"Les fumeurs, on les voit revenir"

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Ni la journée anti-tabac, ni les photos choc ne se ressentent sur les ventes, jurent les buralistes.

Voilà désormais plus d’un mois que les paquets de cigarettes ont été affublés de photos fort peu ragoutantes. Dents gâtées, poumons noircis et autres tumeurs à la gorge sont censés dissuader le fumeur de s’offrir ses bouffées quotidiennes. A l’occasion de la 24e journée mondiale sans tabac, Europe1.fr a interrogé des buralistes pour mesurer l’efficacité de la mesure. Et la sérénité est majoritairement de mise.

"Ils pourraient même mettre une croix gammée…"

Car les fumeurs restent fumeurs, et l’apposition à la fin du mois d’avril des fameuses images choc n’a pas changé la donne. "Je vais répondre en tant que buraliste, mais aussi en tant que fumeur, donc drogué", prévient Yves Cruz, du tabac La Marmotte, à Uriage-les-Bains, un petit village de l’Isère. "Pour les fumeurs comme moi, ils pourraient mettre une vache crevée, une tête de mort ou même une croix gammée, ça ne changera rien", assène-t-il. "Et quand vous posez votre paquet, eh bien vous le posez du bon côté."

"Les images, ça a offusqué un peu au début, mais maintenant les clients n’en parlent presque plus", confirme Jeanine Gabin, du Royal VI Nation, à Paris. "Mais c’est vrai qu’il y en a qui sont dures à supporter. L’image de la tumeur à la gorge me retourne l’estomac, par exemple. Heureusement que je ne suis pas fumeuse." Pour autant, les ventes des étuis à paquet de cigarettes n’ont pas explosé. "On en vend très peu", assure Jeanine Gabin. "J’ai été prudent, et j’ai eu raison, car on en vend pas plus que ça", affirme Yves Cruz à La Marmotte.

"Un produit de perception de taxes"

"Les buralistes ont été très inquiets quand les images ont été imposées par l’Etat. Pour nous, ce n’était pas très agréable", assure Sylvain Dominge, délégué parisien de la Confédération des buralistes. "Mais je vous confirme que les ventes n’ont pas baissé sensiblement. Et du coup, la pilule passe mieux. Mais la profession reste inquiète, car on sait à long terme que l’objectif est de multiplier les images choc sur les paquets."

"Les photos sur les paquets ont une influence sur l’image du tabac, mais pas sur les ventes. Ce n’est d’ailleurs pas ce qu’on en attend", assure le professeur Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme. "L’objectif premier, c’est qu’on ne puisse plus dire que le tabac, c’est glamour."

Ni les images choc donc, ni la journée sans tabac, ni même les augmentations successives des prix ne semblent entamer les ventes. En 2010, il s’est vendu 0,3% seulement de cigarettes de moins. Et sur les quatre premiers mois de l’année de 2011, la baisse n’est que de 0,6% par rapport à le même période en 2010. Pas de quoi donc entamer le moral des buralistes. Les buralistes gagnent 15 à 20% de plus d’argent qu’il y a trois ans, puisque les prix ont augmenté", peste le professeur Dautzenberg.

"Le fumeur arrête un mois et il reprend"

Les buralistes sont d’autant moins inquiets qu’ils savent bien que le fumeur est indécrottable. "Le problème du tabac, c’est que c’est une drogue. Douce mais une drogue quand même", rappelle, à toutes fins utiles, Yves Cruz du tabac La Marmotte. Pourtant, un changement survient bien à chaque mesure prise par l’Etat, notamment au niveau du prix. "On sent un fléchissement pendant deux mois, et après les affaires reprennent", assure Mme Gabin. "Il y en a aussi qui arrêtent, mais je les vois revenir", sourit de son côté Annie Merienne, du tabac Le Gribouille.

"Le fumeur reste fumeur. Il arrête un mois et il reprend", assène, un sourire en coin, M. Li, patron du tabac Les Colonnes, près de la place de la Nation, à Paris. Avant de conclure, un brin cynique : Et quand les prix des cigarettes augmentent, eh bien notre chiffre d’affaires augmente lui aussi."