Les sex toys font vibrer le tribunal

Les juges devront déterminer si les objets vendus dans la boutique 1969 sont pornographiques ou érotiques.
Les juges devront déterminer si les objets vendus dans la boutique 1969 sont pornographiques ou érotiques. © Max PPP
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et Julien Pearce , modifié à
Le tribunal correctionnel de Paris a débattu du caractère pornographique d'une boutique près d’un collège.

Un sex toy est-il un jouet érotique ou un objet pornographique ? La question était débattue mercredi au tribunal correctionnel de Paris, saisi par deux associations qui veulent faire interdire une boutique de sex toys située à proximité d'un collège.

En jeu, l'application d'une loi sur la protection de l'enfance de 1987, réformée en 2007, qui interdit "l'installation, à moins de 200 mètres d'un établissement d'enseignement, d'un établissement dont l'activité est la vente (...) d'objets à caractère pornographique".

Mais il y a un hic : le texte omet de préciser ce qu'est un "objet pornographique". Toute la question de cette audience surréaliste était donc de savoir si les sex toys vendus par le magasin relèvent de la pornographie ou non.

Un flou juridique

Pour Me Henri de Beauregard, le conseil des associations, il n'y aucun flou juridique : est "pornographique" ce qui se "focalise sur les mécanismes physiologiques", "en excluant tout contexte sentimental". "Est ce qu'un godemichet laisse beaucoup de place à l'imagination madame la présidente ?", interroge le conseil des associations en agitant un phallus en caoutchouc sous le nez de la juge.

"On peut faire d'un godemichet un sex toy, on peut faire d'un loveshop un sexshop, on peut faire des boules de geisha des instruments de plaisir, on peut faire ce qu'on veut. Mais au final, on ne change pas ce que sont les choses", commente Me Henri de Beauregard au micro d'Europe 1.

Face à lui, son contradicteur déplore les amalgames autour du terme de pornographie. "Dès qu'on serait dans la séduction, dans l'excitation sexuelle, on serait dans la pornographie ?!", s'étrangle alors Me Richard Malka, qui défend le gérant. Mais "ça ouvre des fonds vertigineux !" En réalité, "pas un individu ne définira la pornographie comme son voisin".

Une mesure inapplicable ?

L'avocat du gérant souligne également la difficulté de mettre en place la règle des 200 mètres. Car si le "love shop", situé au 69 rue Saint-Martin à Paris, est reconnu comme un lieu pornographique, le dossier pourrait faire jurisprudence. "Les seuls endroits où on pourrait encore installer ce type de commerce à Paris seraient les cimetières, les parcs et les voies ferrées", avertit Me Malka.

Me Henri de Beauregard refuse cette diabolisation. "On vous dit que vous allez faire fermer tous les commerces qui vendent ce type de choses : le Printemps, les Galeries Lafayette, la Redoute ou encore les 3 Suisses ! Mais c'est absurde !", s'énerve le conseil des associations. A l'extrême, finit-il tout de même par reconnaître, "ça serait simplement la vente de ce type d'objets qui n'aurait plus lieu dans ces établissements".

Agacement de la procureur

Mais l'avocat du gérant rappelle que la vitrine, discrète, ne présente aucun sex toy. Pour Me Richard Malka, les plaintes des associations catholiques ne sont qu'un prétexte pour faire valoir des causes rétrogrades. "On est totalement dans l'idéologie d'une association qui est anti-avortement, qui est anti-masturbation, qui est anti-homosexuel et qui veut exclure toute sexualité de l'espace public. De quoi elle se mêle ? Ce n'est pas à des associations religieuses de définir les droits que nous avons", réagit-il au micro d'Europe 1.

Durant les quatre heures d'audience, la magistrate ne masque pas son agacement : froncement de sourcils, remarques désobligeantes, elle va jusqu'à ignorer le prévenu, dont elle élude l'audition. Et quand on lui rappelle qu'il y a trois témoins à entendre, la réplique fuse : "Ici, on n'est pas aux Etats-Unis". La procureur n'a d'ailleurs pas souhaité se prononcer en se remettant à la décision du tribunal qui sera rendue le 29 février.
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