En progression dans les intentions de vote et revendiquant déjà une victoire face au FN, Jean-Luc Mélenchon se place désormais en troisième homme de l’élection présidentielle. Et ne compte pas s’arrêter là : "Je peux passer devant François Hollande", assurait-il ainsi, mardi à Lille. Côté programme, le leader du Front de Gauche continue de marteler ses thèmes de prédilection : plafonnement des hauts salaires, retour de la retraite à 60 ans.
Ce programme tient-il la route ? Pour y répondre, Europe1.fr a décidé de soumettre quatre de ses propositions au regard critique de l’économiste Bruno Jérôme, chercheur à l'université Paris-II. Voici son analyse.
• La proposition : plafonner les hauts salaires
Selon le programme du Front de gauche, le plus haut salaire ne pourra dépasser plus de vingt fois les plus bas. Cette mesure aura pour effet de limiter les plus hauts salaires à 360.000 euros par an, selon les rémunérations en cours aujourd’hui. Parallèlement, le Smic sera lui réévalué à 1.700 euros mensuels bruts en 2012 et 1.700 nets à la fin du quinquennat.
Décryptage : "Ici, comme dans d’autres mesures, on voit bien que le programme de Jean-Luc Mélenchon s’inspire des principes d’économie marxiste", note d’abord Bruno Jérôme. "Aujourd’hui tout le monde s’accorde pour dire que les inégalités de salaires sont devenues exorbitantes. Dans ce cadre, "plafonner les salaires est faisable", mais pourquoi passer par une loi, par la contrainte ?", s’interroge-t-il. "Car à 360.000 euros par an, la mesure n’impacterait pas que des footballeurs mais aussi des patrons d’entreprise, des entrepreneurs. Et le risque est que ces talents partent se faire rémunérer ailleurs. Une telle mesure sera clairement pour eux une incitation à fuir le pays", insiste l’économiste. "Quant à l’augmentation du Smic proposée également par Jean-Luc Mélenchon, cela pose deux questions : celle du financement d’une telle mesure et celle des salaires situés juste au-dessus du Smic, qui, eux, ne seront pas réévalués. Il y a là un problème de "grille des salaires", assène-t-il.
• La proposition : interdire les licenciements
Jean-Luc Mélenchon prône l’interdiction des licenciements pour les entreprises dont les profits augmentent.
Décryptage : "Cette mesure consisterait à un retour à 1986 où les licenciements étaient soumis à une autorisation administrative. Interdire ce type de licenciement est louable. Mais lier augmentations des profits et ‘possibilité d’être flexible’, est problématique en matière d’efficacité économique", analyse Bruno Jérôme. "Privées d’un outil de flexibilité économique, les entreprises seraient encore plus incitées à délocaliser, à s’installer ailleurs, mais chez nos voisins proches. Nous ne sommes pas en économie fermée !", fait remarquer l’économiste.
• La proposition : nationaliser EDF
Le Front de gauche milite pour une nationalisation du secteur de l’énergie. Un pôle 100% public de l’énergie serait alors créé. Il rassemblerait notamment Areva, EDF, GDF et Total.
Décryptage : "C’est un choix politique. Mais une telle mesure aurait un coût très élevé pour la société. De plus, une partie du coût de l’énergie serait, ici supportée, par la collectivité, par l’impôt", analyse le chercheur.
• La proposition : la retraite à 60 ans
Le Front de gauche souhaite rétablir le droit à la retraite à 60 ans à taux plein, soit 75% du salaire de référence. Aucun salarié ne touchera de retraite inférieure au Smic. Le financement des retraites sera assuré en particulier par une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises.
Décryptage : "Le problème central, ici, c’est celui du coût", explique Bruno Jérôme. "La retraite à taux plein à 60 ans n’est aujourd’hui pas financée. Et un retour à 60 ans coûterait 2 milliards par an, 16 milliards d’ici à 2020, date à laquelle le système des retraites devra de toute façon être remis à plat", ajoute-t-il, avant de s’interroger : "Compte tenu de son déficit, la France peut-elle se permettre cette mesure" ? "Pour la financer, Jean-Luc Mélenchon propose de taxer les revenus financiers sur les entreprises. Mais est-ce que ce sera suffisant ? Jusqu’où peut-on taxer le revenu financier des entreprises, avant qu’elles ne décident de s’expatrier", prévient l’économiste, sceptique.