Une primaire pour François Hollande : bonne stratégie ou balle dans le pied ?

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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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Margaux Baralon , modifié à
Si l'entourage du chef de l'État fait le pari que cela va fragiliser la gauche du PS, le scrutin reste considéré par beaucoup comme un aveu de faiblesse pour le président.

Le Parti socialiste a tranché : il y aura bien une primaire pour désigner le candidat de la gauche. Ou, du moins, d'une partie de la gauche. Car le scrutin ne rassemblera que les socialistes, les radicaux de gauche et les écologistes pro-gouvernement. Officiellement, il est aussi ouvert à "tous ceux qui soutiendraient la démarche". Mais Europe Ecologie-Les Verts, le PCF et Jean-Luc Mélenchon ont déjà refusé de participer.

Celui qui sera bien obligé d'en passer par là, en revanche, c'est François Hollande. La primaire a été conçue quasiment sur-mesure pour que le chef de l'État puisse y prendre part. Elle se tiendra les 22 et 29 janvier 2017, laissant au président le temps de se déclarer candidat, lui qui ne veut annoncer sa décision qu'à "la fin de l'année". Mais est-ce une stratégie gagnante pour le chef de l'État ?

  • Une tactique payante…

…pour "purger le bilan". À l'Élysée comme à Solférino, on se persuade qu'une primaire ne peut être qu'une bonne chose pour François Hollande. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a ainsi déclaré "souhaiter" que le chef de l'État se présente, ce qui lui permettrait de défendre son bilan. "Je crois que le président de la République a hâte d'expliquer quels ont été ses choix et pourquoi il a choisi telle politique économique", a déclaré le patron de Solférino, vendredi, au JT de TF1. "Les gens qui critiquent l'orientation du Parti socialiste seront présents et pourront donc l'interroger, l'interpeller, le contester." La primaire permettra à François Hollande de "purger son bilan", confirme un autre ténor du PS.

...pour éviter l'explosion des candidatures. François Hollande étant très contesté au sein de la gauche, nombreux sont ceux, au PS (les frondeurs) comme ailleurs (écologistes, communistes…), qui souhaiteraient faire valoir leurs idées pour 2017. Une primaire a l'avantage d'organiser un premier "écrémage" des candidatures, et ainsi d'éviter la dispersion des voix à la présidentielle. "Cela assèche les candidatures possibles à gauche", résume Pascal Jan, constitutionnaliste. Et augmente d'autant les chances du vainqueur d'être présent au second tour en mai 2017.

" Une primaire assèche les candidatures possibles à gauche. "

…pour faire tremplin vers la présidentielle. "Si je ne suis pas en mesure de remporter la primaire, comment pourrais-je espérer remporter la présidentielle ?", demandait récemment François Hollande à ses proches. À l'inverse, s'il sortait vainqueur de ce scrutin, le chef de l'État, qui atteint pour le moment des records d'impopularité, pourrait bénéficier d'un nouveau souffle. La primaire lui permettrait d'être relégitimé à gauche. C'est d'ailleurs tout le principe de l'opération, rappelle Pascal Jan. "La primaire répond à une crise de confiance dans la politique, à la nécessité, pour les gouvernants, de retrouver une légitimité."

Et François Hollande apparaît bien placé pour l'emporter. À sa gauche, les frondeurs ne font pas front commun. Du moins en attendant leur séminaire, prévu le 27 juin. Marie-Noëlle Lienemann ou Gérard Filoche ont d'ores et déjà annoncé leur candidature, tandis qu'Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon sont tentés. "Ils ne sont pas d'accord entre eux sur qui doit être candidat. Ils vont perdre", prédit un proche de Manuel Valls au JDD. "Nous, les sociaux-démocrates, nous sommes affaiblis mais la majorité de la gauche se retrouve sur notre ligne."

  • Une balle dans le pied…

…parce que cela n'évite pas toute concurrence. En ne parvenant pas à mettre sur pied une primaire qui rassemblerait l'ensemble des candidats de gauche, le Parti socialiste n'écarte qu'une partie du danger. "Il limite les candidatures dissidentes mais ne les exclut pas totalement", pointe Pascal Jan. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, n'a aucunement l'intention de participer à un scrutin dont il a une bien piètre opinion. "La primaire a de nombreux points communs avec le PMU. On vote pour le mieux placé, davantage sur des personnes que sur des idées", lâchait-il en janvier dernier, après avoir annoncé sa candidature à l'élection présidentielle. Or, Jean-Luc Mélenchon, crédité de 13 à 15% des suffrages dans les sondages, est un candidat dangereux pour François Hollande.

Même chose du côté d'Europe Écologie-Les Verts qui, lors de son Congrès national début juin, s'est engagé à soutenir "un candidat émanant d'EELV ou de la société civile" pour les prochaines échéances électorales. Lundi, le secrétaire national du parti, David Cormand, a enfoncé le clou : "Je ne pense pas [qu'EELV va participer]. C'est une affaire qui concerne avant tout le PS", a-t-il déclaré sur France 2.

" Si dans les faits, on a une primaire, c'est qu'il n'y a plus de candidat naturel. "

…parce que c'est un aveu de faiblesse. Le constat, violent, est d'abord venu d'un socialiste. "Si dans les faits, on a une primaire, c'est qu'il n'y a plus de candidat naturel" du PS à la présidentielle, a asséné Benoît Hamon, samedi. De fait, François Hollande est obligé de se soumettre à l'exercice "parce qu'il n'a plus l'adhésion naturelle de son parti", explique Pascal Jan. "C'est un aveu de faiblesse." Le constitutionnaliste note d'ailleurs qu'il n'y a "aucun exemple, en droit comparé, où le chef en exercice s'est soumis à un vote d'approbation" avant de candidater à sa propre réélection.

Du côté de Solférino, on met en avant toute la modernité du processus. "Le Parti socialiste a inventé la primaire [en 2011], tout le monde l'a imité. Il invente la primaire pour un président sortant, tout le monde l'imitera", a prédit Jean-Christophe Cambadélis sur Twitter.

Sans surprise, la droite n'a pas la même analyse. Jean-Pierre Raffarin, sénateur LR, a raillé, dimanche au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, un chef de l'État "revenu dans sa petite case de départ". "Le seul but de la primaire, c'est de sauver le soldat Hollande", a renchéri Philippe Juvin, porte-parole des Républicains.

Preuve que cette primaire pour un président sortant n'est pourtant pas une évidence, même à gauche : les hollandais y étaient, jusqu'à il y a quelques jours parfois, tout à fait opposés. Ainsi de Carlos Da Silva, proche de Manuel Valls, qui a salué vendredi une "excellente décision". En juillet 2015, le député estimait au contraire "qu'il ne faut pas de primaire [car] cela voudrait dire que nous sommes en échec". Le Premier ministre lui-même a opéré une volte-face impressionnante sur le sujet. "C'est cela, la démocratie !", a-t-il déclaré au JDD ce week-end. Le 16 janvier, pourtant, Manuel Valls pensait "que le président de la République sortant n'a pas à se soumettre à une primaire". Carlos Da Silva s'est justifié en citant Jacques Chirac : "Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, c'est ce que j'ai toujours dit."