Hollande, une révision constitutionnelle bien loin des promesses de 2012

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avec M.Du et AFP , modifié à
Le chef de l’Etat pourrait bel et bien faire voter sa réforme de la Constitution. Mais avec la déchéance de la nationalité et l’état d’urgence, le président est loin de la révision constitutionnelle dont il rêvait.

Depuis Valéry Giscard d’Estaing, c’est un passage presque obligé pour un président de la République : réviser la Constitution, et donc y laisser sa marque. Après un long feuilleton, François Hollande pourrait bien lui aussi arriver à faire modifier le texte fondamental de la 5e République. La réforme est débattue à partir de vendredi à l’Assemblée nationale avant un vote solennel mercredi. Mais avec la déchéance de nationalité et l’état d’urgence, l’actuel chef de l’Etat est bien loi du texte dont il rêvait au début de son quinquennat.

Exit le droit de vote des étrangers… Plusieurs promesses de campagne sont ainsi passées à la trappe. La plus emblématique est sans doute le droit de vote des étrangers aux élections locales. Très populaire à gauche, cette promesse récurrente a aussi été la première à avoir été laissée de côté par le président Hollande, accompagnée de la réforme du statut pénal du chef de l’Etat, qui ne devait plus être intouchable pendant la durée de son mandat. Ces deux points étaient absents d’un texte de révision constitutionnelle présenté le 13 mars 2013 en Conseil des ministres.

Car du temps de Jean-Marc-Ayrault Premier ministre, une réforme constitutionnelle avait bel et bien été présentée, répartie en quatre lois. L’une d’elle interdisait le cumul des fonctions ministérielles et d’un mandat exécutif local. Si elle avait été adoptée, Jean-Yves Le Drian n’aurait pas pu être à la fois ministre de la Défense et président de la région Bretagne. Cette même loi prévoyait également de mettre fin au statut de membre à vie du Conseil constitutionnel pour les anciens présidents de la République. François Hollande pourra donc, s’il n’est pas réélu, siéger avec les Sages.

Exit la réforme du CSM. Mais le gros morceau de cette ébauche de révision constitutionnelle concernait la justice, avec l’idée de la rendre plus indépendante. La Cour de justice de la République, chargée de juger les fautes commises par les ministres pendant leur fonction, mais aussi et surtout composée de magistrat et d’élus, devait être supprimée. En outre, une loi prévoyait un changement dans la nomination des magistrats du parquet, puisque la Chancellerie aurait eu l’obligation de suivre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.

Et finalement… La réforme constitutionnelle de François Hollande ne comportera que deux articles. Une réforme loin des promesses de 2012 mais dictée par l'actualité. L’article 1 du nouveau texte inscrit l’état d’urgence dans la loi fondamentale. Pour ses défenseurs, il s’agit de mieux encadrer ce régime d’exception né en 1955 en pleine guerre d’Algérie. Au contraire, ses détracteurs jugent la mesure au mieux inutile, au pire dangereuse pour les libertés publiques.

Mais c’est l’article 2 dédié à la déchéance de nationalité pour les terroristes qui a connu le plus de revirements et de débats enflammés. La quête d’un compromis s’est traduite par plusieurs réécritures, d’abord pour retirer la référence à la binationalité, puis celle à l’apatridie dans le futur texte d’application. Désormais, si l'article 2 est voté, l'article 34 de la Constitution évoquera la nationalité "y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation". Mais ce n’est pas encore satisfaisant pour certains socialistes, qui continuent à préférer par exemple une "déchéance nationale", pour la majorité des écologistes et pour la totalité du Front de gauche.