Loi Macron : le coup de tonnerre

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Louis Hausalter avec AFP , modifié à
L'ESSENTIEL - L'exécutif, qui peine à rassembler une majorité sur la loi Macron, a décidé de recourir à l'article 49-3.

C'est un coup de tonnerre. Manuel Valls a annoncé mardi le recours à l'article 49-3 de la Constitution sur le projet de loi Macron. Le gouvernement engage donc sa responsabilité sur ce texte, qui sera adopté sans vote, sauf si la motion de censure déposée par les députés UMP est votée par l'Assemblée nationale, ce qui provoquerait la démission du gouvernement. Cette motion devrait être soumise jeudi soir au vote de l'Assemblée nationale.

Valls ne veut prendre "aucun risque". Manuel Valls a estimé qu'une majorité existait "vraisemblablement" au sein de l'Hémicycle, mais qu'elle était "incertaine". "Dès lors, je ne prendrai aucun risque, je ne prendrai pas la responsabilité du risque d'un rejet d'un tel projet que je considère comme essentiel pour notre économie", a-t-il déclaré à la tribune de l'Hémicycle. "Rien ne nous fera reculer, c'est l'intérêt des Français". Ce recours au 49-3 a été décidé après un entretien téléphonique entre Manuel Valls et François Hollande, précise-t-on à l'Elysée.

Que va-t-il se passer ? Le vote solennel du projet de loi par les députés, qui devait avoir lieu mardi, a donc été immédiatement suspendu. L'Assemblée nationale dispose de 24 heures pour déposer une motion de censure, ce qu'a fait le groupe UMP. Cette motion doit ensuite être votée 48 heures après son dépôt. Si elle est rejetée, ce qui est le cas le plus probable, le texte sera adopté d'office. Si elle est votée, le gouvernement sera contraint à la démission.

C'est la première fois depuis neuf ans qu'un gouvernement a recours à l'article 49-3. La dernière utilisation en date remonte à février 2006 : Dominique de Villepin avait alors fait passer en force le projet de loi instituant notamment le CPE.

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Peu après l'annonce du recours au 49-3, le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a estimé sur Twitter qu'il n'y avait "plus ni majorité, ni gouvernement". L'UMP a par ailleurs dénoncé dans un communiqué "la très grande fébrilité et l’extrême fragilité de la majorité socialiste".

Quant à Marine Le Pen, elle a purement et simplement appelé Manuel Valls à démissionner.

"Valls était très énervé". L'approche de l'heure du vote solennel a donné lieu à une brutale montée de tension mardi matin. Devant les députés PS, Manuel Valls avait montré les muscles : "au moment où je parle, le texte ne passe pas". Vraie panique ou pression exagérée sur les troupes socialistes ? Le Premier ministre s'est défendu de tout excès : "je ne dramatise pas". "Valls était très énervé, nous appelant tous à la responsabilité", confie à Europe 1 un député socialiste, qui hésitait encore entre le vote contre et l'abstention.

Le sujet a donné lieu à une séance de questions au gouvernement particulièrement agitée, mardi à l'Assemblée nationale. "Le gouvernement fera tout pour que cette loi passe", a martelé le Premier ministre. Sinon, "j'assumerai mes responsabilités", a-t-il ajouté. De son côté, Emmanuel Macron, particulièrement remonté, a dénoncé devant les députés "une forme d'union : ceux qui ne veulent pas changer le pays, ceux qui préfèrent dire que tout va bien, ceux qui préfèrent dire (qu')on ne fait pas assez".

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Contestation à la gauche de la gauche. Jamais depuis le début du quinquennat le gouvernement n'aura eu à composer avec une opposition aussi grande au sein même du PS. Une majorité des 30 à 40 députés socialistes "frondeurs" comptaient voter contre le projet de loi, affirmait mardi midi l'un de leurs animateurs, Christian Paul. Les frondeurs menaçaient ainsi de franchir un nouveau cap dans leur opposition à la politique de l'exécutif. En effet, s'ils s'étaient déjà abstenus sur certains textes du gouvernement, jamais ils n'étaient allés jusqu'au vote contre.

A la gauche du PS, le non était encore plus clair. La grande majorité des députés écologistes avaient manifesté leur opposition à la loi Macron. Sur les 18 députés EELV, "sauf changement de dernière minute", 14 devaient voter contre et les autres s'abstenir, selon l'un des coprésidents du groupe, François de Rugy. Quant aux députés du Front de gauche, ils avaient eux aussi l'intention de se prononcer contre le texte.

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Malgré les nombreuses mesures d'inspiration libérale prévues par le projet de loi, le gouvernement ne pouvait pas non plus s'appuyer sur beaucoup de voix de l'opposition pour soutenir le texte. Même si une poignée de députés UMP avaient fait savoir qu'ils voteraient pour, le groupe comptait désapprouver le texte "à 97-98%", selon Christian Jacob, le patron des députés UMP. Le centre-droit se montrait plus bienveillant : une courte majorité des députés UDI comptaient s'abstenir ou voter le texte, d'après un décompte de leur président, Philippe Vigier.

La boulette de Bercy. Le cheminement de ce projet de loi emblématique du réformisme affiché par l'exécutif s'est donc transformé en cauchemar. Cruelle ironie : Bercy avait déjà prévu de claironner haut et fort l'adoption du texte. Un communiqué de presse saluant le vote du projet de loi a été envoyé par erreur mardi matin par les services du ministère de l'Economie, avant d'être rectifié ! Oui, cette journée est définitivement à oublier pour Emmanuel Macron.

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