Organiser un islam de France : un vrai casse-tête en perspective

Le gouvernement prévoit d’élargir la gouvernance de la Fondation à des membres de la société civile.
Le gouvernement prévoit d’élargir la gouvernance de la Fondation à des membres de la société civile. © MIGUEL MEDINA / AFP
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Salomé Legrand, Camille Girerd et R.Da. , modifié à
La tâche qui incombera à la future Fondation pour les œuvres de l'islam, déjà marquée par une polémique sur sa direction, s'annonce complexe.

Le Premier ministre Manuel Valls a réclamé la refondation d’un islam de France, en accord avec les principes de la République. Cette refondation doit notamment passer par la résurrection de la Fondation des œuvres de l’islam, initialement créée en 2005 à l’initiative de Dominique de Villepin, et supposée gérer les financements et l’organisation du culte. Mais la tâche s’annonce particulièrement ardue face à la pluralité des sensibilités.

Une absence de hiérarchie religieuse. Il n’y a pas de clergé dans l’islam, dont les représentants sont multiples. Jusqu’à présent, ses responsables religieux étaient pilotés par leur pays d’origine : l’Algérie, la Tunisie, la Turquie, l’Arabie saoudite, etc. Soit autant de sensibilités que de modèles politiques et de traditions historiques. Même du côté des fidèles musulmans, les différences se font sentir au sein des mosquées.

"Ils n’ont rien à se dire". "Ce n’est pas du tout pareil au niveau de la langue et des traditions. Les Turcs, par exemple, ont des tenues beaucoup plus européennes, alors que les Marocains vont se mettre en djellaba", explique au micro d’Europe 1 Olivier Roy, politologue et spécialiste de l’islam. "Dans les mosquées marocaines, les prêches sont toujours populaires, faisant appel à des coutumes et des légendes, alors que les prêches des mosquées turques sont moins émotionnelles. Il y a dans les moquées turques une tradition, qui est celle du gouvernement, d’utiliser des modèles de prêche qui sont rédigés par la Direction des affaires religieuses", détaille-t-il.

Ces divergences, qui relèvent plus de la tradition que de la théologie, nourrissent régulièrement les polémiques : sur la date du ramadan chaque année ou encore sur la définition du halal.

Un élargissement vers la société civile. Pour pouvoir gérer ces divergences, le gouvernement prévoit d’élargir la gouvernance de la Fondation des œuvres de l’islam en intégrant des universitaires, des artistes et des chefs d’entreprises musulmans. Il va aussi s’appuyer sur la jeune génération, celle qui est née en France et veut prier en Français, pratiquer un islam en accord avec la République. Enfin, l’exécutif compte aussi sur la diplomatie : le Quai d’Orsay pèse de son côté pour alléger la pression des pays étrangers sur les communautés musulmanes de France.

Polémique sur la probable nomination de Jean-Pierre Chevènement

La nouvelle Fondation devrait voir le jour à l’automne. Mais qui pour la diriger ? François Hollande a évoqué Jean-Pierre Chevènement. Un choix déjà controversé. Certes, Jean-Pierre Chevènement a le profil pour le poste. Il a été ministre de l’Intérieur et donc des Cultes sous Lionel Jospin. C’est un des précurseurs pour tenter d’organiser l’islam en France. Dès 1999, il avait lancé un premier processus de consultation.

Mais sa très probable nomination, à 77 ans, crée déjà la controverse. Laurence Rossignol, la ministre des Familles, a exprimé mercredi sa préférence pour une femme afin de donner, dit-elle, "une dimension moderne et républicaine" à cette Fondation. Surtout, Jean-Pierre Chevènement n’est pas de confession musulmane. Un problème pour la sénatrice UDI Nathalie Goulet qui estime que c’est aux musulmans de choisir leur dirigeant. "N’y a-t-il pas de français de confession musulmane à la hauteur ?", a-t-elle critiqué. Le nom du futur directeur devrait être officialisé à la rentrée. Jean-Pierre Chevènement, quant à lui, s’est déjà exprimé : il considère qu’il s’agit là d’une "tâche difficile" mais à laquelle "on ne peut se dérober".