Émeutes : l'IGPN saisie de 10 enquêtes sur les agissements des forces de l'ordre

Police - France
L'IGPN, la police des polices, et son pendant pour la gendarmerie, l'IGGN, ont été saisies de 10 enquêtes depuis le début des violences. © CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
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Europe 1 avec AFP // CLEMENT MAHOUDEAU / AFP , modifié à
Ce mercredi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé que l'IGPN et l'IGGN ont été saisies de 10 enquêtes depuis le début des violences. Par ailleurs, la circulation des bus et tramways "pourra reprendre normalement partout en France" mercredi soir, a indiqué le ministre délégué aux Transports Clément Beaune sur Twitter.

L'IGPN, la police des polices, et son pendant pour la gendarmerie, l'IGGN, ont été saisies de 10 enquêtes depuis le début des violences qui ont suivi la mort de Nahel, tué par la police dans un contrôle routier, a déclaré mercredi Gérald Darmanin. "Il n'y a que 10 saisies de l'IGPN ou l'IGGN", a déclaré sans plus de détail le ministre de l'Intérieur, auditionné par la commission des Lois du Sénat. Deux de ces enquêtes sont connues: l'une est menée par l'inspection générale de la police nationale (IGPN) après la grave blessure à la tête dont a été victime un jeune homme, actuellement dans le Coma, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) où intervenait le Raid le 30 juin.

L'autre, menée par l'IGPN et la police judiciaire, concerne la mort d'un homme de 27 ans dans la nuit de samedi à dimanche à Marseille, possiblement victime d'un tir de projectile de "type flash-ball", selon le parquet. Depuis le début des violences le 27 juin, il y a eu 3.505 arrestations, dont 1.373 à Paris et en proche banlieue, a détaillé Gérald Darmanin. Le plus jeune interpellé a "11 ans" et le plus âgé "59 ans", a-t-il précisé. Au total, 23.878 feux de voie publique ont été recensés, a ajouté le ministre. Il y a eu 12.031 véhicules incendiés, 2.508 bâtiments incendiés ou dégradés dont 273 qui "appartiennent aux forces de l'ordre". 105 mairies ont été "incendiées ou dégradées" et 168 écoles "ont fait l'objet d'attaques". "17 atteintes aux élus" ont été comptabilisées, dont celle contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne).

Les principales informations à retenir : 

  • Les bus et le trains circuleront "normalement" ce mercredi soir
  • Le père de Nahel sort de son silence et annonce se constituer partie civile
  • Le gouvernement plaide pour des restrictions ponctuelles sur les réseaux sociaux en cas d'émeutes
  • Une circulaire pour reconstruire ce qui a été détruit "sans délai", annonce Véran
  • L'homme possiblement victime d'un tir de flash-ball à Marseille était à scooter

La circulation des bus et trams assurée "normalement" mercredi soir

La circulation des bus et tramways "pourra reprendre normalement partout en France" mercredi soir, a indiqué le ministre délégué aux Transports Clément Beaune sur Twitter. "Des dérogations localisées pourront s'appliquer en fonction de la situation", a précisé le ministre, après plusieurs jours d'interruptions nocturnes liées aux émeutes.

Pris pour cible dès la première nuit de violences qui ont agité la région, les tramways et autobus d'Ile-de-France ont regagné leur garage tôt chaque jour depuis jeudi soir, dès 21h puis dès 22h mardi soir, une mesure répliquée dans de nombreuses villes françaises. Certaines lignes arrêtaient leur service dès la fin d'après-midi. Les trains, RER et métros n'étaient pas concernés. Une quarantaine d'autobus et un tramway ont été détruits en Ile-de-France lors des émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel, le 27 juin à Nanterre. La région Ile-de-France a chiffré le total des dégâts à 16 millions d'euros. Des ordres de grandeur confirmés par Ile-de-France Mobilités (IDFM) concernant le matériel visé, mais qui évoque "au moins 20 millions d'euros de dégâts" pour les transports publics dans la région.

Des dépôts de bus ont été incendiés à Aubervilliers, Provins, Evry, le Blanc-Mesnil, Dugny ou Savigny-sur-Orge. Dix stations de tramway ont été détruites sur les lignes T5, T6, T8 et T9 pour un montant de 2 millions d'euros.

L'avocat d'un jeune homme dans le coma va porter plainte

L'avocat d'un jeune homme dans le coma après avoir subi une blessure à la tête dans une ville de Meurthe-et-Moselle où intervenait le Raid vendredi a annoncé mercredi qu'il allait déposer plainte pour "tentative d'homicide volontaire". Me Yassine Bouzrou compte déposer plainte "dans les 48 heures" et va demander l'ouverture d'une information judiciaire, a-t-il indiqué à l'AFP, confirmant une information du journal Le Monde. Me Bouzrou précise que son client "est hospitalisé, dans le coma" depuis qu'il a "souffert d'une blessure très grave à la tête" à Mont-Saint-Martin, une commune proche de Longwy située à la frontière de la Belgique et du Luxembourg.

Selon ses proches, interrogés par Le Monde, le jeune homme a reçu un projectile tiré par un policier du Raid. "D'après mes informations, il ne participait pas aux émeutes et n'a commis aucun refus d'obtempérer", a souligné Me Bouzrou. Une enquête sur les faits est actuellement menée par l'inspection générale de la police nationale (IGPN), a précisé à l'AFP une source policière. La préfecture de Meurthe-et-Moselle avait indiqué jeudi sur Twitter que le Raid intervenait à Mont-Saint-Martin "pour assurer la sécurité des personnes et des biens". L'hôtel de ville y a été saccagé et incendié dans la nuit de vendredi à samedi, "victime de la violence des émeutiers", a indiqué le maire Serge de Carli dans un communiqué.

Sollicitée par l'AFP, la procureure de la République du Val-de-Briey n'a pas donné suite dans l'immédiat.

Le père de Nahel se constitue partie civile

C'est un homme aux traits tirés, la voix teintée d'émotion, qui s'est exprimé à l'AFP : Hicham H., le père de Nahel, tué la semaine dernière à Nanterre par un policier, a annoncé mercredi s'être constitué partie civile dans le dossier. "Je me constitue partie civile pour que justice soit rendue pour Nahel et pour dire que je suis vivant", explique cet homme de 42 ans, originaire de Colombes, ville voisine de Nanterre dans les Hauts-de-Seine.

"J'ai du mal à m'en remettre (...) j'arrive plus à dormir", ajoute-t-il lors d'un entretien accordé à l'AFP au cabinet de son avocat, Me Serge Money. Hicham H. n'avait pas de rapport avec son fils, qui était âgé de 17 ans au moment de sa mort. "J'ai fait des choix dans ma vie qui ont fait que j'ai pas pu assister à sa naissance, j'ai pas vu ses premiers pas, ses premiers mots", explique-t-il pudiquement à l'AFP, avant d'évoquer son "parcours très difficile" qui l'a notamment conduit à être incarcéré.

Ce chauffeur-livreur gardait des "espoirs" de retisser des liens avec son fils, assure-t-il. Maintenant que la machine judiciaire est enclenchée, "j'attends que le policier qui m'a retiré tous mes espoirs soit condamné, comme tout le monde. Je veux une vraie justice, il a enlevé la vie d'un enfant", développe Hicham H.

Le gouvernement plaide pour des restrictions ponctuelles sur les réseaux sociaux en cas d'émeutes

Le gouvernement pourrait envisager de "suspendre des fonctionnalités" sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles émeutes mais n'a pas l'intention de procéder à un "black-out généralisé" des plateformes, a assuré mercredi l'exécutif après des propos présidentiels qui font polémique. "Ça peut être des suspensions de fonctionnalités", a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, en évoquant les outils à disposition lors de situations telles que les émeutes déclenchées par la mort du jeune Nahel le 27 juin.

"Vous avez par exemple des fonctions de géolocalisation, sur certaines plateformes, qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel endroit, en montrant des scènes, comment mettre le feu etc... C'est des appels à l'organisation de la haine dans l'espace public et là vous avez autorité pour pouvoir suspendre", a-t-il dit en rendant compte du Conseil des ministres.

Une circulaire pour reconstruire ce qui a été détruit "sans délai", annonce Véran

Le gouvernement a annoncé mercredi avoir pris une circulaire pour permettre aux villes de reconstruire "sans délai" les bâtiments publics détruits pendant les émeutes, qui sera complétée par un texte législatif dont l'exécutif espère l'adoption au Parlement "avant la pause estivale". Le président Emmanuel Macron avait dit mardi devant les maires des communes concernées réunis à l'Elysée sa volonté d'adopter une "loi d'urgence" pour accélérer cette reconstruction.

"Une circulaire de la Première ministre (Elisabeth Borne)", a "été prise cette nuit (mardi à mercredi)" pour "simplifier" la reconstruction de "tout ce qui a été détruit", "sans délai", a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran devant la presse à l'issue du Conseil des ministres. Le texte "permet de répondre probablement à 90% voire 95% des situations", a-t-il assuré, sans plus de précisions.

Certaines situations nécessitent toutefois un changement de la loi, a-t-il relevé. "Si jamais vous ne les construisez pas à l'identique, si vous êtes en zone des architectes des Bâtiments de France, par exemple, il y a des délais légaux qui s'imposent avec des analyses", a-t-il dit. "Nous souhaitons pouvoir raccourcir tous ces délais".

"Le président de la République (Emmanuel Macron) nous a demandé de travailler très vite et donc on peut s'attendre" à ce qu'un "projet de loi soit présenté dans un prochain Conseil des ministres" ou celui d'après peut-être, et que le Parlement soit amené à examiner et adopter, nous l'espérons, ce texte avant la pause estivale", a ajouté M. Véran.

L'homme possiblement victime d'un tir de flash-ball à Marseille était à scooter

L'homme de 27 ans décédé à Marseille dans la nuit de samedi à dimanche, émaillée d'émeutes, possiblement victime d'un tir de projectile de "type flash-ball" selon le parquet, avait été retrouvé inconscient après avoir chuté en scooter, a-t-on appris mercredi de source policière.

Cet homme a été retrouvé cours Lieutaud, une avenue à quelques centaines de mètres à peine du Vieux-Port et des rues commerçantes du coeur de la ville où plusieurs dizaines de commerces ont été pillés dans la nuit de samedi à dimanche, sur fond de colère après la mort du jeune Nahel le 27 juin à Nanterre, en banlieue parisienne. Il a été retrouvé "après ce qu'un témoin avait qualifié d'accident de scooter" et alors que semble-t-il "il n'y avait pas de forces de l'ordre présentes" à proximité, toujours selon ce témoin, a précisé cette source policière à l'AFP.

C'est lors de l'autopsie effectuée sur la victime, décédée à l'hôpital de la Timone, qu'a été confirmée "une sorte d'impact sur sa poitrine", a ajouté cette source, en précisant que désormais, l'enquête devra déterminer "le périple de ce jeune homme sur la soirée", pour tenter de comprendre quand et où il a pu être touché.