Régionales : la droite revoit ses ambitions

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Promise à une victoire éclatante il y a quelques semaines, la droite, coincée entre une gauche moins faible qu’attendu et un FN puissant, aborde désormais l’échéance avec prudence. 

Tsunami ou vaguelette ? Si la victoire de la droite lors des régionales de décembre ne fait guère de doute, reste à connaître son ampleur. Il y a quelques semaines encore, après des départementales triomphales, la perspective d’un raz-de-marée bleu au soir du 13 décembre, date du second tour du scrutin, était un scénario fortement envisagé. Mi-septembre, Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, estimait même "possible" un Grand Chelem. Aujourd’hui, plus aucune figure de l’opposition n’oserait se montrer aussi présomptueuse.

Car à l’approche du scrutin, la taille de la vague bleue attendue sur les 13 nouvelles grandes régions françaises semble s’amenuiser de plus en plus (voir plus bas). Face à des adversaires plus puissants qu’attendus, et avec un parti, Les Républicains, encore et toujours miné par les dissensions, la campagne de la droite se complique. "On peut espérer que la droite remportera un grand nombre de régions, mais ce sera difficile", a prévenu Bernard Accoyer, lundi sur LCI. L’ancien président de l’Assemblée nationale sait bien que dans toutes les régions, il y aura une triangulaire au second tour. "On oublie trop qu'en triangulaire, pour la droite, c'est difficile de gagner", a-t-il rappelé.  

  • L’équilibre difficile entre FN et PS

Le premier souci des candidats de la droite est donc d’ordre stratégique : comment se positionner entre un FN puissant et un PS qui donne des signes de regain ? Pour marcher sur les plates-bandes de l’un, il convient de durcir son discours. Mais pour ne pas braquer les électeurs de l’autre, en vue du second tour, mieux vaut ne pas en faire trop. L’exercice d’équilibriste est donc compliqué.

Exemple en Paca, l’une des régions qui risquent bien de tomber dans l’escarcelle du FN. Après un début de campagne très droitière, Christian Estrosi, tête de liste Les Républicains, a mis de l’eau dans son vin. "Au début, Christian a fixé son électorat avec des déclarations un peu dures, et c’était logique", reconnaît d’ailleurs Renaud Muselier, chef de file LR en Bouches du-Rhône, dans Le Monde. Désormais, ce sont les électeurs de gauche, potentiellement susceptibles de vouloir faire barrage au FN lors du second tour, qu’il faut aussi cibler. "Aujourd’hui, il faut montrer que nous ne sommes pas obtus. Nous proposerons d’autres mesures pour provoquer l’adhésion", explique Renaud Muselier.

Au niveau national, cette stratégie du dilemme semble validée. Après des déclarations très fermes sur la crise des migrants à la mi-septembre, Nicolas Sarkozy est désormais plus mesuré. Alors que le président des Républicains avait volontiers "droitiser" la campagne des élections départementales en mars, avec la mise en avant de sujet telles que le voile à l’université ou les repas de substitution à l’école, rien de tel cette fois-ci. Le problème, c’est que cette différence de discours se voit. "Les Français ne sont plus dupes des tactiques qui changent d’une semaine sur l’autre, des louvoiements divers et variés", s’agace ainsi Benoist Apparu, proche d’Alain Juppé, dans Le Monde.

  • Les Républicains, un parti déchiré

Comme avant chaque élection, la hache de guerre est provisoirement enterrée entre les leaders des Républicains, un an avant une primaire qui s’annonce sanglante. Mais malgré leurs efforts, les candidats, déclarés ou potentiels à la candidature à la présidentielle ont bien du mal à cacher leur désamour. Le conseil national des Républicains de samedi à la Mutualité, qui mettra le point final à la constitution des listes de droite, en constituera un bon exemple. Alors que Nicolas Sarkozy doit s’exprimer dans l’après-midi, ses principaux rivaux ne lui feront pas l’honneur de l’écouter. François Fillon est à La Réunion, alors que Bruno Le Maire et Alain Juppé, présents le matin, s’éclipseront ensuite l’un pour aller au salon du Made in France, l’autre pour assister à… un match de rugby. Question de priorité.

Cela montre, s’il était besoin, que la primaire est déjà dans toutes les têtes, et que les régionales sont secondaires pour les caciques parisiens. Au point que plusieurs candidats en région, comme Xavier Bertrand dans le Grand Nord ou Laurent Wauquiez en Rhône-Alpes-Auvergne, ont fait savoir qu’ils se passeraient de tout déplacement des candidats à la candidature. Une chose est sûre, dès l’échéance passée, les fauves seront lâchés.  

 

Projections : entre cinq et dix régions pour la droite

Le Grand Chelem prophétisé mi-septembre par Jean-Christophe Lagarde est désormais chimérique pour la droite. Selon les derniers sondages, la gauche devrait ainsi l’emporter en Bretagne, en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, soit trois grandes régions sur 13. La droite, elle, est largement favorite en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, en Centre-Val de Loire, en Normandie et en Pays de la Loire. Ailleurs, l’incertitude demeure.

Longtemps donnée gagnante en Ile-de-France, Rhône-Alpes-Auvergne et Bourgogne-Franche-Comté, la droite voit la gauche revenir sur ses talons dans ces trois régions. En Paca et dans le Nord-Pas-de-Calais, les Républicains et leurs alliés ont face à eux un Front national très fort. La victoire de Marine Le Pen dans le grand Nord est même presque une certitude, alors que sa nièce Marion Maréchal-Le Pen fait plus qu’inquiéter Christian Estrosi en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Reste le cas épineux de la Corse, où l’éparpillement des candidatures rend incertain tout pronostic.

Plusieurs scénarios se dessinent donc : A cinq ou six régions, la droite sortira du scrutin en très mauvaise posture. A neuf ou dix, elle pourra crier victoire. Entre les deux, ce sera mitigé. Et puis il y a le Front national. Si le parti de Marine Le Pen remporte une région, alors il sera difficile pour la droite de triompher. "Le Front national qui dirige une région, je pense que ce serait un échec pour nous Les Républicains, et un échec important", lâchait ainsi Bruno Le Maire fin septembre sur LCP.