Le Parlement européen peut-il sanctionner Jean-Marie Le Pen ?

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Nombre de voix s’élèvent pour réclamer des sanctions à l’encontre du président d’honneur du FN après sa sortie sur "la fournée". Pas si simple.

La polémique née des propos de Jean-Marie Le Pen peut-elle rebondir au niveau européen ? Plusieurs personnalités ont réclamé mardi que le Parlement européen sanctionne le président d’honneur du Front national, eurodéputé depuis 1984, qui avait parlé le week-end dernier de "fournée" à propos des artistes publiquement opposés à son parti, dont Patrick Bruel. Mais ces appels ont-ils des chances d’être entendus ? Cela s’annonce compliqué. Explications.

Jego réclame sa déchéance. Lundi, c’est Yves Jego qui a réclamé la déchéance de Jean-Marie Le Pen de son mandat de député européen. Ses propos "devraient révolter les Français républicains, les Européens. C'est à contre-courant intellectuel de ce qu'est l'Europe", a déclaré le président par intérim de l’UDI sur BFMTV. "J'espère vraiment que ça n'en restera pas là et qu'au sein du Parlement européen, il y aura un mouvement pour dénoncer, peut-être même pour essayer d'avoir une déchéance de celui qui profère de telles ignominies. C'est juste pas admissible", a insisté l’ancien ministre de l’Outre-mer. Même son de cloche du côté de Jean-Marie Le Guen : "le Parlement européen s’honorerait s’il contestait la présence de Jean-Marie Le Pen" en son sein, a jugé mardi sur Europe 1 le secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement.

(A partir de 8'30)

Le Guen : "La grande majorité des français est...par Europe1fr

Au Parlement européen, un règlement durci, mais… Le problème, c’est que l’institution européenne ne possède pas forcément les moyens de sanctionner, de son propre chef, l’un de ses députés. Pourtant, le PE "a récemment durci son règlement intérieur en  introduisant un code de conduite", rappelle à Europe1.fr Nathalie Back, spécialiste des questions européennes à l’Université de Bruxelles. Ce code prévoit que les eurodéputés "s'inspirent et agissent dans le respect des principes de conduite généraux suivants: le désintéressement, l'intégrité, la transparence, la diligence, l'honnêteté, la responsabilité et le respect de la réputation du Parlement". Nul doute qu’avec sa sortie polémique, Jean-Marie Le Pen a contrevenu à ce code de bonne conduite.

Mais il y a un mais. "Ce code s'applique essentiellement aux comportements dans l'enceinte parlementaire et aux situations impliquant le Parlement", explique Nathalie Brack. En clair, la faute doit avoir un lien direct avec le PE pour que celui-ci réagisse. Nathalie Brack cite en exemple un discours de l’europhobe britannique Nigel Farage, prononcé en février 2010 en séance plénière et  jugé insultant envers le président européen Hermann Van Rompuy. Le fautif avait été condamné à une amende de 3.000 euros. En 2007, le Polonais Maciej Giertych avait reçu un blâme pour avoir publié un pamphlet antisémite, mais il avait alors utilisé le logo du Parlement, entachant par là la réputation et la dignité de l'institution. "Dans le cas de Jean-Marie Le Pen, il sera plus difficile d'appliquer le code de conduite, puisque cela s'est déroulé hors de l’hémicycle européen, et que le PE n'est pas mentionné dans ses déclarations  polémique", pronostique Nathalie Brack.

La France a la main. Comme on le confirme du côté du Parlement européen, ce sont en fait les autorités françaises qui sont en capacité d’agir. "Habituellement, une instance nationale d’un pays membre se tourne vers le Parlement européen pour réclamer des sanctions", explique-t-on à Europe1.fr. L’instance européenne n’a donc d’autres choix que d’attendre un éventuel recours venu de France. Pour l’heure, ni les services du ministère de la Justice, ni ceux du Premier ministre, qui se renvoient la balle, n’ont annoncé un tel recours.

Des précédents. Et pourtant, cette démarche aurait de forte chance d’aboutir. "Si une plainte est déposée en France, il est très probable son immunité soit levée par le Parlement, comme cela s'est déroulé dans d'autres cas par le passé", rappelle Nathalie Brack.  En effet, si d’aventure Jean-Marie Le Pen voyait son immunité levée, ce serait loin d’être une première. En 1989, il avait déjà été sanctionné pour avoir lancé, un an plus tôt, à l’encontre du ministre Durafour, le calembour "Durafour crématoire".

En 1998, son immunité avait également été levée un an après avoir répété, en Bavière, que les chambres à gaz n’étaient qu’un détail de la Seconde guerre mondiale. Enfin en 2003, Jean-Marie Le Pen avait été déchu de son mandat de député européen pour l’agression, six ans plus tôt, d’une élue socialiste à Versailles.

Trois recours qui ont donc tous trois abouti, mais après plusieurs mois, sinon plusieurs années, de procédure. En tout état de cause, rien n’empêchera donc Jean-Marie Le Pen d’être présent le 1er juillet pour la première session du Parlement depuis les élections européennes de mai.

 

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