Anciens ministres, futurs avocats ?

Un décret permet aux anciens ministres et parlementaires de devenir conseil sans suivre la formation ni passer d'examen.
Un décret permet aux anciens ministres et parlementaires de devenir conseil sans suivre la formation ni passer d'examen. © MAXPPP
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avec AFP
Un décret leur permet de devenir conseil sans suivre la formation ni passer d'examen.

Maître Rachida Dati, Maître Dominique de Villepin, Maître Jean-François Copé, Maître Noël Mamère... Le point commun entre tous ces avocats est d'avoir été ministres ou parlementaires et d'être devenus avocats. Mais contrairement aux "robes noires" traditionnelles, ces politiques n'ont pas suivi de formation ni passé l'examen du Capa. Et le nombre de reconversions de la politique vers la justice pourrait encore augmenter. Un décret facilitant leur inscription au barreau a été publié mercredi au Journal officiel.

Une "passerelle" pour les parlementaires et leurs collaborateurs

Comme c'est déjà le cas pour certaines professions, le texte dispense de la "formation théorique et pratique ainsi que du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (Capa) les personnes ayant exercé des responsabilités publiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi (...) pendant huit années". Outre ces huit ans minimum dans leurs fonctions, ces personnes - membres du gouvernement et parlementaires - souhaitant endosser la robe d'avocat devront avoir une maîtrise (ou équivalent) en Droit. Le décret prévoit la même "passerelle" pour "les collaborateurs et assistants de parlementaires justifiant de l'exercice d'une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant huit années".

Le Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les quelque 54.000 avocats, avait "rejeté" la semaine dernière le projet du gouvernement. Il demandait que soit prévu pour les candidats-avocats un examen de déontologie et jugeait la formulation du décret "trop imprécise quant à son champ d'application et à la définition des catégories de personnes pouvant en bénéficier".

"On ne peut pas s'improviser avocat"

Du fait notamment de cette imprécision, le CNB a fait savoir mercredi qu'il se réservait un recours auprès du Conseil d'Etat. "Le Barreau n'est pas destiné à récupérer des hommes politiques en mal de reconversion professionnelle", a réagi Me Jean-Bernard Thomas, avocat au barreau de Paris et président d'honneur de l'Association des avocats conseils d'entreprises. "Le Barreau est une profession sérieuse, le métier d'avocat est un vrai métier. On ne peut pas s'improviser avocat", a-t-il ajouté.

Le porte-parole du ministère de la Justice, Bruno Badré, a de son côté rappelé qu'une "réflexion" avait été engagée avec les avocats sur la possibilité de faire bénéficier de conditions particulières d'accès à la profession "les collaborateurs de parlementaires". "Il nous est apparu cohérent d'ouvrir cette possibilité aux membres du gouvernement et aux parlementaires, qui sont les employeurs de ces collaborateurs", a-t-il précisé.

De nombreux politiques sont devenus avocats par le passé, sans avoir à passer le Capa mais en profitant des "passerelles" existant déjà pour des professions qu'ils avaient pour la plupart exercées auparavant : conseillers d'Etat, magistrats de la Cour des comptes, professeurs d'université chargés d'un enseignement juridique, juristes d'entreprise, notaires...