Déraillement du TGV Est : un rapport accablant pointe la responsabilité de la SNCF et de la Systra

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Pauline Jacot avec AFP, édité par A.H. , modifié à
Le rapport définitif des experts judiciaires sur l'accident d'une rame d'essai du TGV, qui avait fait onze morts le 14 novembre 2015 en Alsace, accable la SNCF et sa filiale Systra.

Près de deux ans après le déraillement d'un TGV d'essai, à Eckwersheim, dans le Bas-Rhin, qui avait fait onze morts et 42 blessés le 14 novembre 2015, le rapport final de l'expertise judiciaire a été remis aux juges d'instructions, ont indiqué des sources judiciaires, confirmant une information de France 3. Ce nouveau rapport pointe la responsabilité de la SNCF et de Systra, l'une de ses filiales en charge des essais.

"Une étape que nous attendons depuis longtemps". Outre la vitesse excessive et des erreurs de préparation déjà mises en avant dans d'autres rapports, les experts judiciaires soulignent notamment un "manque d'expérience et de formation" du personnel en matière d'essais. "Pour l'instant, seules des personnes physiques avaient été mises en examen. Maintenant, on va pouvoir passer aux personnes morales, c'est-à-dire aux sociétés, et aux problèmes globaux d'organisation. C'est une étape que nous attendons depuis longtemps. Sur le fond, cela va permettre que le débat soit complet, que la SNCF et Systra soient clairement interrogées par le juge, et que chacun puisse faire valoir sa position", a détaillé au micro d'Europe 1 Me Gérard Chemla, avocat d'une douzaine de familles de victimes.

Un conducteur et un cadre de la SNCF ainsi qu'un salarié de Systra, filiale chargée de l'ingénierie, ont déjà été mis en examen en octobre 2016 pour homicides et blessures involontaires. Mais la compagnie et sa filiale ne sont pas poursuivies à ce jour dans cette instruction menée au pôle "Accidents collectifs" du tribunal de Paris.

Une vitesse excessive. Le 14 novembre 2015, cet accident mortel, le premier dans l'histoire du TGV, avait fait onze morts et 42 blessés lors d'un essai sur le nouveau tronçon Paris-Strasbourg. À bord se trouvaient 53 personnes : des salariés présents pour raisons professionnelles mais aussi des invités, dont deux sont morts. La rame circulait à 265 km/h à l'entrée de la courbe située en amont de l'accident pour une vitesse prévue de 176 km/h. Elle circulait encore à 243 km/h au point de déraillement situé 200 mètres plus loin. 

Ce rapport judiciaire, non public, fait suite à celui du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) publié officiellement en mai. Le BEA-TT avait aussi conclu à une vitesse excessive liée à un freinage tardif, s'expliquant par "une stratégie de freinage inadaptée" mais également par une incompréhension au sein de l'équipage et un appel téléphonique perturbateur. Dans leur rapport d'étape, les experts judiciaires avaient mis en évidence des "erreurs de calcul" dans la détermination des points de freinage, et "une mauvaise évaluation" de la marge de ralentissement au moment de l'essai. 

"La prévisibilité de l'accident". "Ce qui me paraît horrible, au vu de l'avancée de l'enquête, c'est de constater la prévisibilité de l'accident pour toute l'équipe", a déploré Christiane Dujardin, dont la fille Fanny, invitée dans le TGV, est morte ce jour-là.

Qu'est-ce qui a changé depuis dans les tests effectués par la SNCF ?

Des mesures ont été prises par la SNCF après le déraillement mortel de novembre 2015. Désormais, il ne doit plus y avoir aucun invité à bord lors des essais, mais uniquement des personnels SNCF. Ces employés doivent être systématiquement informés en amont par des briefings qui peuvent durer parfois jusqu'à une heure. Par ailleurs, la vitesse définie doit être impérativement respectée.