Législative partielle : une "bataille symbolique" dans le Doubs

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COMBAT A TROIS - Le PS, l'UMP et le FN ont les yeux rivés vers la 4e circonsciption du Doubs, où a lieu le premier tour d'une élection législative partielle, dimanche.

"Une bataille symbolique" pour le secrétaire général de l'UMP Laurent Wauquiez. "Une force symbolique" pour la présidente du FN Marine Le Pen. Et si le PS n'emploie pas ce terme de "symbole", il en fait un dans les faits puisque le Premier ministre en personne, Manuel Valls, tiendra un meeting à Audincourt, mardi soir. Pendant une semaine et jusqu'au deuxième tour le dimanche 8 février - le premier a lieu dimanche -, la 4e circonscription du Doubs, détenue par le socialiste Pierre Moscovici, parti à la Commission européenne, va être le centre névralgique de la politique française. Voici pourquoi.

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La première élection post-attentats. Si cette élection, qui aurait pu ne jamais avoir lieu*, est si importante, c'est d'abord parce qu'elle est la première après les attentats commis à Paris du 7 au 9 janvier dernier. Comment les Français de cette circonscription, qui compte 70.000 inscrits, vont-ils voter ? Le Parti socialiste, qui remet son siège en jeu via Frédéric Barbier, le suppléant de Pierre Moscovici, a-t-il les moyens de stopper une série de treize défaites consécutives lors des législatives partielles depuis 2012 ? Il y a quelques semaines, cela paraissait compromis mais les attentats ont changé la donne en améliorant l'image de l'exécutif. Le président de la République, François Hollande, a ainsi enregistré un rebond de 21 points lors du dernier sondage Ifop-Fiducial.

Le candidat PS Frédéric Barbier, 54 ans, pourrait en profiter. "Les électeurs de gauche ont ressenti de la fierté en voyant la manière dont les choses ont été gérées par le gouvernement", considère-t-il. Le candidat socialiste aura comme principaux adversaires le candidat UMP Charles Demouge, 69 ans, et la candidate FN Sophie Montel, 45 ans. "C'est indéniable, il y a un effet attentats qui risque de mobiliser notre électorat", reconnaît la candidate frontiste. Même si elle se défend de "surfer sur les attentats", les tracts laissés dans les boîtes aux lettres évoquent le "péril islamiste" et lancent un appel à "protéger les Français".

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La succession d'une figure du PS. Si cette élection partielle est autant scrutée, c'est aussi en raison de l'identité du candidat sortant : Pierre Moscovici, ancien ministre de l'Economie et des Finances de Jean-Marc Ayrault. Et les adversaires du candidat socialiste ont bien compris qu'ils pouvaient jouer su cet élément. Lors de son déplacement la semaine dernière, l'UMP Laurent Wauquiez a ainsi insisté : "Moscovici, c'est lui qui a fait exploser les impôts en France. C'est lui a qui a contribué à ruiner le pays". Pour contrer la dimension nationale que ses adversaires veulent donner à cette élection, Frédéric Barbier défend le bilan de Pierre Moscovici, qui est aussi le sien, en mettant en avant sur son site "le sauvetage de PSA", "le financement de l'hôpital médian" ou "la diversification industrielle".

Mais l'engagement de Manuel Valls dans la campagne donnera évidemment du sens à une éventuelle défaite du PS. Au moins le parti au pouvoir évite-il le risque de perdre lors de cette élection la majorité absolue de 289 députés. En effet, c'est déjà fait. L'un de ses députés, Jean-Pierre Maggi, a officialisé lundi son départ pour le groupe des radicaux de gauche et le groupe PS ne compte plus que 288 membres.

Un test pour le FN. Le premier tour de scrutin risque d'être serré mais aussi rédhibitoire pour l'un des trois principaux candidats. En effet, la faible mobilisation attendue ne devrait pas permettre à trois candidats de se maintenir au second tour, comme ce fut le cas en 2012, quand Pierre Moscovici l'avait emporté dans une triangulaire face à l'UMP et au FN avec 49% des voix. Dans ce contexte particulier d'une législative partielle, le FN peut-il espérer décrocher un troisième siège à l'Assemblée nationale ? En déplacement elle aussi dans le Doubs vendredi dernier, Marine Le Pen a qualifié son parti de "challenger" avec une chance d'arriver "en tête au premier tour". Celle-ci est réelle : lors des dernières élections européennes, cette terre ouvrière durement touchée par la crise a voté pour le FN à 35%.

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Plutôt que d'insister sur la portée nationale du scrutin, la présidente du FN (ici à gauche aux côtés de la candidate FN) a préféré évoquer sa nature locale. "Elle (l'élection partielle) a incontestablement une force symbolique : elle se déroule dans une circonscription qui ressemble beaucoup à la mienne (dans le Pas-de-Calais, ndlr), elle est le symbole des échecs des politiques qui se sont succédé. (...) Elle est aussi symbolique car elle voit se développer hélas, (...) une immigration massive et son corollaire naturel (...) le communautarisme, et donc le fondamentalisme islamiste". Le titulaire actuel du poste, le socialiste Frédéric Barbier, espère que ce discours trouvera peu d'écho dans la population. "Après les attentats, il y a eu un sursaut républicain pour une France unie et belle, pas un sursaut vers le FN", estime-t-il. Son adversaire UMP ne semble pas croire davantage aux chances du FN de l'emporter. "Il y aura probablement un duel au second tour", considère Charles Demouge. "Mais le FN, même bien ancré, ne fera pas 50% au deuxième tour."

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L'UMP en rodage. Si Marine Le Pen et Manuel Valls ont fait ou vont faire le déplacement avant le premier tour, Nicolas Sarkozy devrait, lui, se rendre dans le Doubs lors de l'entre-deux tour. Importante pour le PS et le FN, cette élection législative partielle l'est également pour l'UMP et son président, qui a besoin de se poser en principal adversaire de l'exécutif. Dans l'esprit des dirigeants de l'UMP, cette élection doit clore définitivement la séquence de l'unité nationale qui a suivi les attentats. Après la crise terroriste en France, "la population était très abattue, mais les gens ne vont pas voter davantage PS : ils disent que les promesses que Hollande n'a pas tenues, il ne les tiendra plus maintenant", insiste ainsi le candidat UMP Charles Demouge (ici aux côtés de Laurent Wauquiez). Le Pen, Sarkozy, Hollande, les acteurs cités démontrent que cette élection législative partielle transcende largement sa nature...

*L'exécutif espérait éviter ce scrutin en confiant le 5 mai 2014 à Pierre Moscovici une mission sur "la place de la France en Europe". Lorsqu'un parlementaire est en mission, il peut en effet être automatiquement remplacé par son suppléant, en l'occurrence ici Frédéric Barbier, au bout de six mois. Or, Pierre Moscovici a pris ses fonctions à la Commission européenne le 1er novembre, soit avant ce délai de six mois.