Glyphosate : il y a des alternatives, mais...

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Le labour au tracteur est une alternative au glyphosate. © MEHDI FEDOUACH / AFP
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Après le refus de l'UE de voter sur le sujet, le sort du glyphosate, une molécule présente dans plusieurs pesticides, est toujours en balance. Contrairement aux idées reçues, des alternatives partielles existent. 

Alors que l’Union européenne devait se prononcer mercredi sur l’utilisation du glyphosate, une molécule incluse dans la plupart des pesticides, il faudra attendre pour avoir une décision claire. Les représentants des États membres ont en effet décidé de reporter le vote "sous peu". Mardi, le Parlement et la Commission avaient pourtant rendu leurs avis, proposant respectivement la disparition du glyphosate d’ici 2022 et un renouvellement de la licence pour cinq à sept ans. Le fait que l’UE ait refusé de statuer dans l’immédiat est une preuve supplémentaire de la sensibilité de ce dossier.

Les opposants au glyphosate évoquent la dangerosité de la molécule, s'appuyant sur des études la classant comme une substance cancérogène "probable chez l'homme". Mais l'OMS et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ne sont pas de cet avis. Pour ses défenseurs, le glyphosate doit être utilisé car il est essentiel "pour répondre au double défi climatique et alimentaire", comme l'explique Éric Thirouin, secrétaire général adjoint du syndicat agricole FNSEA, interrogé sur Europe 1. Surtout, le glyphosate s'est rendu indispensable puisqu'il est aujourd'hui utilisé en France sur 38% des surfaces cultivées en blé et colza, 26% de celles cultivées en orge et 25% de celles cultivées en tournesol. Pourtant, des solutions alternatives, respectueuses de l’environnement existent.

  • Le labour

L’alternative la plus commune au glyphosate est mécanique. Au lieu d’asperger les sols de pesticides, les agriculteurs peuvent revenir à la technique du labour qui consiste à retourner la terre au tracteur pour arracher les mauvaises herbes. Les industriels qui défendent l’utilisation du glyphosate affirment que le labour présente trop de désavantages en termes d’utilisation de carburant, de gaz à effet de serre et d’érosion des sols.

Des arguments réfutables. Certes, utiliser son tracteur implique une consommation accrue d’essence et donc une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Mais la production industrielle des pesticides chimiques est autant voire plus gourmande en pétrole et rejette de grandes quantités de gaz polluants. Quant à l’érosion des sols, tout dépend du type de labour. La herse étrille, une grille de pics, permet, par exemple, d’arracher les mauvaises herbes à quelques centimètres de profondeur seulement. Une technique applicable au milieu des cultures et qui n’érode pas les sols.

  • Le biocontrôle

Ce n’est pas l’alternative la plus connue, mais elle fait ses preuves, principalement dans la viticulture et la culture sous serre (tomates, fraises, concombres). Le biocontrôle recouvre un ensemble de mécanismes naturels de protection des végétaux : implantation de "bons" insectes qui mangent les parasites ou les mauvaises herbes, application de bactéries et champignons qui combattent les maladies, utilisation de molécules chimiques ou d’huiles essentielles pour éloigner les insectes nuisibles, stimulation des défenses naturelles…

Ces techniques, relativement nouvelles, s’utilisent souvent en complément d’autres traitements, que ce soit des pesticides chimiques ou des herbicides naturels comme le cuivre, le soufre, l’acide citrique. Deux bémols freinent encore le développement du biocontrôle : le coût élevé des techniques et les incertitudes en termes de rendement. Résultat, les produits naturels ne représentent que 5% des ventes de produits de protection des plantes en France.

  • Travailler en harmonie avec la nature

Depuis 2010, le réseau Dephy, un ensemble de 3.000 exploitants engagés dans la réduction progressive des pesticides, s’efforce de démontrer que le glyphosate n’est pas indispensable. En sept ans d’expérimentation, il assure avoir réussi à réduire l’utilisation du glyphosate de 12% par an en moyenne, sans perte de rendements. La méthode : ne pas proscrire le pesticide dans les moments où l’on en a le plus besoin mais le remplacer dès qu’on peut par des méthodes alternatives plus respectueuses des cycles naturels. Les exploitants privilégient ainsi le travail du sol et des composants (insectes, bactéries), l’alternance du labour et du "non-labour", la rotation des cultures (la monoculture épuise les sols)…

Parmi les techniques existantes, Libération relève l’existence du "semis direct sous couvert". Il s’agit d’"implanter une culture directement dans un couvert végétal, qui étouffe les herbes indésirables, assouplit la terre et peut être détruit juste avant le semis par le gel ou par un rouleau écraseur, ce qui évite l’emploi d’herbicides". Cette méthode, comme l’ensemble des techniques dites biologiques, est plus complexe que l’épandage de pesticides. Elle nécessite un apprentissage et une formation de la main d’œuvre qui peut rebuter. Il y a donc tout un travail de sensibilisation à mener auprès des agriculteurs.

 

Les exemples de Malte et du Sri Lanka

A l'heure actuelle, deux pays ont interdit l'utilisation et la vente du glyphosate sur leur territoire. Le premier est le Sri Lanka, qui a interdit la molécule en 2015, par décret présidentiel. L'objectif était d'enrayer la croissance exponentielle des maladies chroniques rénales engendrant plusieurs milliers de décès par an. Une décision que les producteurs de thé n'acceptent pas toujours. Début octobre, Rohan Pethiyagoda, président de l'autorité régulatrice de l'industrie du thé au Sri Lanka, a expliqué qu'en remplacement du glyphosate, les fermiers utilisent maintenant des méthodes non autorisées, notamment de puissants herbicides chimiques. Il regrette aussi que l'État n'ait pas suffisamment financé la recherche pour les méthodes alternatives.

Plus récemment, en 2016, Malte est devenu le premier pays européen à bannir le glyphosate. Une décision moins gênante pour les agriculteurs locaux puisque les exploitations maltaises sont très petites : à peine un hectare en moyenne, contre 53 en France. Les fermiers ont donc adopté des méthodes alternatives, naturelles et chimiques. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur leur efficacité.