entendez pas que ça doit être la guerre. On ne vous oblige pas non plus à passer tout votre temps ensemble mais si demain il nous arrivait quelque chose, on voudrait que vous soyez soudés.' Ça, ils y tiennent. Là-dessus, je pense que nous sommes assez raisonnables et l'un et l'autre pour avoir conscience de ça. Là-dessus, je sais que ça fonctionnerait mais mes parents, aujourd'hui, ils ont un peu lâché l'affaire."