Pour le vice-président du Crif, "parler de Pétain est presque une insulte pour les victimes" de 39-45

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Gérard Unger, historien et vice-président du CRIF, a répondu sur Europe 1 à la polémique née des propos d’Emmanuel Macron, qui a estimé "légitime" de rendre hommage au maréchal Pétain.
INTERVIEW

Les propos d’Emmanuel Macron sur le maréchal Pétain divisent. Gérard Unger, historien et vice-président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), a estimé mercredi soir sur Europe 1 que "parler de Pétain est très difficile et presque une insulte pour les victimes" de la Seconde Guerre mondiale.

"Essayer de parler de Pétain est très difficile et presque une insulte pour les victimes de 39-45, qu’il s’agisse des juifs, des communistes, des résistants ou des francs-maçons. Il est condamné pour indignité nationale. Ça n’a rien à voir avec le rôle d’un maréchal Joffre ou d'un maréchal Foch", a déclaré Gérard Unger.

 

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"Pour beaucoup, la mémoire de Pétain est une mémoire négative". La polémique est née des propos du chef de l’État sur l'opportunité de rendre hommage à Pétain dans le cadre du centenaire de l'armistice de 1918. Emmanuel Macron avait jugé "légitime" de lui rendre hommage samedi, arguant que le chef du régime de Vichy avait été "pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat", avant de conduire "des choix funestes" pendant la Deuxième en collaborant avec le régime nazi.

"On a aucun problème à reconnaître que le maréchal Pétain a été un grand soldat. Le problème n’est pas là", a consenti le vice-président du Crif. "Le problème, c’est l’indignité nationale qui couvre le maréchal Pétain depuis 1945. Il a été condamné à mort pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison. On est là dans un domaine qui couvre, malheureusement, tout ce qui s’est passé avant. Pour beaucoup, la mémoire du maréchal Pétain est une mémoire négative", a poursuivi Gérard Unger.

Avec les sept autres maréchaux de la Grande Guerre, Philippe Pétain sera ainsi célébré samedi aux Invalides, lors d'une cérémonie à laquelle participeront les plus hauts responsables militaires français.  

Comment ont agi les présidents ? Le général de Gaulle, qui avait servi sous les ordres de Pétain avant la Première Guerre mondiale, devient son ennemi quand il se dresse contre la capitulation en juin 1940. Chef du gouvernement à la Libération, il le graciera en 1945. Président de la République, il refusera le transfert de ses cendres à Verdun, mais fera fleurir sa tombe à l'ile d'Yeu le 11 novembre 1968, à l'occasion du cinquantenaire de la fin de la Première Guerre mondiale.

Un geste que renouvellera chaque année, de 1986 à 1992, un de ses successeurs, François Mitterrand, qui avait reçu en 1943 la francisque, décoration du régime de Vichy, au moment où paradoxalement il rejoignait la Résistance. Au-delà de leur attitude envers Pétain lui-même, les présidents de Gaulle et Mitterrand se retrouveront pour refuser toute légitimité historique au régime de Vichy, qui pour eux ne représente en rien la France de l'époque. Une attitude avec laquelle rompra Jacques Chirac en 1995, en reconnaissant la responsabilité de "l'État français" dans les déportations de juifs. François Hollande ira plus loin en parlant en 2012 d'un "crime commis par la France".